Écrivain, vedette de music-hall, journaliste, première femme à recevoir en France des funérailles nationales... Les différentes facettes de la vie de Colette témoignent de son goût personnel pour l'alliance de contraires qui chez elle n'en sont pas. C'est le fil de cette vie riche et intense que tire Emmanuelle Lambert dans un portrait littéraire illustré par les photographies d'Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Gisèle Freund, Lee Miller et Irving Penn entre autres. Elle nous y invite à relire l'oeuvre et la vie d'une icône, l'une des plus grandes stylistes du siècle dernier.
Claudine à l'école est le grand succès de mars 1900. Le livre est signé Willy. On sait généralement qu'il s'agit du pseudonyme d'Henry Gauthier-Villars, qui l'utilise pour signer les productions de l'atelier qui lui écrit ses ouvrages. Cette fois, pourtant, le texte sort du lot. Il ne ressemble à rien de connu, la langue est nouvelle, le ton insolent, le propos scandaleux. C'est qu'il n'est pas de la plume d'un des scribes habituels de Willy : il est de sa jeune femme, Sidonie-Gabrielle, née Colette.Colette : il faudra attendre 1923 et Le Blé en herbe pour que ce nom apparaisse seul sur la couverture d'un livre. Avant cela, il y aura eu d'autres «Willy», des «Colette Willy» et même des «Colette (Colette Willy)». Mais on a vite compris. Catulle Mendès écrit à Colette : «vous avez créé un type». Claudine en effet est un type, et elle deviendra un mythe. Colette en créera d'autres : celui de Sido, sa mère, «le personnage principal de toute [s]a vie» ; celui de Gigi, jeune fille élevée pour devenir une femme entretenue et qui échappe à ce destin ; et celui de Colette elle-même, qui se construit au fil de plusieurs vies - elle fut danseuse, mime, actrice, journaliste, directrice d'un institut de beauté, publicitaire... comme si la littérature ne pouvait suffire à lui assurer l'indépendance et la liberté qui sont, avec l'aptitude au plaisir, ses valeurs les plus hautes. Des tenues succinctes portées sur la scène du Moulin Rouge à la croix de grand-officier de la Légion d'honneur reçue en 1953, la ligne droite n'est pas le chemin le plus court. Mais l'oeuvre de Colette s'est nourrie de ce sinueux parcours.Colette appelle «littérature» tout ce qu'elle n'ai me pas : l'emphase, la «ciselure» et les idées générales, qui lui vont aussi mal, dit-elle, que les chapeaux empanachés. L'année du Blé en herbe, elle déclare à Simenon : «Supprimez toute la littérature, et ça ira.» «C'est le conseil qui m'a le plus servi dans ma vie», dira le romancier. C'est aussi ce qui préserve l'oeuvre de Colette du vieillissement. L'ouverture de Chéri, en 1920, a époustouflé les lecteurs. Cent ans plus tard, on l'admire toujours. Mais le style ne serait rien s'il n'était au service d'un regard d'une extraordinaire sensibilité.Colette, nous dit Antoine Compagnon, rend présents «le monde de l'enfance, l'étoffe de la sensation, l'émotion de la mémoire». On la crédite aussi d'avoir été «la première femme qui ait vraiment écrit en femme» (A. Maurois), la première à explorer ainsi les amours adolescentes (Le Blé en herbe), à entretenir une réelle connivence avec la nature et «les bêtes», à poser ce qu'on appellera la question du «genre» (dans Le Pur et l'Impur, en 1941), etc. Mais ce sont ces trois domaines - l'enfance, la sensation, la mémoire - qu'il faut retenir si l'on veut lui rendre justice. Elle les partage avec Proust, dont elle admira
Depuis maintenant une bonne trentaine d'années, chercheurs, collectionneurs, lecteurs et spécialistes ont permis de révéler la richesse, la profondeur et la complexité de l'oeuvre de Colette ainsi que sa personnalité, inscrits dans la modernité. C'est cette modernité qu'explore le Cahier de L'Herne. Non seulement en revisitant quelques-uns des grands thèmes de l'oeuvre, mais aussi en s'interrogeant sur la radicalité dont Colette fait preuve dans ses choix. À propos des bêtes, de la nature, ou encore de sa position ambivalente à l'égard du féminisme, dont certains travaux et textes prouvent que Colette professe un féminisme non pas théorique et militant, mais un féminisme du quotidien, on serait tenté de dire : un féminisme constitutif. Le développement des « gender studies » (études de genre), venues des États-Unis, a contribué à faire relire Colette dans cette optique. Car il s'agit, là aussi, d'une interrogation essentielle qui irrigue toute son oeuvre et bien souvent sa vie, lui permettant de questionner les représentations classiques du féminin/masculin en les détournant, voire en les inversant.
