Plon
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Pourquoi et comment devient-on ethnologue ? comment les aventures de l'explorateur et les recherches du savant s'intègrent-elles et forment-elles l'expérience propre à l'ethnologue ? c'est à ces questions que l'auteur philosophe et moraliste autant qu'ethnographe, s'est efforcé de répondre en confrontant ses souvenirs parfois anciens, et se rapportant aussi bien à l'asie qu'à l'amérique.
Plus encore qu'un livre de voyage, il s'agit cette fois d'un livre sur le voyage. sans renoncer aux détails pittoresques offerts par les sociétés indigènes du brésil central dont il a partagé l'existence et qui comptent parmi les plus primitives du globe, l'auteur entreprend au cours d'une autobiographie intellectuelle, de situer celle-ci dans une perspective plus vaste : rapports entre l'ancien et le nouveau monde ; place de l'homme dans la nature ; sens de la civilisatilon et du progrès.
Claude lévi strauss souhaite ainsi renouer avec la tradition du voyage philosophique illustrée par la littérature depuis le xvie siècle jusqu'au milieu du xixe siècle, c'est à dire avant qu'une austérité scientifique mal comprise d'une part, le goût impudique du sensationnel de l'autre n'aient fait oublier qu'on court le monde, d'abord, à la recherche de soi.
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" La Pensée sauvage ", et non " la pensée des sauvages ". Car ce livre s'écarte de l'ethnologie traditionnelle en prenant pour thème un attribut universel de l'esprit humain : la pensée à l'état sauvage, florissante dans tout esprit d'homme - contemporain ou ancien, proche ou lointain - tant qu'elle n'est pas cultivée et domestiquée pour accroître son rendement.
Sans doute peut-on chercher des exemples auprès des sociétés sans écriture et sans machines ; même là pourtant, cette pensée ressemble singulièrement à celle que nous trouvons à l'oeuvre tout près de nous, dans la poésie et dans l'art, ou encore dans les diverses formes du savoir populaire, qu'il soit archaïque ou récent.
En elle, rien de désordonné ni de confus. Partant d'une observation du monde qui témoigne d'une minutie et d'un précision souvent stupéfiantes, elle analyse, distingue, classe, combine, et oppose... Dans ce livre par conséquent, les mythes, les rites, les croyances, et les autres faits de culture, se manifestent comme êtres " sauvages " comparables, par delà le langage, à tous ceux que la nature (dont l'esprit humain ne peut être retranché) engendre aussi sous d'innombrables formes animales, végétales, et minérales. On ne saurait donc s'étonner que, dans leur fréquentation millénaire, la pensée sauvage ait trouvé la matière et l'inspiration d'une logique dont les lois se bornent à transposer les propriétés du réel, et qui, pour cette raison même, a pu permettre aux hommes d'avoir prise sur lui. -
Se fondant sur l'étude du conte perdu du lynx et de nombreux mythes recueillis chez les indiens d'amérique, qui font apparaître une opposition entre des termes proches par nature - par exemple deux frères ou deux jumeaux -, claude lévi-strauss montre comment cet écart est constitutif d'une représentation originale de la nature et de la société dans la pensée indienne : en perpétuel déséquilibre, comme si toujours le même engendrait l'autre, et que la bonne marche de l'univers en dépendait.
Ainsi, dans la pensée des amérindiens, leur existence impliquait celle des non-indiens, et la place des européens était marquée en creux dans leur système. ()il est alors conduit à méditer sur la rencontre entre deux mondes, sur les sources du dualisme des indiens d'amérique, à l'origine d'une ouverture à l'autre que les conquérants sauront exploiter pour mieux détruire les peuples et les valeurs du nouveau monde.
