Le procès fleuve des attentats du 13 Novembre 2015, qui ont fait 130 morts et 350 blessés à Saint-Denis et à Paris, s'est tenu entre septembre 2021 et juin 2022. Pendant dix mois, plus de 300 témoins ont été entendus, dont des rescapés de cette nuit d'horreur. Les 20 accusés ont été jugés. Parmi eux, Salah Abdeslam, le seul survivant des commandos de l'organisation du groupe État islamique, commanditaire de ces attaques. Emmanuel Carrère a assisté à l'intégralité du procès et tenu une exceptionnelle chronique hebdomadaire, publiée dans 4 grands journaux européens, L'Obs en France, El País en Espagne, La Repubblica en Italie, Le Temps en Suisse.
V13 (« comme tous, magistrats, avocats, journalistes, appelons ce monstrueux procès du vendredi 13 novembre dans lequel nous sommes embarqués », écrit E. Carrère) rassemble l'ensemble de ces chroniques. C'est une descente aux enfers dans laquelle l'écrivain parvient toujours à saisir l'humanité des uns et des autres, qu'elle soit bouleversante, admirable, ou abjecte. Il saisit l'ironie terrible des propos, des situations. Il refait le récit des événements, et surtout livre son écoute magnifique des paroles et des silences de ce procès. Il en fait notre histoire. Il donne à cet écheveau complexe d'horreur, d'idéologie, de folie et de détresse, une dimension universelle, profondément humaine, qui atteint chacun d'entre nous : « Marylin porte toujours sur elle, dans un petit tube en plastique, l'écrou de 18 mm qu'on a extrait de sa joue. Elle le sort de son sac, ce tube, devant la Cour. Elle dit : Je veux bien vous le montrer, mais je le garde. Elle le remet dans son sac et elle repart avec, et 250 autres témoignages vont déferler après et écraser le sien, mais quand même, Marylin qui s'éloigne, seule, gracieuse et triste, tellement triste, avec son écrou dans son tube, je ne l'oublierai pas. »
« Comment l'appeler ?
Je dis Anne, mais cette fausse intimité me met mal à l'aise. Je ne peux pas dire Anne, quelque chose m'en empêche, qui, au cours de la nuit, se matérialisera par l'impossibilité de rester dans sa chambre. Alors je dis Anne Frank, comme on évoque l'ancienne élève brillante d'un collège fantomatique. Deux syllabes.
Anne Frank, une histoire que « tout le monde connaît » tellement qu'il n'en sait pas grand-chose. Car « tout le monde connaît » ne dit pas que « tout le monde sait », mais qu'on est pressé de passer à autre chose, de le ranger au Musée, ce petit fantôme.
La Maison Anne Frank est un appartement vide. C'est l'absence de ses habitants devant laquelle les visiteurs défilent. C'est le vide qui transforme cet appartement, l'Annexe, en musée. Mais le vide n'existe pas. Il est peuplé de reflets qui témoignent de l'abîme, celui de la disparition d'Anne Frank.
Toute la nuit, j'irai d'une pièce à l'autre, comme si une urgence se tenait tapie encore, à retrouver. »
« Ce que je veux moi, c'est porter le prénom que j'ai reçu à la naissance. Sans le cacher, sans le maquiller, sans le modifier. Sans en avoir peur ».
Elle est née Polina, en France elle devient Pauline. Quelques lettres et tout change.
À son arrivée, enfant, à Saint-Étienne, au lendemain de la chute de l'URSS, elle se dédouble : Polina à la maison, Pauline à l'école. Vingt ans plus tard, elle vit à Montreuil. Elle a rendez-vous au tribunal de Bobigny pour tenter de récupérer son prénom.
Ce premier roman est construit autour d'une vie entre deux langues et deux pays. D'un côté, la Russie de l'enfance, celle de la datcha, de l'appartement communautaire où les générations se mélangent, celle des grands-parents inoubliables et de Tiotia Nina. De l'autre, la France, celle de la materneltchik, des mots qu'il faut conquérir et des Minikeums.
Drôle, tendre, frondeur, Tenir sa langue révèle une voix hors du commun.
Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d'interroger le passé familial. Évoquant l'ascension de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé grandissant apparu entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux histoires : celle de l'apparition du sida dans une famille de l'arrière-pays niçois - la sienne - et celle de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.
