litterature italienne
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C'est à sa constante recherche de formes nouvelles, autant qu'à son imagination audacieuse, qu'Italo Calvino romancier - pour ne rien dire du conteur ni de l'essayiste - doit d'occuper une place de premier plan dans la littérature contemporaine. Le goût de l'expérimentation, le refus de se répéter, l'esprit ludique aussi, ont entraîné l'auteur du Sentier des nids d'araignée très loin du "néo-réalisme" de ses débuts : peu d'écrivains ont joué sur une telle variété de registres. On s'étonne, à première vue, que l'auteur du fabuleux Baron perché (1957) soit aussi celui du méditatif Monsieur Palomar (1983), et qu'au réalisme poétique de Marcovaldo (1963) aient succédé les jeux combinatoires des Villes invisibles (1972) et de Si une nuit d'hiver un voyageur (1979). C'est d'une même exigence, pourtant, que procèdent ces oeuvres si diverses. D'un même refus du biographique et de l'autofiction ; d'une même volonté de comprendre la complexité du monde, en rejetant les interprétations univoques ; d'une même conviction que la littérature, si elle se tient à bonne distance, peut intervenir sur la réalité. À sa manière ludique et singulièrement inventive, en associant le sérieux à l'ironie, Calvino outrepasse les frontières traditionnelles du roman : tantôt en réorientant le romanesque vers le conte et la fable, tantôt au contraire en l'associant, en héritier des Lumières, à la recherche scientifique. Imagination et raison, chez Calvino, ont noué une alliance exemplaire.
Yves Hersant -
«Autrefois on disait déjà la colline comme on aurait dit la mer ou la forêt. J'y allais le soir, quittant la ville qui s'obscurcissait, et, pour moi, ce n'était pas un endroit comme un autre, mais un aspect des choses, une façon de vivre. [...] J'y montais le soir pour éviter le sursaut des alertes : les chemins fourmillaient de gens, de pauvres gens que l'on évacuait pour qu'ils dorment au besoin dans les prés, en emportant un matelas sur leur vélo ou sur leur dos, criaillant et discutant, indociles, crédules, amusés.» Cesare Pavese, La Maison des collines, 1948.
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«Je pardonne à tous et à tous je demande pardon. Ça va ? Pas trop de bavardages.» Le 27 août 1950, Cesare Pavese se donne la mort dans la chambre 49 de l'Hotel Roma, à Turin. Il laisse un mot d'excuse, des poèmes et un journal intime, Le Métier de vivre. Pierre Adrian a retracé le dernier été d'un écrivain hanté par le suicide. Il a cherché dans sa vie et dans ses livres de quoi nous apprendre, malgré tout, le douloureux métier de vivre. Pavese apparaît au fil des pages comme un compagnon de route taciturne, drôle, sincère. Au cours de ces errances en ville et dans les collines, on croise Monica Vitti et Antonioni, Calvino, des actrices américaines... Mais aussi «la fille à la peau mate», qui déambule aux côtés du narrateur sur les traces d'une ombre, dans ce Piémont devenu le lieu éblouissant des retrouvailles avec l'être aimé. Avec ce nouveau récit au charme furieux, Pierre Adrian nous donne à contempler une Italie d'après-guerre en noir et blanc, où la littérature et la politique sont une question de vie ou de mort, où rien n'est jamais grave mais où le tragique finit par s'inviter.
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Nous sommes en Sicile, en 1860 : Garibaldi débarque à Marsala, la bourgeoisie en profite pour évincer l'aristocratie fidèle aux Bourbons. C'est sur cette scène que se tissent les rapports du prince Salina, astronome renommé, et de son neveu Tancrède, dont les noces avec Angelica, fille d'un parvenu, sanctionnent l'avènement des temps nouveaux. L'atmosphère pessimiste dans laquelle baigne ce grand roman historique dénonce, avec une authentique force lyrique, l'immobilisme d'une société consciente de son déclin. L'aventure éditoriale du Guépard est passionnante puisqu'il fut refusé par les plus grands éditeurs avant de devenir un des classiques de la littérature italienne. Le texte, publié après la mort de l'auteur par Bassani en 1958 ? et à partir duquel avait été faite la traduction française ? a été depuis corrigé à plusieurs reprises, pour donner lieu en 2002 à une nouvelle version supervisée par le neveu de Tomasi di Lampedusa, Gioacchino Lanza Tomasi ; établie sur le manuscrit que l'auteur avait corrigé peu avant de mourir, cette dernière édition est enrichie en appendice de matériaux autographes récemment retrouvés, tous liés à la rédaction de l'oeuvre, et d'une postface qui en raconte la gestation et les différentes étapes de la publication.