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La science des mythes: tel eût pu être le titre de ce livre, si l'auteur n'avait été ramené à des intentions plus modestes par le sentiment que, sur la voie qu'il a essayé d'ouvrir, tout ou presque tout reste à faire avant qu'on ait le droit de parler de science véritable. Car si, comme on l'espère, la connaissance de l'homme marque ici quelques progrès, ceux-ci ne tiennent à rien d'autre qu'une attitude résolue d'humilité devant l'objet, qui, pour la première fois peut-être, a permis de prendre complètement les mythes "au sérieux". Par son titre d'inspiration culinaire, ce livre se réfère aux exigences du corps, et aux rapports élémentaires que l'homme entretient avec le monde. Par sa construction musicale, qui lui donne l'allure d'un vaste oratorio dont les parties évoquent tour à tour le thème et les variations, la sonate, la fugue, la cantate et la symphonie, il rapproche les démarches de la pensée mythique de celles de la musique qui, de tous les beaux-arts, est celui qui ressemble le plus à une science, tout en étant la source d'émotions incomparables. Il ne s'agit donc pas d'appauvrir, d'exclure ou de morceler, mais, au contraire, d'intégrer tous les aspects de la connaissance de l'homme dans un effort d'élucidation qui serait condamné d'avance s'il ne procédait du respect. En sorte qu'à partir de l'opposition, triviale en apparence, du cru et du cuit, on verra d'abord se déployer la puissance logique d'une mythologie de la cuisine, conçue par des tribus sud-américaines où l'auteur a pris ses exemples parce qu'il a vécu dans leur intimité; puis émerger certaines propriétés générales de la pensée mythique, où se trouve en germe une philosophie de la société et de l'esprit.
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Voici un témoignage unique sur le calvaire de la gauche.
Il mêle tout à la fois la description des dessous de la campagne, les relations personnelles, les confidences, les sentiments et les comportements des principaux protagonistes et l'analyse plus réfléchie, plus distanciée de l'évolution politique de la France depuis le "séisme" du 21 avril 2002.
De nombreuses anecdotes, des portraits surprenants jalonnent un récit qui nous invite néanmoins à réfléchir sur la politique et son corrolaire : l'évolution de notre société.
Si l'intimité des personnes est préservée, a contrario leurs tractations sont révélées dès lors qu'elles peuvent tenir un rôle - petit ou grand - dans notre histoire : les atermoiements d'un Jospin, les crocs-en-jambe de Chirac pour faire trébucher Sarkozy, les appétits de pouvoir ambigus du couple Hollande-Royal.
Dialogue constant entre un acteur, témoin omniprésent sans sectarisme, et un observateur attentif de la politique, ce livre nous fait pénétrer au coeur des événements qui ont conduit à l'élection de Nicolas Sarkozy comme sixième président de la Ve République.
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Quels points communs existent-ils entre un tableau de Poussin, un opéra de Rameau et les textes de Diderot sur l'art? Le souci du détail, comme si chaque créateur assemblait des cubes pour donner une forme à l'oeuvre d'art. L'auteur s'attache à nous faire comprendre comment naît le plaisir esthétique, en même temps qu'il nous dévoile son propre goût pour l'oeuvre d'art.
Au cours d'une longue existence, l'auteur a regardé beaucoup de tableaux, écouté beaucoup de musique, lu beaucoup de livres, parmi lesquels il lui est apparu que certaines oeuvres se singularisaient. Ce ne sont pas les seules qu'il admire : entre elles pourtant, dans son esprit, un réseau de correspondances se tisse.
Il cherche ce que ces oeuvres peuvent avoir de commun. Elles ne se ressemblent pas, mais, pour les comprendre, sa pensée se sent contrainte à suivre le même cheminement. A propos d'oeuvres d'art exemplaires, c'est donc sa façon de penser l'art que l'auteur entreprend d'explorer.
Ecrit sur le ton de la conversation, ce livre ouvre dans la peinture, la musique, la littérature des perspectives qui se croisent et se recroisent. Des réflexions sur Poussin et sur Ingres s'entrelacent à d'autres sur l'écoute musicale telle qu'elle a évolué depuis Rameau. Les idées de Diderot et de Rousseau sur les beaux-arts sont comparées à celles d'un musicologue presque oublié, leur contemporain, dont les thèses anticipent la linguistique structurale. Plus près de nous, l'analyse et l'interprétation d'un célèbre sonnet de Rimbaud précèdent deux notes inédites sur les mêmes thèmes, échangés il y a un demi-siècle avec André Breton. -
Que peut-il y avoir de commun entre un oiseau insectivore, l'art de la poterie, et la jalousie conjugale ? Entre les spéculations des sauvages et celles des psychanalystes ? Entre une tragédie de Sophocle et une comédie de Labiche ? Et que signifie au juste le verbe « signifier » ? Telles sont les questions auxquelles un parcours plein de fantaisie à travers les mythes des deux Amériques permet d'offrir quelques réponses.