Nombreuses sont les lectrices pour qui Colette aura été un modèle, parfois une confidente, souvent même une source d'inspiration sur les voies de l'émancipation et de la création. Les lettres qu'elles lui adressèrent, leurs innombrables souvenirs et témoignages forment ici la matière d'un portrait inédit de l'écrivaine. Certaines de ces «belles écouteuses» sont restées dans l'ombre de son oeuvre. D'autres sont devenues célèbres, à l'instar de Simone de Beauvoir, qui l'admirait au point d'en faire une source capitale de son essai Le Deuxième Sexe, de Marguerite Yourcenar, de la star Marilyn Monroe, qui possédait ses romans, ou encore d'Audrey Hepburn, qui doit sa carrière à la romancière - sans oublier la jeune Françoise Sagan, enhardie par la prose de son aînée. Le pouvoir des mots, leur enchantement nourrissent ce vagabondage littéraire ordonné par l'un des meilleurs spécialistes de Colette.
Pourquoi Colette ? Un grand écrivain, c'est aussi un écrivain qui crée des mythes, qui renouvelle notre mythologie. « Créer un poncif, c'est le génie », disait Baudelaire. Colette a créé quatre mythes : Claudine; Sido, Gigi, et Colette, elle-même, grand écrivain national, monstre sacré. Admirée par Simone de Beauvoir, pionnière de la transgression et de la provocation, elle fait souffler dans ses romans ce vent de liberté qui nous manque tant aujourd'hui. Antoine Compagnon décline toutes les facettes de Colette, des plus connues ou plus secrètes. De Claudine, sa première héroïne, dont son mari, Willy, s'appropria la paternité, signant de son propre nom les textes de son épouse et récoltant le succès et l'argent à sa place. Sido, inspirée par sa propre mère, sans doute sa plus belle invention romanesque. En passant par Gigi, son double littéraire charmante, légère, heureuse en amour et en mariage - à l'opposé de sa créatrice qui fuira « l'homme, souvent méchant » et trouvera refuge auprès des femmes. De sa Bourgogne natale à la présidence de l'académie Goncourt - elle qui n'avait aucun diplôme -, Colette ne fut jamais là où on l'attendait et emmena la littérature là où personne d'autre n'avait osé aller. Plus accessible que Proust, plus moderne que Gide, Claudel ou Valéry, Colette réussit la prouesse d'être à la fois lue dans les écoles et d'avoir conçu une oeuvre toujours aussi sulfureuse. Lire Colette aujourd'hui, c'est embrasser le XXe siècle dans toute son extravagance, grâce à un style qui n'a pas pris une ride.
Cesse-t-on jamais d'être de son village ? En « vingt arrondissements et deux rives de fleuve », Colette a cherché à retrouver à Paris sa province perdue. Jusqu'à découvrir le Palais-Royal. D'abord entre 1926 et 1930, dans son « tunnel », un sombre entresol aux fenêtres en demi-lune ; puis, de 1938 à sa mort en 1954, dans la « seigneurie retrouvée », un premier étage dont les hautes baies donnent directement sur le jardin « Ma Province de Paris » écrit Colette à propos de cette enclave de verdure en plein coeur de la capitale.
Un village en somme avec ses autochtones, ses habitants anonymes ou illustres (Cocteau, Bérard, Bove etc.), ses lieux de rencontres, ses boutiques et ses restaurants (le Grand Véfour).
Immobilisée par l'arthrose à partir de la fin des années 40, l'écrivaine, devenue pour tous « la bonne dame du Palais-Royal », observe le monde depuis son lit-radeau. Elle restitue avec un émerveillement sans cesse renouvelé, le petit monde du Palais-Royal. Ses spectacles petits et grands. Toujours à la recherche du « mot meilleur que meilleur » et de cet accord sensible avec le monde qui est la marque de son style.
Les Monuments nationaux rendront hommage à « la bonne dame du Palais-Royal » au travers d'une exposition qui sera présentée dans les jardins à l'automne 2014.
En 1945, Brasillac, Guitry et Céline s'étonnent publiquement que la grande écrivaine française soit épargnée par l'épuration qui ne les ménage pas. Mais l'arrestation de son mari juif pendant la guerre a désormais balayé toute controverse... Alors que Colette occupe plus que jamais une place clé dans le monde des Lettres, cette période de sa vie reste mystérieuse. Bénédicte Vergez-Chaignon, passionnée de Colette, s'est emparée du sujet et nous entraîne dans le quotidien de la grande célébrité durant ces années noires de la France.