En quelques mots : Une nouvelle traduction, oeuvre d'un des plus grands traducteurs de l'italien, rend justice à ce chefd'oeuvre de la littérature contemporaine. Si l'histoire du Guépard nous est connue, on découvrira ici un rythme, une écriture que la précédente version française avait allègrement adaptée.
L'auteur : Giuseppe Tomasi, duc de Palma, prince de Lampedusa, a vécu jusqu'à soixante ans la vie d'un aristocrate sicilien de haute culture européenne. Un jour de 1955, il se mit à écrire un livre auquel il pensait depuis toujours. Le livre achevé, il mourut. C'était au printemps de 1957. En novembre 1958 paraissait Le Guépard, aujourd'hui traduit dans toutes les langues et partout avec un succès sans précédent. Visconti a adapté le roman au cinéma, et le film, Palme d'or au festival de Cannes, est l'un des sommets de son oeuvre.
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«En moi il y avait le désir que mes nouvelles aient une signification différente, plus riche et profonde que ce que produisait la littérature italienne d'alors, même la plus importante. À la différence des autres, de tous les autres, je prétendais être, en plus d'un auteur de fiction, également un historien de moi-même et de la société que je représentais. Je m'opposais. [...] J'entendais être un historien et un historiciste, non un raconteur de bobards. Je suis parti de là, je ne peux pas feindre de ne pas être parti de là. Je crois à la réalité spirituelle comme à la seule réalité [...] J'y crois vraiment. Et c'est aussi pour cela que je me suis acharné sur mes textes pour en faire une seule oeuvre. C'est uniquement pour cette raison que j'ai écrit et réécrit chaque page de mes livres. J'ai écrit et réécrit pour dire, à travers mon oeuvre, la vérité. Toute la vérité.» Giorgio Bassani, En réponse VII, 4 mai 1991.
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Pasolini en clair-obscur
Guillaume de Sardes
- Flammarion
- Catalogue D'exposition
- 10 Avril 2024
- 9782080438775
Pasolini est peut-être le dernier intellectuel
européen de renommée mondiale. Un demisiècle après sa mort, son influence s'exerce
encore dans les différents champs qu'il
a occupés : il est lu, cité, commenté,
adapté, il inspire les créateurs d'aujourd'hui.
S'il aimait se définir avant tout comme «
écrivain », c'est à travers ses films qu'il
a touché le grand public. L'auteur de ce
catalogue s'attardera ici sur son oeuvre
cinématographique marquée par la peinture
classique italienne et sur l'influence qu'il
exerce sur les artistes d'aujourd'hui. Un texte
érudit, très documenté et largement illustré.
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Pour la première fois en français, les souvenirs de Monica Vitti, véritable icône du cinéma récemment disparue. L'autoportrait d'une femme résolument moderne restée assez mystérieuse sur sa vie privée.
Une silhouette élégante et mystérieuse, une voix rauque, un regard qui semble se perdre dans la plus abyssale des mélancolies... Pendant plus de trente ans, la grâce et le talent de Monica Vitti ont envoûté des générations de spectateurs, tombés sous le charme de
L'avventura, du
Désert rouge ou de
L'Éclipse. Face aux icônes de l'italianité, elle a incarné une femme moderne, troublante et surtout énigmatique, une façon d'être indéchiffrable, insaisissable, dont on lui laisse résumer la formule : " Comme toutes les femmes, j'ai deux visages. "
Ces Mémoires, rédigés en deux volumes dans les années 1990 et traduits pour la première fois, lèvent le voile sur l'une des figures les plus secrètes du cinéma. Son enfance pendant la guerre, ses débuts au théâtre à l'insu de sa famille, sa rencontre avec Michelangelo Antonioni... Monica Vitti fait le récit d'une vie qui semble placée sous l'influence de l'existentialisme, elle évoque ses succès, ses doutes et ses amours - celui du jeu, surtout, et de la comédie, où elle irradie par son sens de l'improvisation et de l'autodérision.