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Les mythologiques ; coffret : le cru et le cuit ; du miel aux cendres ; l'origine des manières de table ; l'homme nu
Claude Lévi-Strauss
- Plon
- 22 Octobre 2009
- 9782259210737
L'érudition anthropologique incontestable de Claude Lévi-Strauss n'empêche pas d'introduire le lecteur, même profane, dans l'analyse structurale des mythes, en proposant une encyclopédie unique de plus de 800 mythes de l'Amérique du Sud et du Nord.
L'analyse systématique des mythes selon la méthode structurale, appliquée dans les quatre volumes, met en lumière des éléments révolutionnaires au XXème siècle : la façon dont les hommes produisent et associent des images, constitutives des mythes qui fondent leur vie commune, obéit à une logique propre, une rationalité latente. Que ces mythes soient échangés, appropriés et/ou transformés par d'autres groupes que ceux qui les ont produits, ils conservent pourtant leur structure profonde, sont toujours reconnaissables, car les transformations subies obéissent à des règles : opposition, homologie, symétrie, etc. Les mythes fonctionnent ainsi sur le même mode que les variations sur un thème musical : la structure de base est toujours là. Dans e premier volume, Le cru et le cuit, Lévi-Strauss explore les mythes culinaires des tribus sud-américaines, puis fait émerger certaines propriétés générales de la pensée mythique, qui est aussi, en germe, une philosophie de la société et de l'esprit, comme il l'avance dans le tome 2, en insistant sur la capacité de la pensée mythique à s'abstraire des choses sensibles pour devenir logique des formes . Le tome 3 se concentre sur les codes de civilité et sur la moralité des tribus d'Amérique du Nord. Avec L'Homme nu, tome 4, Claude Lévi-Strauss conclut sa recherche, et sa pensée, dans le Nord-Est américain :
(...)les mythes ne disent rien qui nous instruise sur l'ordre du monde, la nature du réel, l'origine de l'homme ou sa destinée. (...) En revanche, les mythes nous apprenent beaucoup sur les sociétés dont ils proviennent, (...) éclairent la raison d'être de croyances, de coutumes et d'institutions dont l'agencement paraissait incompréhensible de prime abord ; enfin et surtout, ils permettent de dégager certains modes d'opération de l'esprit humain, si constants au cours des siècles (...) qu'on peut les tenir pour fondamentaux et chercher à les retrouver dans d'autres sociétés et dans d'autres domaines de la vie mentale où on ne soupçonnait pas qu'ils intervinssent, et dont, à son tour, la nature se trouvera éclairée. -
«Parvenu au soir de ma carrière, la dernière image que me laissent les mythes et, à travers eux, ce mythe suprême que raconte l'histoire de l'humanité , l'histoire aussi de l'univers au sein de laquelle l'autre se déroule, rejoint donc l'intuition qui (...) me faisait rechercher dans les phases d'un coucher de soleil (...) le modèle des faits que j'allais étudier plus tard et des problèmes qu'il me faudrait résoudre sur la mythologie: vaste et complexe édifice, lui aussi irisé de mille teintes, qui se déploie sous le regard de l'analyste, s'épanouit lentement et se referme pour s'abîmer au loin comme s'il n'avait jamais existé. Cette image n'est-elle pas celle de l'humanité même et, par delà l'humanité, de toutes les manifestations de la vie: oiseaux, papillons, coquillages et autres animaux, plantes avec leurs fleurs, dont l'évolution développe et diversifie les formes, mais toujours pour qu'elles s'abolissent et qu'à la fin, de la nature de la vie de l'homme, de tous ces ouvrages subtils et raffinés que sont les langues, les institutions sociales, les coutumes, les chefs-d'oeuvre de l'art et les mythes, quand ils auront tiré leurs derniers feux d'artifice, rien ne subsiste?» (Claude Lévi-Strauss) A travers cet ultime volet des Mythologiques, L'homme Nu, Lévi-Strauss analyse la dimension mythique de l'univers, de la nature et de l'homme dont le déploiement à travers les siècles s'apparente à celui d'un vaste système mythologique. L'auteur referme ainsi un système philosophique colossal, un travail d'exploration mythologique, anthropologique, historique, littéraire et conceptuel devenu fondamental dans la pensée contemporaine.