Dans la lignée d'Annie Ernaux ou de Didier Éribon, Anthony Passeron mêle enquête sociologique et histoire intime. Dans ce roman de filiation, il évoque la solitude des familles à une époque où la méconnaissance du virus était totale, le déni écrasant, et le malade considéré comme un paria.
Quand Yves Harté aperçoit le très célèbre tableau du Greco, El caballero de la mano en el pecho (Le Chevalier à la main sur la poitrine), lors d'une rétrospective à Tolède, une chose l'intrigue : la note qui accompagne le portrait diffère d'une autre qu'il a lue autrefois. La première assurait que le modèle était un notable sage et obscur, celle-ci affirme qu'il s'agit d'un aventurier du Siècle d'or, espion et courtisan de Philippe II. Laquelle est vraie ?
L'auteur décide de mener l'enquête en Espagne.
Plus il progresse au coeur du pays, plus lui revient en mémoire le souvenir d'un ami avec qui il avait déjà voyagé sur ces terres : Pierre Veilletet, écrivain et journaliste, qui l'aida à ses débuts.
Comme l'un des deux modèles évoqués pour le portrait, cet aîné extravagant, drôle et affabulateur cherchait une reconnaissance qui ne venait pas, jusqu'à ce qu'un jour il décède dans la solitude. Son absence pèse à l'auteur. Au fil des routes ensoleillées et poussiéreuses d'une Espagne qui change, la figure du caballero et de l'ami se superposent au point de se confondre.
Dans ce récit sensible à l'écriture éblouissante, Yves Harté livre une réflexion intime sur l'amitié masculine et les rêves des hommes, qui meurent parfois de ne pas les atteindre.
Dans un menu enfant, on trouve un burger bien emballé, des frites, une boisson, des sauces, un jouet, le rêve. Et puis, quelques années plus tard, on prépare les commandes au drive, on passe le chiffon sur les tables, on obéit aux manageurs : on travaille au fastfood.
En deux récits alternés, la narratrice d'En salle raconte cet écart. D'un côté, une enfance marquée par la figure d'un père ouvrier. De l'autre, ses vingt ans dans un fastfood, où elle rencontre la répétition des gestes, le corps mis à l'épreuve, le vide, l'aliénation.
27 avril 1718. Un incendie ravage le Petit-Pont, menaçant Notre-Dame. Alors qu'à Paris l'air est tout en feu, au château de Sceaux, la duchesse du Maine souffle sur un autre brasier bien plus dangereux pour le Régent, celui du complot.
Mariée à l'aîné des bâtards de Louis XIV, haute comme trois pommes mais animée de l'orgueil d'une princesse du sang, cette précieuse règne sur sa petite cour de beaux esprits comme sur son mari. Soutenue en secret par le prince de Cellamare, ambassadeur du roi d'Espagne, et encouragée par les survivants de la vieille cour du Roi-Soleil, elle va intriguer avec passion.
Ainsi, en ce printemps 1718, un vent de fronde se lève sur la France et une véritable course-poursuite pour le pouvoir s'engage entre la duchesse d'un côté et le Régent de l'autre.
À travers les méandres des conspirations politiques, les haines familiales et une galerie de portraits tous plus extravagants les uns que les autres, Camille Pascal fait renaître avec virtuosité le temps enflammé et haletant de la Régence.
Autrefois, Zem Sparak fut, dans sa Grèce natale, un étudiant engagé, un militant de la liberté. Mais le pays, en faillite, a fini par être vendu au plus offrant, malgré l'insurrection. Et dans le sang de la répression massive qui s'est abattue sur le peuple révolté, Zem Sparak, fidèle à la promesse de toujours faire passer la vie avant la politique, a trahi. Au prix de sa honte et d'un adieu à sa nation, il s'est engagé comme supplétif à la sécurité dans la mégalopole du futur. Désormais il y est «chien» -c'est-à-dire flic - et il opère dans la zone 3, la plus misérable, la plus polluée de cette Cité régie par GoldTex, fleuron d'un post-libéralisme hyperconnecté et coercitif. Mais au détour d'une enquête le passé va venir à sa rencontre.
Avec "Chien 51", Laurent Gaudé s'aventure dans le "futur" ; à la fois lyrique, philosophique et tragique, politique aussi, c'est toujours l'homme qu'il questionne.
