"Éloge de l'oisiveté" est une pépite dénichée dans l'oeuvre immense et protéiforme de Bertrand Russell. Dans la grande tradition des essayistes anglais (Swift, Stevenson), il manie le paradoxe pour s'attaquer aux fondements mêmes de la civilisation moderne. Derrière l'humour et l'apparente légèreté du propos se cache une réflexion de nature à la fois philosophique et politique qui s'exprime avec une ironie mordante : "Il existe deux sortes de travail : le premier consiste à déplacer une certaine dose de matière à la surface de la terre ; le second à dire à quelqu'un d'autre de le faire."
La première conférence, Dédale ou la science de l'avenir, prononcée par Haldane en 1923, tient à la fois du manifeste et de la science-fiction. Dans cet exercice de prospective, l'orateur évoque déjà les OGM, la mondialisation et prédit les techniques actuelles de procréation, en particulier l'ectogenèse, la capacité de développer un embryon en dehors de l'utérus. Aux yeux du généticien, le biologiste incarne la figure romantique du XXe siècle. Dans la seconde conférence, Icare ou l'avenir de la science, proférée la même année, Russell s'intéresse à l'influence de la science dans la satisfaction des passions. Il craint cependant qu'elle soit au service des puissants au lieu de rendre l'homme heureux. Il dénonce les passions collectives, bien plus néfastes que le désir indivisuel.