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Sarko ou le complexe de Zorro
Claude Allègre, Dominique de Montvalon
- Plon
- 19 Janvier 2012
- 9782259214513
Au moment où la France et l'Europe traversent une crise gravissime, l'élection présidentielle de 2012 revêt une importance d'autant plus exceptionnelle : à qui confier le navire France par si gros temps ? Ce livre a pour ambition de donner à tous des éléments de choix.
En ne passant sous silence ni les échecs de Nicolas Sarkozy ni ses réussites. Ni procureurs ni thuriféraires, les auteurs, dans un dialogue vivant, proposent leur analyse du quinquennat qui s'achève. En s'efforçant de dépasser l'écume des jours et en faisant référence à de Gaulle, à Giscard, à Mitterrand, ils font en sorte de situer ce que nous vivons dans une perspective historique. Les deux auteurs sont des hommes libres.
L'un acteur épisodique de la vie politique, l'autre observateur, ils connaissent très bien les différents protagonistes, en particulier François Hollande et Nicolas Sarkozy. Ils nous font pénétrer au coeur de leurs stratégies et de leurs ambitions, et soupèsent les qualités et les défauts des deux hommes. Ce livre est une analyse décapante de l'ère Sarkozy et, ce faisant, décrypte un monde en pleine mutation qui sera formidable si nous relevons les défis qui nous attendent et si, pour commencer, nous apprenons à ne pas en avoir peur.
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"À cette époque-là, n'étais-je pas déjà mort ? Et si oui, depuis quand errais-je dans cet univers parallèle si semblable à l'autre ?" Telles sont les premières lignes de ce braqueur de banque, détenu de longue durée...
Dans sa cellule, il s'est découvert écrivain. Philosophe, il s'est attaché à la pensée d'Emmanuel Levinas qui, en quelques lignes de préface, peu de jours avant sa mort, s'est adressé à tous les détenus.
À quoi sert la prison ? Question majeure que pose implicitement ce livre. Le fort taux de récidive laisse sceptique. La France a la proportion de suicidés la plus importante d'Europe.
Suerte (la chance) est un roman vécu (prix France culture 1996). Sa parole s'est fait entendre dans le seul choeur où, selon ses propres mots, "elle pût s'accorder à celle des autres : à Terre Humaine".
Un livre majeur qui pose des problèmes de société cruellement actuels.
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Manuel Valls et Arnaud Montebourg ; les grands garçons
Claude Askolovitch
- Plon
- 22 Janvier 2015
- 9782259229715
Arnaud Montebourg, Manuel Valls, sont passés si vite de la frustration des éternels jeunes gens au statut d'hommes de pouvoir. Quand ils se battent, il y a quelque chose de soudain et désordonné, comme une guerre de gangs, comme des fracas de seigneurs sous les mérovingiens, puisque le roi est fainéant et l'Etat en miette. Ils parlent très fort et très haut avec des mots si grands - autorité, justice, déflation - mais quelque chose sonne bizarre quand même. Ces deux là, Valls et Montebourg, avaient un pacte pour tuer Ayrault et s'entraider au pouvoir il y a 6 mois, et tout a explosé si vite ? Il y a de la méprise, de la rouerie, de la naïveté brutale, chez l'un comme chez l'autre, Montebourg qui a cru qu'il pouvait prendre Valls en otage de leur mépris commun pour Hollande, Valls qui a utilisé l'un puis l'autre et a choisi de protéger le Président pour mieux le dominer, donc en tuant son allié. Sont-ils brutaux, et pourtant intéressants, sincères, différents souvent, prévisibles et enfants. ?
A travers la crise d'août, que l'on raconte pour ce qu'elle est, l'histoire d'une alliance générationnelle et d'une désillusion brutale, on compte aussi l'histoire de deux garçons grandis sous Mitterrand et Jospin, de parcours parallèles, de deux brutalités dissidentes, aujourd'hui en climax. Cela passe par les années 80 de leurs fins d'acné, par les frustrations de l'âge mur, quand Valls était l'employé de Jospin et Montebourg son dissident, déjà, cela se raconte à l'ombre de Hollande le patient qui les regarde comme d'amusants personnages d'une pièce dont il aura la clé. C'est de la pure politique dans un pays assiégé.
