On ne raconte pas Andrevon, on le cite, écrivait Michel Jeury dans la mythique revue Fiction en 1977. Dont acte:
J'écris avec, comme garde-fou, un synopsis préalable né, lui, au hasard: suite à un rêve vivace, à une actualité cocasse ou tragique, en tout cas singulière, une conversation, ou une phrase de cette conversation, parfois un passage, une séquence d'un livre ou d'un film que j'ai envie de revisiter à ma manière. En plus de quarante ans d'écriture, combien en ai-je capturé au vol, pour les épingler tels de brillants insectes sur mes planches entomologistes? Croyez-le ou non, des centaines et des centaines. Le problème, car au bout du compte il y en a un, se résume en une seule et courte phrase: que vont devenir tous ces synopsis? La réponse à ce dilemme torturant est venue toute seule, exactement comme un synopsis de hasard: pourquoi ne pas les publier tels quels? C'est ainsi que j'ai fait le grand saut sans élastique dans mes tiroirs, que j'ai nagé en brasse coulée dans mes chemises, pour en extirper 66 synopsis, nombre imposé par la beauté de l'assonance, et ce dans les genres littéraires les plus divers.
Nombre de malheureux ne se souviennent pas de leurs rêves, ce qui n'est pas mon cas. Certains de mes rêves -- beaucoup, en fait -- étant de véritables petites histoires, j'ai commencé très tôt à les noter à mes réveils ; de même que, vice-versa, nombre de mes récits, nouvelles ou départs de romans, procèdent de mes rêves, comme je l'ai souvent expliqué...
En voici une bonne centaine, et même un peu plus, pour faire bonne mesure. Servis non par ordre chronologique, mais en zigzags, histoire d'éviter autant que possible la monotonie.
Je vous invite donc, sans plus de manière, à pénétrer dans mes nuits. Avec le risque qu'on m'y juge d'une perversité insoupçonnée, d'une cruauté rédhibitoire, sujet à des fantasmes que la morale réprouve, et que l'on passe son chemin. Risque que j'encours avec sérénité, vous renvoyant à ces vers de Brassens : « Je n'ai jamais tué, jamais violé non plus / Y'a déjà quelques temps que je ne vole plus. »
Je suis arrivé à l'orée d'un mail qui n'est plus qu'un tapis d'herbe carbonisé. Sur un banc de pierre, deux formes penchées qui s'accolent évoquent deux amoureux. Dans les deux cas l'arrière du crâne est éclaté à l'identique sur une bouillie d'esquilles, de sang figé, de mèches raidies. Double suicide? Ou est-ce moi qui, lors d'une précédente expédition?... Je ne m'en souviens pas. Et puis quelle importance? L'important, c'est que je trouve quelqu'un. Que je ne sois pas sorti pour rien. Mon temps utile s'écoule. Bientôt, je devrai rentrer.
La fin du monde, c'est un peu tous les jours chez Jean-Pierre Andrevon. La fin des mondes, plutôt, tant la réalité future, virtuelle ou fantasmée, espérée ou redoutée, semble se faire multiple dans ces neuf récits de SF o l'un des grands auteurs de l'Imaginaire francophone questionne une fois de plus les relations de l'homme à la nature, à sa planète, à lui-même.
Né en 1937 à Jallieu dans l'Isère, Jean-Pierre Andrevon a publié près de 160 romans, recueils ou essais dans des domaines aussi divers que le fantastique, la SF, le polar, la littérature jeunesse ou l'écologie. Chanteur, dessinateur, il vit à Grenoble entouré de ses nombreux chats.
Les nouvelles qui composent ce recueil ont été écrites entre 1960 et le début des années 2000. Certaines ont paru dans Fiction, Charlie Hebdo, Fluide Glacial. La plupart n'ont jamais été rééditées depuis. Contes surréalistes, fables rurales, micro-nouvelles de SF, pamphlets pacifistes ou écologistes... On songe à Jacques Sternberg, Clifford D. Simak, René Barjavel... Puis à Jean-Pierre Andrevon, tout simplement. Car on suit sans peine dans ce recueil, fruit de quarante ans d'écriture, un fil conducteur irrésistible: aujourd'hui comme hier, l'éternel retour de la bêtise humaine inspire à l'auteur les mêmes sentiments. Sa fiction, plus que jamais, en porte témoignage.
Né en 1937 à Jallieu dans l'Isère, Jean-Pierre Andrevon a publié plus de 130 romans, recueils ou essais dans des domaines aussi divers que le fantastique, la SF, le polar, la littérature jeunesse ou l'écologie. Chanteur, dessinateur, il vit à Grenoble entouré de ses nombreux chats.
Extrait:
«Nous prendrons les meilleurs élèves, les premiers des sections terminales et quelques étudiants en licence parmi les plus doués. Trente en tout, la contenance d'un autocar moyen, auquel on adjoindra une dizaine de filles, choisies également d'après leurs résultats aux examens, et qui occuperont les strapontins. En ce qui concerne l'armement, ils seront dotés en principe de fusils et de carabines des surplus américains. Mais nous leur donnerons aussi quelques grenades offensives, et deux ou trois revolvers pour ceux qui tiendront le rôle d'officiers. L'embuscade se produira un peu en deçà de la Porte d'Italie, à l'endroit des anciennes fortifications...»
