Claude Lanzmann
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« Quand venait l'heure de nous coucher et de nous mettre en pyjama, notre père restait près de nous et nous apprenait à disposer nos vêtements dans l'ordre très exact du rhabillage. Il nous avertissait, nous savions que la cloche de la porte extérieure nous réveillerait en plein sommeil et que nous aurions à fuir, comme si la Gestapo surgissait. "Votre temps sera chronométré", disait-il, nous ne prîmes pas très longtemps la chose pour un jeu. C'était une cloche au timbre puissant et clair, actionnée par une chaîne. Et soudain, cet inoubliable carillon impérieux de l'aube, les allers-retours du battant de la cloche sur ses parois marquant sans équivoque qu'on ne sonnait pas dans l'attente polie d'une ouverture, mais pour annoncer une brutale effraction. Sursaut du réveil, l'un de nous secouait notre petite soeur lourdement endormie, nous nous vêtions dans le noir, à grande vitesse, avec des gestes de plus en plus mécanisés au fil des progrès de l'entraînement, dévalions les deux étages, sans un bruit et dans l'obscurité totale, ouvrions comme par magie la porte de la cour et foncions vers la lisière du jardin, écartions les branchages, les remettions en place après nous être glissés l'un derrière l'autre dans la protectrice anfractuosité, et attendions souffle perdu, hors d'haleine. Nous l'attendions, nous le guettions, il était lent ou rapide, cela dépendait, il faisait semblant de nous chercher et nous trouvait sans jamais faillir. À travers les branchages, nous apercevions ses bottes de SS et nous entendions sa voix angoissée de père juif : "Vous avez bougé, vous avez fait du bruit. - Non, Papa, c'est une branche qui a craqué. - Vous avez parlé, je vous ai entendus, ils vous auraient découverts." Cela continuait jusqu'à ce qu'il nous dise de sortir. Il ne jouait pas. Il jouait les SS et leurs chiens. » Écrits dans une prose magnifique et puissante, les Mémoires de l'auteur de la Shoah disent toute la liberté et l'horreur du XXe siècle, faisant du Lièvre de Patagonie un livre unique qui allie la pensée, la passion, la joie, la jeunesse, l'humour, le tragique.
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« La construction de Claude Lanzmann n'obéit pas à un ordre chronologique, je dirais - si on peut employer ce mot à propos d'un tel sujet - que c'est une construction poétique. Jamais je n'aurais imaginé une pareille alliance de l'horreur et de la beauté. Certes, l'une ne sert pas à masquer l'autre, il ne s'agit pas d'esthétisme : au contraire, elle la met en lumière avec tant d'invention et de rigueur que nous avons conscience de contempler une grande oeuvre. Un pur chef-d'oeuvre. »
Simone de Beauvoir (extrait de la préface)
Livre tiré du film éponyme, Shoah est paru une première fois chez Fayard en 1985. Il est proposé ici avec, en annexes, les lettres de soutien à l'inscription du film au Registre de la mémoire du monde de l'Unesco, qui a eu lieu en 2023.
Née en 1922 chez Fayard, remise à l'honneur aujourd'hui, la collection « Oeuvres libres » a accueilli les plus grands noms de la littérature française et étrangère. -
Un vivant qui passe ; Auschwitz 1943 - Theresienstadt 1944
Claude Lanzmann
- Folio
- Folio
- 10 Octobre 2013
- 9782070452613
Ce livre est la transcription exacte de l'entretien qu'eut Claude Lanzmann avec Maurice Rossel en 1979, pendant le tournage de Shoah. Ce dernier, citoyen helvète délégué à Berlin du Comité international de la Croix-Rouge pendant la guerre, se rendit à Auschwitz dès 1943 puis inspecta, avec le plein accord des autorités allemandes, le «ghetto modèle» de Theresienstadt en juin 1944, sans avoir conscience du piège qui lui était tendu. Il se laissa abuser entièrement par la mise en scène qu'avaient organisée les nazis. Il ne vit pas l'horreur au-delà de la «parodie».
Pourquoi et comment se laissa-t-il aveugler, sans rien déceler de la combinaison inouïe de violence et de mensonge qui culminait à Theresienstadt? Telle est la question fondamentale posée par Claude Lanzmann dans ce document exceptionnel.
