Nous vivons au-dessus de nos moyens énergétiques et cela ne pourra pas durer. Notre modèle de développement exige que tout le monde s'efforce de consommer moins d'énergie. C'est paradoxal, cela se traduit par des inégalités et cela conduit à se demander jusqu'où il faut pousser le sens de l'économie. La réponse passe par une analyse philosophique des notions de précarité, de sobriété et d'efficacité qui servent à décrire la régulation des consommations d'énergie. Elle doit également articuler les lieux où cette régulation, en un sens générique, est en train d'opérer : le corps qui éprouve le froid, le chez-soi protégé des intempéries extérieures, la chaudière qui convertit le combustible en confort thermique, mais aussi la société, qui produit de l'exclusion et qui prétend en même temps gérer ses ressources environnementales. Dès qu'il est question d'énergie, le réalisme est de rigueur. On se réfère aux ressources disponibles, on compte les kilowattheures consommés, on invoque la satisfaction impérieuse des besoins, on annonce la pénurie. Mais " réguler le chauffage ", n'est-ce pas d'abord le moyen de réintroduire de la mesure dans nos vies ? Au même titre que l'argent, l'énergie permet de calculer. Home sweet home n'échappe pas à cette comptabilité. N'est-ce pas là le véritable enjeu ?
Êtes-vous méfiant à l'égard de la politique, comme la majorité des gens ? Êtes-vous tenté de rejoindre les indignés rassemblés sur la place ? Sentez-vous la nécessité de vous engager davantage dans la vie de la cité et de promouvoir, au nom de votre citoyenneté, une vraie démocratie participative ? Allez-vous répondre à l'institut de sondage qui, malgré les proportions consternantes de l'abstention électorale, continue de s'intéresser à votre opinion et de la ranger dans ses cases ?
Vous êtes au coeur de la politique, au moins par votre opinion. Mais vous ne pouvez jamais y être seul. Rien ne se fait politiquement sans le mouvement, sans l'opinion de masse, sans le parti, sans le collectif, sans la manifestation, sans le rapport des forces antagonistes, sans le ralliement de « tous ensemble, tous ensemble ! » C'est en tout cas l'idée courante qu'on entretient à propos de la politique et qu'on ne se lasse pas de vous renvoyer à l'occasion, lorsqu'il est question de justifier un combat, d'en appeler à vos valeurs, de vous inciter à voter pour ou contre. En général, on ne vous demande pas votre avis à ce sujet. Théories, récits et idéologies prolifèrent et, d'un côté, vous ciblent individuellement, mais, de l'autre, ont déjà scellé, sans vous et à votre place, le genre de phénomène collectif qui vous concerne politiquement. Oui, cette façon de procéder est inhérente à la politique ; oui, le jeu politique consiste sans doute à vous faire ces offres. Vous prenez ou vous laissez. C'est votre choix. Et cela devrait vous suffire ? Ce petit essai de philosophie propose de rester seul face à la politique. Il ne s'agit pas de revenir à une position hypothétique à partir de laquelle on rejouerait le fondement contractuel de l'Etat ou de tout autre groupement politique. La question est plutôt de savoir comment on peut continuer à faire de la politique et comment on peut vouloir prendre la responsabilité de la politique en refusant d'être embarqué d'office par ceux qui prétendent dire pour les autres au nom de quoi il y a ou il doit y avoir de la politique.