528 récits minuscules. Andrevon ne fait pas de jaloux! Les intégristes de tous poils, et pas seulement les barbus, sont les cibles privilégiées de cet éternel pourfendeur de la btise ordinaire, du conformisme social, religieux ou sexuel. Emmené par un goût de la provocation poétique hérité des Surréalistes, il puise dans l'imaginaire de la SF, son domaine de toujours, pour composer ces 528 cocktails détonnants. Vous vous croyez à l'abri? Détrompez-vous, il y en a forcément un qui vous est destiné. A vous de le trouver... avant qu'il ne vous trouve! Un tour de force quasi oulipien: une phrase par nouvelle.
Qui aura lu Soixante-six synopsis... et autant d'histoires à écrire, même éditeur, même collection, ne saura être étonné par le présent ouvrage. Ou alors juste un petit peu: «Quoi, il en a encore?» Eh bien, oui, j'en ai encore. De ces histoires qui dorment, mais que d'un oeil, dans les tiroirs décennaux de mon imaginaire. Alors pourquoi les y laisser? Question à peine posée que déjà j'y ai répondu, puisque voilà dix-neuf autres synopsis à éplucher comme les pétales d'une grosse marguerite.
Le temps passant, et passant vite, ce n'est pas pour moi un gros déchirement que de les livrer au public des arènes. Mieux vaut ce vide-grenier que le lent dessèchement dans l'oubli. Car, dans la littérature comme dans la vie, l'essentiel est de s'amuser. Amusons-nous!
En 1975, à la demande de Wolinski, Jean-Pierre Andrevon entreprend pour Charlie Hebdo la rédaction d'une série de nouvelles auxquelles Cavanna donnera le titre générique C'est tous les jours pareil...
Deux ans plus tard, ces textes, chroniques caustiques et désabusées d'un quotidien souvent passablement inquiétant , dont une bonne moitié d'inédits demeurés dans les tiroirs de l'écrivain grenoblois, seront repris en volume aux éditions du Dernier Terrain Vague.
Ils reparaissent enfin ici entièrement réécrits, accompagnés d'une douzaine d'autres textes rédigés au fil des ans, publiés ici et là, jamais réunis depuis, et profondément remaniés également. 330.000 signes d'un Andrevon très politiquement incorrect, mais cela le lecteur s'en serait douté.
Jean-Pierre, la cinquantaine, peintre courant après le succès et l'argent, rencontre la femme d'un riche banquier désireux de monter une galerie d'art. C'est le coup de foudre, un amour torrentiel... qui ne dure que trois mois. Pour Jean-Pierre, c'est le trou noir. Alors il se met à écrire et écrire sur cet amour perdu et cette femme qu'il ne désigne que par la majuscule L, pour l'assonance. Des pages et des pages d'un journal intime où il ressasse les jours heureux, mêlés aux souvenirs d'autres femmes, à ses rêves, aux livres qu'il lit, aux films qu'il voit. Peu à peu, sa douleur se mue en rage et au désir de meurtre. Va-t-il passer à l'action? Mais sur qui? Avec une écriture torrentielle, Jean-Pierre Andrevon déverse ses fantasmes à travers ceux de son personnage-frère, dans ce qui clôt, après Tout à la main et Toutes ces belles passantes, sa trilogie sur La Femme, aimée et mortifère.
L'univers de Jonas Lenn dŽvoile ce qu'il a de plus original, et son talent de conteur de plus prŽgnant, dans ce constant jeu avec le temps qu'il met en scne, un temps mallŽable, Žlastique, qui se trouble et se boucle, permet ˆ un vieil homme de se rencontrer plus jeune, ˆ un autre d'assister ˆ sa naissance, mieux, ˆ sa conception, ˆ un troisime personnage de faire une visite ˆ ses grands-parents dŽcŽdŽs depuis longtemps. Un peu de magie, un soupon de gravitŽ, une touche de lŽgretŽ dans un monde futur o la noirceur, qui l'accompagne de manire quasi systŽmatique en SF, est ici ŽvitŽe au profit d'un sens du bonheur (comme il est du sense of wonder) nullement factice, que l'auteur nourrit d'une spiritualitŽ qui lui est propre.
Jean-Pierre Andrevon (extrait de la prŽface).
Jonas Lenn est nŽ en 1967. Ë travers une poignŽe de romans et une foule de nouvelles, il est apparu au fil des ans comme l'une des voix les plus originales et les plus sincres d'une SF francophone ˆ la fois humaniste et lucide. Les hŽros trs discrets de ses rŽcits foncirement intimistes nous renvoient avec une insistance bienveillante aux interrogations d'une humanitŽ plus que jamais ˆ l'heure des choix Žcologiques, politiques et sociaux.