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«Si je cherche une cohérence, une unité aux cent vies dont on dit qu'elles furent miennes, le divin plongeur - c'est le nom, au musée de Paestum, de la fresque qui ornait le plafond d'une tombe - occupe une place centrale. J'ai plongé en vérité tout au long de ma vie, et pas seulement dans la mer. Les choix décisifs que j'ai été amené à accomplir furent comme des plongeons, des piqués dans le vide. Voilà pourquoi j'ai décidé de donné ce titre, La Tombe du divin plongeur, à des textes écrits à différents âges de ma vie, en des occurrences radicalement étrangères les unes les autres, et aujourd'hui introuvables, oubliés ou ignorés.
Pendant vingt ans, entre 1950 et 1970, je n'ai vécu que de ma plume, écrivant sous mon nom ou sous des pseudonymes. Mais on ne trouvera pas seulement dans ce livre ce que j'appelle mes écrits alimentaires, portraits d'acteurs, d'écrivains, de chanteurs, de voyous, reportages aussi, mais encore des articles parus dans Les Temps modernes, France-Observateur, Le Monde, consacrés à des événements importants du siècle, des textes politiques, polémiques, quelquesfois les mêmes, tout un ensemble aussi qui s'organise autour de Shoah, des préfaces, des oraisons funèbres, des discours.
En les relisant après tant d'années, je leur ai trouvé bien plus qu'un air de famille ; j'étais incapable de déceler entre les uns et les autres l'ombre d'une différence. Plus encore, entre l'écriture de ces textes et celle du Lièvre de Patagonie, la parentlèle était plus qu'évidente : c'était la même écriture. C'est alorss que j'ai pris la décision de faire paraître ce livre.
Avec La Tombe du divin plongeur, je lutte pied à pied, comme je l'ai toujours fait, contre toutes les morts. Dans ce recueil on pourra lire : "Le temps, pour moi, n'a jamais cessé de ne pas passer."» Claude Lanzmann.
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Le dernier des injustes
Claude Lanzmann
- Gallimard
- Hors Serie Connaissance
- 1 Octobre 2015
- 9782070106707
Le Dernier des injustes, qui a son origine dans le film du même nom, est le plus extraordinaire témoignage sur la genèse de la « solution finale ». Il permet de comprendre jour après jour, quelquefois heure par heure, comment les nazis passent en deux ans de l'expulsion impitoyable des juifs d'Autriche, de Tchécoslovaquie et d'Allemagne, à la mort de masse dans les chambres à gaz. Benjamin Murmelstein est le personnage central de ce livre, témoin capital qui assista à tout, avant de devenir Président du Conseil Juif du ghetto de Theresienstadt, créé par Eichmann pour faire croire au monde à la vie heureuse que voulait Hitler pour les juifs qu'il allait assassiner.
Rabbin de la communauté juive de Vienne, d'une mémoire et d'une intelligence hors normes, d'une immense culture, d'un caractère d'acier, d'une lucidité et d'une clairvoyance inouïes, jusqu'à deviner et déjouer les mesures atroces projetés par les nazis, Murmelstein dresse un portrait extraordinaire d'Eichmann, qu'il dut fréquenter pendant sept ans : pas du tout l'homme de la « banalité du mal », comme l'a prétendu Hannah Arendt, mais un antisémite d'une cruauté sans frein, voleur et corrompu jusqu'à la moelle. En même temps, Murmelstein se livre à une critique féroce du procès d'Eichmann à Jérusalem, mal préparé, bâclé, où on refusa de le convoquer et de l'entendre.
Contraint par la force de coopérer avec les nazis, Murmelstein ne fut en rien un « collaborateur », même si des détenus de Theresienstadt voulurent le faire passer pour tel. Jugé à sa demande par la justice tchèque, il fut acquitté de toutes les calomnies portées contre lui. Avec sa femme et son fils, il s'exila à Rome, sans avoir jamais connu Israël. À sa mort, en 1989, le rabbin de Rome refusa de l'inhumer et de dire pour lui le kaddish, la prière des morts.
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Ce livre est le texte d'un film de claude lanzmann, sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures, sorti en salles le 17 octobre 2001.
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Contient 4 DVD (durée du programme : 9 h 10 mn) et 1 volume
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