Entre souvenirs et rêveries, ces pages d'une sincérité désarmante révèlent une artiste complexe, fantaisiste et tourmentée, irrésistiblement drôle, à la soif absolue de liberté. " Je suis actrice pour ne pas mourir ", écrivait-elle. Pari réussi. -
Riccardo Molteni, écrivain en mal d'inspiration, devient scénariste pour rembourser les traites de l'appartement qu'il a acheté à Rome avec sa femme Emilia. À la même époque, il rencontre Battista, un puissant producteur, qui l'invite dans sa villa de Capri où il doit écrire une adaptation cinématographique de l'Odyssée. Soudain, alors que la fortune commence à lui sourire, sa femme lui avoue qu'elle ne l'aime plus. Pire, qu'elle le méprise. Désemparé, Riccardo va chercher à en savoir plus. Emilia, obstinément, se tait...Dans Le Mépris (1954), Moravia met en scène le malaise d'un couple à la dérive dans une société dont les valeurs bourgeoises sont en crise. Ce roman, que Jean-Luc Godard a magistralement transposé à l'écran en 1963, est hanté par le mythe du retour à un passé perdu. «Plus on est heureux, et moins on prête attention à son bonheur.»
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Rue Castellana Bandiera
Emma Dante
- Les éditions du Chemin de Fer
- Les Pas Perdus
- 13 Septembre 2024
- 9782490356461
La rue Castellana Bandiera est une rue étroite de Palerme, à double sens, où deux voitures pourtant ne peuvent se croiser. La voiture de Rosa s'engage dans la rue au moment où celle de la famille Calafiore, conduite par Samira, arrive dans le sens opposé. Ni Samira ni Rosa ne sont prêtes à faire marche arrière. Ce sont deux mondes qui d'ordinaire ne se rencontrent jamais qui s'affrontent, deux femmes bien décidées à prendre leur revanche sur les blessures que la vie leur a infligées.
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Histoire des Beati Paoli Tome 1 : Le Bâtard de Palerme
Luigi Natoli
- Editions Métailié
- Suites
- 21 Juin 2024
- 9791022613798
Septembre 1713. Juché sur une étique rossinante, la rapière au côté, Blasco de Castiglione, coeur tendre et tête brûlée, entre dans Palerme. En quête du secret de sa naissance, il rencontre Don Raimondo de la Motta, qui a commis tous les crimes pour ceindre la couronne ducale, l'éblouissante et ténébreuse Donna Gabriella, le sbire Matteo Lo Vecchio, maître ès scélératesses, Violante, belle comme un rêve de pureté, le séduisant et mystérieux Coriolano della Floresta, et tout un petit peuple pittoresque et rebelle. Il rencontre aussi une ville de palais arabes, où se réunit la secte des Beati Paoli, dont l'idéal de justice sera défiguré par la mafia.
Il faut lire Natoli pour sa valeur locale et pour la lumière non négligeable qu'il jette sur des épisodes historiques ignorés, et qui ne semblent pas totalement étrangers à la réalité contemporaine de la Sicile... En ce sens, ses ascendants sont Alexandre Dumas et Eugène Sue.
Umberto Eco -
Quand l'amour est comme le mien, juste un rêve solitaire infini, une insulte au malheur, un crachat à la face du destin, alors il élève ses flammes jusqu'aux cieux, il brûle et purifie tout et ne s'éteint jamais, ne se réduit jamais à un feu dans une cheminée qui réchauffe et apaise, qui illumine une maison bienheureuse.
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« Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant » : ainsi commence La Petite Lumière. C'est le récit d'un isolement, d'un dégagement mais aussi d'une immersion. Le lecteur, pris dans l'imminence d'une tempête annoncée mais qui tarde à venir, reste suspendu comme par enchantement parmi les éléments déchaînés du paysage qui s'offrent comme le symptôme des maux les plus déchirants de notre monde au moment de sa disparition possible.
L'espace fait signe par cette petite lumière que le narrateur perçoit tous les soirs et dont il décide d'aller chercher la source. Il part en quête de cette lueur et trouve, au terme d'un voyage dans une forêt animée, une petite maison où vit un enfant. Il parvient à établir un dialogue avec lui et une relation s'ébauche dans la correspondance parfaite des deux personnages. Cette correspondance offre au narrateur l'occasion d'un finale inattendu.
La petite lumière sera comme une luciole pour les lecteurs qui croient encore que la littérature est une entreprise dont la portée se mesure dans ses effets sur l'existence.