Née il y a 150 ans, Colette se raconte sans filtre.
Colette (1873-1954) a porté sur le monde un nouveau regard de femme, assez fort pour imposer un style à la fois classique et singulier, que Cocteau se plaisait à comparer à celui de La Fontaine. Ses romans, de la série des Claudine aux oeuvres autobiographiques en passant par le sulfureux Blé en herbe, ont séduit un public toujours plus nombreux, pour lequel elle est restée la veilleuse solitaire du Palais-Royal et de la Treille Muscate, la Madone aux chats et la librettiste de Maurice Ravel. Colette aura mené une bataille quotidienne, durant son existence, avec un élan qui fit d'elle « la femme la plus libre du monde », selon Mac Orlan.
En 1949, André Parinaud réalise une série de trente-cinq entretiens radiophoniques avec Colette. À cette époque, alors au zénith de sa célébrité, l'autrice de La Chatte n'écrit plus guère, préférant diriger l'édition de ses oeuvres complètes. De nouveaux personnages - Sido, Julie de Carneilhan - ont remplacé Claudine, Chéri, « la vagabonde » et « l'ingénue libertine ». Elle évoque tout cela, ses rencontres littéraires, mais aussi l'amour - « un sentiment qui n'est pas honorable » -, sa Bourgogne natale et son amour de la nature, l'une des clés de son oeuvre.
Précédente édition grand format : Ecriture (2014).
Malgré une différence d'âge entre eux, Léa de Lonval est la maîtresse de Fred Peloux, surnommé Chéri. Léa ressent les moindres effets d'une passion qu'elle pense être la dernière. Il suffira à Chéri d'épouser la jeune Edmée pour comprendre que la rupture avec Léa ne va pas sans regrets. Peinture narquoise d'un certain milieu demi-mondain.
Françoise Cloarec lève le voile sur le grand secret de la famille de Colette : le destin tragique de la demi-soeur de l'écrivaine.
Juliette Robineau-Duclos, la victime d'un père et d'un mari tyranniques. Quand Colette fut la lumière, libre, indépendante, puissante, belle, et surtout aimée, celle qu'elle nommait « Ma soeur aux longs cheveux », fut tout l'inverse. Juliette :
« l'ombre, la soumission, la laideur et la faiblesse ». Colette s'est émancipée quand Juliette est demeurée enchaînée, par manque d'amour et sous l'effet de la maltraitance de son entourage.
Cette enquête psychologique et richement documentée permet de mieux comprendre l'oeuvre de Colette. Mais elle révèle aussi pourquoi, dans une famille, il n'y a jamais de lumière sans ombre, que quelqu'un paye toujours le prix de la gloire d'un autre.
Août 1914. Dans un joli chalet du 16e arrondissement, Colette, la romancière, la journaliste célèbre, fait venir ses amies les plus proches. Il y a Marguerite Moreno, la comédienne ; Annie de Pène, la chroniqueuse et « presque soeur » ; Musidora dite Musi, bientôt la première vamp du cinéma. Ces quatre femmes libres qui portent les cheveux courts et délaissent le corset, n'oublient pas le ciel de Paris où passent les dirigeables, ni leur travail, ni les hommes. Elles vont vers l'être aimé, quel qu'il soit. Au coeur de l'histoire, sanglante et sauvage, elles affirment leur personnalité, leur amitié et leur insoumission.
Un récit sensible, nuancé. Des mondes enfouis surgissent. C'est fascinant. Marie-Françoise Leclère, Le Point.
Portraits vivants, sens des destinées, refus de l'exhaustivité. Une biographie non conventionnelle, à l'image de ses héroïnes. Marie-Laure Delorme, Le JDD.
La biographe semble être une envoyée spéciale revenue d'un reportage. Bernard Morlino, Le Magazine littéraire.
Colette La Maison de Claudine «Les souvenirs d'enfance sont toujours difficiles à définir et à décrire. [.] Qu'y a-t-il au fond des plus beaux de tous, qui sont ceux de Mme Colette ? Vraiment rien. [.] nulle part d'événements, seulement un mot, une attitude, une situation, qui sont demeurés dans l'esprit de l'adulte comme symboles de son enfance. Ils devraient ne rien signifier pour nous, ne nous intéresser aucunement. Par la magie d'un art incomparable, ces souvenirs deviennent les nôtres.» Robert Brasillach.