«Là, sur la route de la mer, après le portail blanc, dissimulées derrière les haies de troènes, les tilleuls et les hortensias, se trouvaient les vacances en Bretagne. Août était le mois qui ressemblait le plus à la vie.»Après de longues années d'absence, un jeune homme retourne dans la grande maison familiale. Dans ce décor de toujours, au contact d'un petit cousin qui lui ressemble, entre les après-midi à la plage et les fêtes sur le port, il mesure avec mélancolie le temps qui a passé.Chronique d'un été en pente douce qui commence dans la belle lumière d'août pour finir dans l'obscurité, ce roman évoque avec beaucoup de délicatesse la bascule de l'enfance à l'âge adulte.
J'ai vécu ce que j'avais à vivre et aimé du mieux que j'ai pu. Si je n'ai pas eu de chance ou si je l'ai ratée d'un cheveu, si j'ai fauté quelque part sans faire exprès, si j'ai perdu toutes mes batailles, mes défaites ont du mérite - elles sont la preuve que je me suis battu.Algérie, 1914. Yacine Chéraga n'avait jamais quitté son douar lorsqu'il est envoyé en France se battre contre les «Boches». De retour au pays après la guerre, d'autres aventures incroyables l'attendent. Traqué, malmené par le sort, il n'aura, pour faire face à l'adversité, que la pureté de son amour et son indéfectible humanité.Les Vertueux est un roman majeur, la plus impressionnante des oeuvres de Yasmina Khadra.
Un couple au bord de la séparation s'offre un séjour en Sicile pour se réconcilier.
A quelques kilomètres de l'aéroport, sur un chemin de terre, leur voiture de location percute un objet non identifié. Le lendemain, ils décident de chercher un garage à Taormine pour réparer discrètement les dégâts.
Une très mauvaise idée.
Est-ce bien raisonnable, tout ça ? Boire un jus de tomate à bord d'un avion après le crash du vol Rio-Paris, passe encore. Partir en Amazonie à la recherche d'un Indien que l'on a vu un soir à la télévision, sûrement pas. Mais Jeanne Beaulieu voyagera d'une drôle de manière, Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss dans une main, des histoires d'amour inachevées dans l'autre. Prendre la route, traverser les forêts, écouter des mélodies d'oiseaux, remonter l'Amazone ou le Guadalquivir, croiser Frida Kahlo et Don Quichotte. Où sommes-nous quand nous sommes quelque part ? Elle n'y peut rien, Jeanne Beaulieu se raconte des histoires qui la conduisent vers ses envies et ses fantômes, vers cet Indien qui lui échappe, vers le regard et les mains bien réelles d'un homme qu'elle n'oubliera jamais.
Jeanne n'est pas dupe. Les voyages exotiques n'existent pas. Au Brésil ou partout ailleurs, s'aventurer à la recherche de soi ranime les douleurs de l'enfance, fait naître des désirs inouïs et dresse devant soi des miroirs. Jeanne est une héroïne paradoxale de roman d'aventures qui aimerait voir se refléter sur l'eau tranquille le visage d'une femme libre.
Ma famille maternelle a quitté la Roumanie communiste en 1961. On pourrait la dire «immigrée» ou «réfugiée». Mais ce serait ignorer la vérité sur son départ d'un pays dont nul n'était censé pouvoir s'échapper. Ma mère, ma tante, mes grands-parents et mon arrière-grand-mère ont été «exportés». Tels des marchandises, ils ont été évalués, monnayés, vendus à l'étranger.Comment, en plein coeur de l'Europe, des êtres humains ont-ils pu faire l'objet d'un tel trafic? Les archives des services secrets roumains révèlent l'innommable:la situation de ceux que le régime communiste ne nommait pas et que, dans ma famille, on ne nommait plus, les juifs.Moi qui suis née en France, j'ai voulu retourner de l'autre côté du rideau de fer. Comprendre qui nous étions, reconstituer les souvenirs d'une dynastie prestigieuse, la féroce déchéance de membres influents du Parti, le rôle d'un obscur passeur, les brûlures d'un exil forcé. Combler les blancs laissés par mes grands-parents et par un pays tout entier face à son passé.
« Tu ne seras jamais aimée de personne. Tu m'as dit ça, un jour, mon père. Tu vas rater ta vie. Tu m'as dit ça, aussi. De toutes mes forces, j'ai voulu faire mentir ta malédiction. ».
Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l'oubli. Après de longues années d'absence, elle appréhende ce retour. C'est l'ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer. Entre eux trois, pendant quelques jours, l'histoire familiale va se nouer et se dénouer.
Sur eux, comme le vol des aigles au-dessus des sommets que ce père aimait par-dessus tout, plane l'ombre de la grande Histoire, du poison qu'elle infuse dans le sang par-delà les générations murées dans le silence.
Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, y grandit en apprenant à éviter les accès de violence de son père, à les anticiper. Si sa mère et sa soeur se résignent à la déferlante des mots orduriers, aux coups, aux retours avinés, préludes à de nouvelles scènes, Jeanne, malgré la peur permanente, lui tient tête. Jusqu'au jour où, pour une réponse péremptoire prononcée avec toute l'assurance de ses huit ans, il la roue de coups. Quand arrive le médecin du village, appelé à son chevet, elle est convaincue que cet homme éduqué et bienveillant va mettre fin au cauchemar : mais, à l'instar des proches et des voisins rustauds, il fait comme si de rien n'était, comme si elle avait été victime d'une simple chute.
Dès lors, son dégoût face à tant de lâcheté, et aussi son désir d'échapper à la terreur quotidienne vont servir de viatique à Jeanne. Grâce à la complicité d'une professeure, elle parviendra à s'inscrire à l'École normale d'instituteurs sans l'autorisation de son père. Cinq années de répit, dans la ville de Sion, loin du foyer familial. Mais le suicide de sa soeur agit comme une énième réplique de la violence fondatrice.
Réfugiée à Lausanne, inadaptée sociale, la jeune femme, que le moindre bruit fait encore sursauter, trouve une forme d'apaisement dans ce nouvel exil volontaire, et dans de longues séances de natation dans le lac Léman. Le plaisir de nager, découvert loin de son père, est le seul qu'elle parvienne à s'accorder. Habitée par sa rage d'oublier et de vivre, elle se construit une existence, s'ouvre aux autres, et s'autorise peu à peu une vie amoureuse.
Dans une langue âpre, syncopée, Sarah Jollien-Fardel dit avec force le prix à payer pour cette émancipation à marche forcée. Car le passé inlassablement s'invite, dans une attitude, un geste, un souvenir.
Sa préférée est un roman puissant sur l'appartenance à une terre natale, où Jeanne n'aura de cesse de revenir, malgré son enfance gâchée, malgré sa colère, aimantée par son amour pour sa mère et la culpabilité de n'avoir su la protéger de son destin.
"Les mots ont le pouvoir qu'on leur donne.".
Amélie Nothomb
L'histoire commence en Espagne, par deux naissances et deux abandons. En juin 1943, une prostituée obèse de Bilbao donne vie à un garçon qu'elle confie aux jésuites. Un peu plus tard, en Galice, une femme accouche d'une fille et la laisse aux soeurs d'un couvent. Elle revient la chercher dix ans après. L'enfant est belle comme le diable, jamais elle ne l'aimera.
Le garçon, c'est Julian. La fille, Victoria. Ce sont le père et la mère de Maria, notre narratrice.
Dans la première partie du roman, celle-ci déroule en parallèle l'enfance de ses parents et la sienne. Dans un montage serré champ contre champ, elle fait défiler les scènes et les années : Victoria et ses dix frères et soeurs, l'équipe de foot du malheur ; Julian fuyant l'orphelinat pour s'embarquer en mer. Puis leur rencontre, leur amour et leur départ vers la France. La galicienne y sera femme de ménage, le fils de pute, gardien du théâtre de la Michodière. Maria grandit là, parmi les acteurs, les décors, les armes à feu de son père, basque et révolutionnaire, buveur souvent violent, les silences de sa mère et les moqueries de ses amies. Mais la fille d'immigrés coude son destin. Elle devient réalisatrice, tombe amoureuse, fonde un foyer, s'extirpe de ses origines. Jusqu'à ce que le sort l'y ramène brutalement. A vingt-sept ans, une tarologue prétend qu'elle ne serait pas la fille de ses parents. Pour trouver la vérité, il lui faudra retourner à Bilbao, la ville où elle est née. C'est la seconde partie du livre, où se révèle le versant secret de la vie des protagonistes au fil de l'enquête de la narratrice.