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« Je suis parti du cliché, comme tout le monde, du fandango, des mantilles et des castagnettes. Après quoi, peu à peu, en travaillant là-bas (avec Buñuel, avec Bergamín), j'ai trouvé une Espagne plus profonde, plus étrange à nos yeux, plus lointaine aussi que celle que j'imaginais. Une Espagne où la « raison » n'a pas le même sens que chez nous, où les révolutions sont plus radicales, les rêves plus larges. Une Espagne d'où la pensée a été officiellement bannie comme une « manie funeste », où la folie parade encore, où les démons viennent s'asseoir au coin du feu.
Voici cette Espagne peu souvent décrite, parfois mal aimée. Les Pyrénées, bien visibles, nous en séparent. Mille liens, invisibles, nous en rapprochent. » J.-C. C.
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Coffret 2 volumes contes philosophiques du monde entier
Carriere Jean-Claude
- Plon
- 6 Novembre 2008
- 9782259209441
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L'Europe doit être un enjeu majeur de la prochaine élection présidentielle.
La crise en Grèce et, demain peut-être, en Irlande ou au Portugal, nous oblige non seulement à trouver des solutions immédiates pour éviter de faire exploser la zone euro, mais aussi à réfléchir plus globalement sur l'avenir de l'Europe. Au terme de cette réflexion, que constatons-nous ? Que les institutions sont inadaptées pour réagir rapidement dans un contexte de mondialisation irréversible. Que l'hétérogénéité économique et sociale d'une Europe à 27 la rend ingouvernable, que les peuples, et notamment le peuple français, ne croient plus en cette Europe qui devait apporter le progrès et la croissance et qui est synonyme de chômage et de règne de l'argent.
Certains proposent le retour au nationalisme, la sortie de l'euro et de l'Europe. Un projet qui serait une catastrophe pour la France. Laissant de côté l'immobilisme et l'indéfendable statu quo, nous devons proposer une refondation radicale pour que l'Europe redevienne notre horizon.
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Le cercle des menteurs Tome 2 ; contes philosophiques du monde entier
Jean-Claude Carrière
- Plon
- 13 Mars 2008
- 9782259200981
Les meilleures histoires du monde sont anonymes.
Elles sont nées un peu partout, elles sont indiennes ou chinoises, ou africaines, ou juives. elles sont zen aussi bien que soufi. elles sont drôles, elles sont graves, elles sont parfois mystérieuses : tout comme nous. histoires d'hier, histoires d'aujourd'hui : voici la seconde cueillette.
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Partant de l'opposition du miel et du tabac, présente aussi chez nous comme l'attestent certaines locutions, mais qui tient une place beaucoup plus considérable dans la vie et la pensée des Indiens d'Amérique du Sud, on explore à travers leurs mythes deux itinéraires qui se rejoignent: car le miel exprime la puissance séductrice de la nature , tandis que la fumée du tabac s'élevant vers les êtres surnaturels retient l'homme sur la voie qui l'éloigne de la culture, surtout pendant la saison sèche où la nourriture se fait rare et où la collecte des produits sauvages offre la seule chance de subsister.
Cette mythologie de la disette, évocatrice d'un carême tropical auquel ne manquent même pas les instruments des ténèbres, se déroule dans un décor rustique à la façon d'une églogue. Mais la naïve et fraîche histoire de "la fille folle de miel" ou celle, plus âpre, du "festin de la grenouille", procèdent à l'aide de symboles qui, pour concrets qu'ils soient, articulent une logique des formes, sous-jacente à la logique des qualités dont le premier volume de ces Mythologiques avait établi l'existence. On dévoile donc ici dans la pensée mythique, en plus d'une rationalité latente, une capacité philosophique de s'élever aux abstractions, à laquelle rien d'essentiel n'a manqué, sinon peut-être les conditions sociales et politiques, pour franchir le seuil qui eût permis à la science de s'instaurer.
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Ce troisième tome des Mythologiques rappelle les principaux éléments de l'enquête initiée par les deux précédents, et l'approfondit encore d'avantage, en s'intéressant à L'Origine des manières de table. Lévi-Strauss souhaite familiariser le lecteur à sa méthode d'analyse en reproduisant la même démarche que dans les études précédentes: il choisit un mythe qui lui servira de référence, ici un mythe amazonien, il en poursuit le déroulement textuel, symbolique, sémantique, ethnographique, et en comprend enfin la dimension universelle.
Cette nouvelle investigation de l'univers mythologique nous amène tout naturellement à revisiter certaines de nos grandes références littéraires, et à analyser nos références socio-culturelles que l'on appelle communément "les règles du savoir-vivre".