Lorsque débute leur vie commune, Alain et Camille sont deux amis d'enfance que tout en apparence rapproche. Mais leurs secrètes rêveries les divisent. « Mon mariage, reconnaît Alain, contente tout le monde et Camille, et il y a des moments où il me contente aussi, mais... » Ce qu'Alain aime en Camille, c'est une beauté idéalisée, faite d'immobilité et de silence. Aussi est-il déconcerté par son exubérance. Comme l'arrivée d'une saison nouvelle, la découverte de leur intime division le met à la merci d'autres rêves. Et c'est alors que le drame se noue. La chatte Saha sera désormais pour Alain la chimère sublime qui domine sa vie et pour Camille la rivale détestée contre laquelle aucun procédé n'est trop brutal.
Avec une maîtrise et une sobriété sans égales, Colette a composé, en suivant les règles de l'art classique, une véritable tragédie d'amour à trois personnages.Couverture dessinée par Leonor Fini.
Dans Sido, Colette évoque le souvenir de sa mère, l'inoubliable « Sido », qui régna sur son enfance et l'initia aux joies d'être au monde. Elle nous parle aussi de son père, « le capitaine », de sa soeur aînée, « l'étrangère », et de ses deux frères, « les sauvages », de l'amour qui unissait ses parents et de son enfance heureuse. Les Vrilles de la vigne, collection de courts textes, anecdotes, dialogues, donnent à lire une Colette en pleine émancipation, souhaitant s'affranchir de son mariage avec Willy et s'affirmer en tant que femme et autrice.Ces oeuvres, rédigées à différentes époques de la vie de Colette, ont en commun un irrésistible élan vital. Elle y fait montre d'une curiosité insatiable à l'égard du monde et de ses semblables, d'une sensualité sans cesse convoquée à travers des évocations de la nature, et nous raconte avec émotion et nostalgie son enfance.« Sido » est un mythe, mais c'est à ce mythe que nous devons l'un de nos écrivains les plus libres et téméraires. Antoine Compagnon.Préface inédite d'Antoine Compagnon.
Un titre bien sage pour un roman qui l'est moins. Claudine le reconnaît : « Vrai, cette école n'est pas banale ! » Comment pourrait-elle l'être ? Les élèves ont des personnalités peu communes : la grande Anaïs, que Claudine qualifie de menteuse, filouteuse, flagorneuse, traîtresse, possède en outre « une véritable science du comique » ; les Jaubert sont agaçantes à force de sagesse ; Marie Belhomme, « bébête, mais si gaie » ; Luce, charmeuse autant que sournoise ; et les autres, « c'est le vil peuple ». Quant aux maîtresses... Mlle Sergent, « la rousse bien faite », aussi intelligente que laide, est tout yeux pour son assistante, Mlle Aimée, la bien nommée. Ajoutez les instituteurs des garçons, le pâle Duplessis et le vaniteux Rabastens, le médecin scolaire, le Dr Dutertre, aux dents de loup, qui aime s'attarder auprès des grandes... et vous obtenez un mélange détonant. Pour parfaire l'ensemble, c'est une Claudine débordante de vitalité, excessive dans ses élans, qui mène la ronde.
En juillet 1927, Colette quitte Paris pour Saint-Tropez le temps d'un été. Tout en relisant les lettres de sa mère Sido dont elle extrait «quelques joyaux», elle s'émerveille de la végétation méditerranéenne luxuriante et repense avec mélancolie à sa vie passée. C'est le temps de la réflexion, mais aussi celui des amitiés estivales et de la dernière exaltation amoureuse.Mi-songe mi-récit, La Naissance du jour (1928) célèbre la métamorphose de l'écrivain Colette qui renonce à l'amour pour embrasser le monde et naviguer en eaux profondes, au plus près d'elle-même.
« KIKI-LA-DOUCETTE : Elle a voulu - j'étais petit - me purger avec l'huile. Je l'ai si bien griffée et mordue qu'Elle n'a pas recommencé. Elle a cru, une minute, tenir le démon sur ses genoux. Je me suis roulé en spirale, j'ai soufflé du feu, j'ai multiplié mes vingt griffes par cent, mes dents par mille, et j'ai fui, comme par magie.
TOBY-CHIEN : Je n'oserais pas. Je l'aime, tu comprends. Je l'aime assez pour lui pardonner même le supplice du bain. »
Petite-fille et nièce adorée de deux demi-mondaines, Gigi s'applique à manger délicatement du homard à l'américaine, à distinguer une topaze d'un diamant jonquille et surtout à ne pas fréquenter « les gens ordinaires ». On lui apprend son futur métier de grande cocotte. Mais Gigi et Gaston Lachaille, le riche héritier des sucres du même nom, en décident autrement... Gigi, un des rares romans d'amour heureux de Colette, donne son titre à ce recueil qui réunit trois autres nouvelles : « L'enfant malade », « La dame du photographe » et « Flore et Pomone ».