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Folio
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«Garcin : - Le bronze... (Il le caresse.) Eh bien, voici le moment. Le bronze est là, je le contemple et je com prends que je suis en enfer. Je vous dis que tout était prévu. Ils avaient prévu que je me tiendrais devant cette cheminée, pressant ma main sur ce bronze, avec tous ces regards sur moi. Tous ces regards qui me mangent... (Il se retourne brusquement.) Ha ! vous n'êtes que deux ? Je vous croyais beaucoup plus nombreuses. (Il rit.) Alors, c'est ça l'enfer. Je n'aurais jamais cru... Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril... Ah ! quelle plaisanterie. Pas besoin de gril : l'enfer, c'est les Autres.»
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«Comme tu tiens à ta pureté, mon petit gars ! Comme tu as peur de te salir les mains. Eh bien, reste pur ! À quoi cela servirait-il et pourquoi viens-tu parmi nous ? La pureté, c'est une idée de fakir et de moine. Vous autres, les intellectuels, les anarchistes bourgeois, vous en tirez prétexte pour ne rien faire. Ne rien faire, rester immobile, serrer les coudes contre le corps, porter des gants. Moi j'ai les mains sales. Jusqu'aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang.»
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« Écoute !... Écoute le bruit de leurs ailes, pareil au ronflement d'une forge. Elles nous entourent, Oreste. Elles nous guettent ; tout à l'heure elles s'abattront sur nous, et je sentirai mille pattes gluantes sur mon corps. Où fuir, Oreste ? » Ces mouches, ce sont les remords qui ont fondu sur la ville d'Argos lorsque la reine Clytemnestre et son amant Égisthe ont assassiné Agamemnon à son retour de la guerre de Troie, au su de tout le peuple.
Depuis, Argos offre un paysage moribond, des habitants rasant les murs, vivant dans la crainte et le repentir. La princesse Électre, réduite en esclavage, rumine des rêves de révolte.
C'est alors que surgit Oreste, de retour dans sa ville natale. Poussé par sa soeur, il décide de venger leur père en tuant ses assassins, et bouleverse ainsi soudainement l'ordre des choses.
Véritable célébration de la liberté d'agir des individus et appel à l'action de résistance, le texte de Sartre trouvait, en 1943, un écho vibrant.
Quelques exemples saillants pris dans le dossier :
- Je découvre - Retour dans le passé : le spectateur contemporain des Mouches - « Plus on s'enfonce dans la guerre, plus il devient difficile d'aller au théâtre : le couvre-feu imposé par les occupants oblige à avancer à 19h30 le début des représentations pour que les spectateurs puissent attraper le dernier métro à 23h. » - J'analyse - « La pièce n'est pas un appel direct à la résistance - la censure ne l'aurait de toutes façons pas permis -, mais nombreux sont sans doute les spectateurs qui ont entendu l'exhortation d'Oreste à cesser de craindre l'oppresseur et à se dresser face au mal. » - Nous avons la parole - « Dans l'équipe qui met en scène une pièce de théâtre le scénographe et le costumier [...] jouent un rôle essentiel.
Leurs choix, en accord avec le metteur en scène, vont permettre de créer l'atmosphère de la pièce. Un certain nombre de questions se posent : doit-on créer à la lettre ce qui est décrit dans les didascalies ?
On se rend vite compte que les possibilités sont multiples. Doit-on davantage en recréer l'esprit, avec par exemple un décor très abstrait ?
» - Prolongements - Le Justicier, tableau de mauvais goût de Martial Raysse, La mémoire de René Magritte, Madeleine pénitente du Caravage, La mort du Patriarche de Niki de Saint Phalle, I am sorry de Roy Lichtenstein...