Stupéfiant de talent, d'énergie et de force, Les gens de Bilbao naissent où ils veulent nous happe dès le premier mot. Avec sa plume enlevée, toujours tendue, pleine d'images et d'esprit, Maria Larrea reconstitue le puzzle de sa mémoire familiale et nous emporte dans le récit de sa vie, plus romanesque que la fiction. Une histoire d'orphelins, de mensonges et de filiation trompeuse. De corrida, d'amour et de quête de soi. Et la naissance d'une écrivaine.
Un enfant arrive en hiver dans une région de haute montagne. Parisien il découvre la neige pour la première fois. Un décor impensé, impensable se dresse devant lui, cerné de pics et de glaciers qui par instant se dessinent dans l'épaisseur du brouillard. Dans cette vallée isolée en haute montagne, à courte distance du Mont-Blanc, la nature règne en maître au rythme des saisons, ces cycles immuables au cours desquels des hommes et des femmes, des gosses, aux vies modestes mais d'une humanité décuplée par le sens et la nécessité de leurs tâches, vont partager leur monde avec ce citadin, ébahi.
Temps de guerre, temps de tourments, temps de fuite, irruption de la montagne comme recours ; ces pages magnifiques sont une échappée salvatrice.
Valentine Goby donne probablement ici le meilleur de ses romans, la portée de son livre est fascinante. Toute l'altitude d'un écrivain.
Dans une grande ville d'un pays en guerre, un spécialiste de l'interrogatoire accomplit chaque jour son implacable office.
La nuit, le colonel ne dort pas. Une armée de fantômes, ses victimes, a pris possession de ses songes.
Dehors, il pleut sans cesse. La Ville et les hommes se confondent dans un paysage brouillé, un peu comme un rêve - ou un cauchemar. Des ombres se tutoient, trois hommes en perdition se répondent. Le colonel, tortionnaire torturé. L'ordonnance, en silence et en retrait. Et, dans un grand palais vide, un général qui devient fou.
Le colonel ne dort pas est un livre d'une grande force. Un roman étrange et beau sur la guerre et ce qu'elle fait aux hommes.
On pense au Désert des Tartares de Dino Buzzati dans cette guerre qui est là mais ne vient pas, ou ne vient plus - à l'ennemi invisible et la vacuité des ordres. Mais aussi aux Quatre soldats de Hubert Mingarelli.
Après De Pierre et d'os (200 000 lecteurs), Bérengère Cournut revient avec un nouveau roman. Avec une fantaisie qui n'appartient qu'à elle, l'autrice nous conte le destin d'une mère qui s'évapore de la maison et laisse un trio pas banal d'enfants livrés à eux-mêmes. Des contrées de l'enfance jusqu'à la découverte du grand Nord, c'est un nouveau voyage qui commence....
Odile a disparu, laissant derrière elle son mari Ferment et leurs trois enfants. Privés de la présence maternelle, Béguin, Chiffon et la jeune Zizi Cabane doivent trouver un nouvel équilibre. Mais rien ne se passe comme prévu dans la maison. Une source apparaît dans le sous-sol, et veut absolument rejoindre le ruisseau du jardin. Un drôle de vent rôde. Et tandis que tante Jeanne essaie de ramener un peu de raison là dedans, Marcel Tremble, faux grand-père surgi de nulle part, accompagne avec tendresse la folie de ces êtres abandonnés. Que vont devenir les chagrins ? Sur quelles pentes vont-ils désormais rouler ?
Après le voyage arctique de De pierre et d'os, Bérengère Cournut réussit une nouvelle fois l'invraisemblable : mêler la poésie à la prose pour dire en souriant la douleur, associer le quotidien aux rêves pour réinventer avec force un chemin de vie.
Après "L'invention des corps" et "Le grand vertige", toujours en phase avec les vibrations du monde, Pierre Ducrozet change de focale pour raconter une famille dont l'astre vital est la musique, une famille où l'amour (et les malentendus) circulent dans toutes les tonalités. Où l'on retrouve son énergie, sa plasticité, sa vitesse au service d'une profondeur nouvelle dans une anti-saga affranchie des modèles, une histoire intime, sauvage et informelle de la musique au XXe siècle, un roman qui danse et qui sonne comme un concert et une tempête. Au plus près des personnages, dans l'exploration de ce qui les lie et les délie, "Variations de Paul" nous happe et nous bouleverse.