Le penseur de l'universel ne peut se contenter de cette étude anthropologique sans aboutir à une définition magnifique de la philosophie humaniste, qui demeure la finalité de sa réflexion :
«Jamais il n'a été plus nécessaire de dire, comme le font les mythes, qu'un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant l'homme, le respect des autres êtres avant l'amour propre; et que même un séjour d'un ou deux millions d'années sur cette terre (...) ne saurait servir d'excuse (...) pour se l'approprier comme une chose et s'y conduire sans pudeur ni discrétion.» (Claude Lévi-Strauss)
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La science des mythes : tel eût pu être le titre de ce livre, si l'auteur n'avait été ramené à des prétentions plus modestes par le sentiment que, sur la voie qu'il a essayé d'ouvrir, tout ou presque tout reste à faire avant qu'on ait le droit de parler de science véritable.
Car si, comme on l'espère, la connaissance de l'homme marque ici quelques progrès, ceux-ci ne tiennent à rien d'autre qu'une attitude résolue d'humilité devant l'objet, qui, pour la première fois peut-être, a permis de prendre complètement les mythes au sérieux. de l'analyse scrupuleuse d'un mythe, s'amplifiant jusqu'à englober la majeure partie des mythes de l'amérique tropicale, il résulte en effet que, même là oú l'esprit humain semble le plus libre de s'abandonner à sa spontanéité créatrice, il n'existe, dans le choix qu'il fait des images, dans la manière dont il les associe, les oppose ou les enchaîne, nul désordre et nulle fantaisie.
Pas plus, donc, que les sciences physiques ne peuvent ménager une place à l'arbitraire dans les oeuvres de la nature, pas plus, si l'homme doit devenir un jour objet de connaissance scientifique, il ne saurait y avoir de l'arbitraire dans les oeuvres de l'esprit. on ne se dispose pas, pour autant, à réduire la pensée au déroulement mécanique de quelques opérations abstraites, dans le produit desquelles l'homme ne se reconnaîtrait plus.
Par son titre d'inspiration culinaire, ce livre se réfère aux exigences du corps, et aux rapports élémentaires que l'homme entretient avec le monde. par sa construction musicale, qui lui donne l'allure d'un vaste oratorio dont les parties évoquent tour à tour le thème et les variations, la sonate, la fugue, la cantate et la symphonie, il rapproche les démarches de la pensée mythique de celles de la musique qui, de tous les beaux-arts, est celui qui ressemble le plus à une science, tout en étant la source d'émotions incomparables.
Il ne s'agit donc pas d'appauvrir, d'exclure ou de morceler, mais, au contraire, d'intégrer tous les aspects de la connaissance de l'homme dans un effort d'élucidation qui serait condamné d'avance s'il ne procédait du respect. en sorte qu'à partir de l'opposition, triviale en apparence, du cru et du cuit, on verra d'abord se déployer la puissance logique d'une mythologie de la cuisine, conçue par des tribus sud-américaines oú l'auteur a pris ses exemples parce qu'il a vécu dans leur intimité ; puis émerger certaines propriétés générales de la pensée mythique, oú se trouve en germe une philosophie de la société et de l'esprit.
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Un livre original sur la place de l'art dans les sociétés. Claude Lévi-Strauss se penche sur cette question cardinale : qu'est-ce qu'un style ?
Qu'est-ce qu'un style ?
Pour contribuer à résoudre ce problème, l'auteur emprunte ici " la voie des masques ". Il prend ses exemples dans un art qui compte parmi les plus grands - celui des Indiens de la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord - qu'il révélera à beaucoup de lecteurs et permettra à d'autres d'approfondir. Et, en faisant parler trois types de masques provenant de la même population ou d'une population voisine, il démontre que leurs différences stylistique tiennent moins au message particulier que chaque masque, considéré en lui-même, a pour fonction de transmettre, qu'à la façon dont ils s'opposent entre eux.
Graphisme, plastique et coloris reçoivent ainsi leur véritable rôle, qui est de permettre à un peuple, à une école ou à une période de se différencier de ses voisins, de ses rivaux ou des prédécesseurs. Ce livre sur un art sauvage aborde donc sous un nouvel angle et situe dans une perspective originale des questions fondamentales d'esthétique et d'histoire de l'art.