Leïla, Tarek et Saïd grandissent dans un village de l'est de l'Algérie, au début des années 1920. La première, mariée très jeune contre son gré, décide de se séparer et retourne chez ses parents, avec son fils, dans la réprobation générale. Tarek est un berger timide et discret. Saïd, lui, vient d'une famille plus aisée et poursuit des études à l'étranger. Tous deux sont secrètement amoureux de Leïla.
La Seconde Guerre mondiale envoie les hommes au front, ils se perdent de vue. Saïd devient un homme de lettres. Tarek, rentré au village, épouse Leïla et adopte l'enfant. Trois filles suivront. Bientôt il rejoint la lutte pour l'indépendance, puis participe au grand tournage de La Bataille d'Alger, avant de partir travailler dans une usine, en région parisienne. Par une suite de hasards inattendus, il se retrouve gardien d'une magnifique villa à Rome, temps suspendu dans une trajectoire tourmentée.
Leïla, elle, connaît la vie des femmes rurales de cette époque. Cantonnée dans l'éducation des enfants et les tâches ménagères, elle décide d'apprendre à lire et à écrire.
Mais la publication du premier roman de Saïd vient bouleverser la vie du couple. Tarek doit rentrer au plus vite.
À travers les destins croisés de trois personnages, Kaouther Adimi dresse une grande fresque de l'Algérie, sur un siècle ou presque, de la colonisation à la lutte pour l'indépendance, jusqu'à l'été 1992, au moment où le pays bascule dans la guerre civile.
«Dans les mots que la vieille femme déposa au creux de son oreille, Encarnación perçut le murmure d'un oracle lointain:Éloigne de toi ceux que tu aimes, car la nuit les engloutira et tu porteras leur corps...»À l'âge de quinze ans, alors que la famine sévit dans son Andalousie natale, Juan Ortega quitte sa famille pour devenir le cuisinier d'Ignacio, un célèbre torero. Dans son sillage, à Madrid, New York et Paris, Juan se laisse happer par l'effervescence des années folles. Il croise la route du poète solaire Federico Garcia Lorca et se consume d'amour pour Encarnación, danseuse de flamenco, muse de toute une génération d'artistes et amante d'Ignacio. Mais déjà la guerre gronde et apporte son cortège de tragédies.Hommage passionné à une Espagne légendaire, Les Sacrifiés est un roman d'apprentissage chatoyant qui dépeint la fabrique d'un héros et le prix de la gloire.
C'est une suite de lettres entre amis qui se sauvent la vie. Dans ce roman épistolaire, Virginie Despentes revient sur le thème qui unit tous ses livres - comment l'amitié peut naître entre personnes qui n'ont à priori rien à faire ensemble.
Rebecca a dépassé la cinquantaine, elle est actrice, elle est toujours aussi séduisante. Oscar a quarante-trois ans, il est un auteur un peu connu, il écoute du rap en essayant d'écrire un nouveau livre. Ils sont des transfuges de classe que la bourgeoisie n'épate guère. Ils ont l'un comme l'autre grandi et vieilli dans la culture de l'artiste défoncé tourmenté et sont experts en polytoxicomanie, mais pressentent qu'il faudrait changer leurs habitudes. Zoé n'a pas trente ans, elle est féministe, elle ne veut ni oublier ni pardonner, elle ne veut pas se protéger, elle ne veut pas aller bien. Elle est accro aux réseaux sociaux - ça lui prend tout son temps.
Ces trois-là ne sont pas fiables. Ils ont de grandes gueules et sont vulnérables, jusqu'à ce que l'amitié leur tombe dessus et les oblige à baisser les armes.
Il est question de violence des rapports humains, de postures idéologiques auxquelles on s'accroche quand elles échouent depuis longtemps à saisir la réalité, de la rapidité et de l'irréversibilité du changement. Roman de rage et de consolation, de colère et d'acceptation, Cher connard présente une galerie de portraits d'êtres humains condamnés à bricoler comme ils peuvent avec leurs angoisses, leurs névroses, leurs addictions aux conflits de tous ordres, l'héritage de la guerre, leurs complexes, leurs hontes, leurs peurs intimes et finalement - ce moment où l'amitié est plus forte que la faiblesse humaine.