Le continent noir n'existe nulle part. Il est une utopie, un rêve blanc de génocide. À ce titre, il est un lieu du malheur, une dystopie. L'Afrodystopie est le concept critique des complications, des paradoxes, des contradictions, des ambivalences et des ambiguïtés de la vie africaine et afrodescendante dans ce rêve d'Autrui. Un rêve qui crée sans discontinuer des espaces dystopiques, matériels et psychiques de l'État, de l'Argent, de la Famille, de la Jouissance, dela Mort, dont le paradigme empirique est un rêve collectif d'irrésistible, intense et épuisante sexualité appelée maris de nuit. Avec le concept d'Afrodystopie, Joseph Tonda propose une analyse bouleversante de la manière dont l'imaginaire d'une chimère réelle éclaire la vie dans le rêve des abstractions et des choses. Du rêve colonial du premier président gabonais, Léon Mba, de faire de son paysun département français, au mea culpa postcolonial, en 2007, de son successeur, Omar Bongo Ondimba qui reconnut avoir fait du Gabon une dystopie ; en passant par l'utopie mobutiste de création d'un État, d'un fleuve, d'une monnaie authentiques qui se transforma en dystopie zaïroise ; du délire planétaire suscité chez les Africain(e)set Afrodescendant(e)s par le blockbuster Black Panther dont le nom Wakanda est institué en paradigme afrofuturiste de la puissance africaine, à la régulation de la vie sociale et politique démocratiqueafricaine par la Mort, cet essai, qui s'inspire de nombreux auteurs (More, Marx, Freud, Orwell) met au jour un paradigme méconnu : le paradigme de la vie humaine entrée dans le rêve des choses et des abstractions. Un rêve compliqué, au sens freudien, étrangement commun aux imaginaires de l'Afrique, du colonialisme, de l'impérialisme et ducapitalisme à l'ère néolibérale.
L'impérialisme postcolonial n'est pas l'impérialisme qui viendrait après la colonisation. Il est l'impérialisme noir, l'impérialisme invisible, de la Race ou de la Bête, c'est-à-dire de la valeur et de la libido, de l'Argent et du Sexe. Il est le point aveugle que partagent la théorie postcoloniale et ses contempteurs. Le spectre du Noir colonise l'imaginaire du Blanc. Mais, plus encore, le colonial est colonisé par le colonisé lui-même, son opposé qui est aussi sa création, et qui le mine de l'intérieur.
Avec rigueur et truculence, Joseph Tonda, l'un des penseurs les plus originaux du continent, poursuit sa réflexion sur le pouvoir en analysant les éblouissements de l'Afrique centrale comme de l'Occident. Prises dans une même destinée, nos sociétés sont chahutées entre enchantements et violences, entre calculs et folie, entre croyance et consommation, dans l'indiscernabilité du réel et de l'irréel, du passé et du présent, c'est-à-dire dans l'imaginaire. En faisant défiler sous nos yeux, eux aussi éblouis, les images-écrans, les images d'images de la mondialisation néolibérale qui ont saisi toutes les sociétés, il nous prouve une nouvelle fois qu'il n'est pas si facile de « tuer les yeux », en tout cas les siens.
La guérison divine semble partout l'oeuvre en Afrique centrale (et ailleurs).
Elle mobilise puissamment les agents et fidèles des mouvements prophétiques, pentecôtistes ou charismatiques que Joseph Touda a observé de près.
A quoi, en qui croit-on et donc obéit-on dans ces lieux prophétiques ? Quelle est la puissance qui, en échange du miracle ou du don de guérison, obtient obéissance et soumission des corps souffrants ? A ces questions, une certaine théologie répond : la puissance à l'oeuvre dans les lieux de guérison divine en Afrique est le " complexe fascinant " constitué par les spécialistes des dispositifs rituels traditionnels, assimilés aux agents personnels du démon, coalisés avec les légions de sorciers, les dieux païens de possession, le Saint-Esprit ancestralisé et les esprits transnationaux comme Mami Wata et Mademoiselle.
Toutes ces puissances apparaissent en insurrection armée de paganisme et de traditionalisme contre Jésus, l'Etat, la Raison, l'Écriture, la Civilisation, la Modernité et/ou le Capitalisme.
Tournant le dos aux contradictions, aux ambivalences, aux paradoxes et aux relations en miroir caractéristiques des significations imaginaires et sociales du travail symbolique, cette théodicée sort le Dieu de la Mission civilisatrice des structures de causalité du malheur. Elle valorise une lecture culturaliste, essentialiste et ethnocentriste des effervescences actuelles de la foi et des miracles de la guérison en Afrique Centrale.
Combinant effort de synthèse, réflexion théorique et résultats de recherches récentes menées au Congo et au Gabon, ce livre est une palabre sociologique serrée des hypothèses de la théodicée et des sociodicées africanistes.
Le Souverain moderne, c'est la puissance qui gouverne, de l'intérieur, les multitudes africaines, les sujets qui les composent autant que ceux qui les dirigent, et la violence multiforme qui s'exerce sur les corps et les imaginaires depuis la colonisation jusqu'à l'ère post-coloniale.
En Afrique centrale, notamment au Gabon et au Congo, le corps est au coeur du pouvoir politique, religieux, sexuel, économique et rituel, comme le confirme le lien fort qui existe entre les affaires du corps et les affaires politiques, et l'affichage ostentatoire des corps " sapés ", corps de Blancs ou corps des Grands. Le corps du pouvoir s'impose à la fois comme matière et esprit et incarne la puissance de séduction de l'argent, de la marchandise, du sexe et de la connaissance.
Les territoires d'exercice de cette puissance sont les non-lieux lignagers de l'Etat, des Eglises et du Marché. Dans ces espaces de trafic et d'imposition des identités, les armes ethnicisées du capitalisme imposent leurs marques sur le territoire propre du corps. La thèse soutenue dans ce livre est que la puissance souveraine de l'humanité lignagère, dont le corps sert de médium en Afrique centrale, est un rapport social historiquement constitué et culturellement sédimenté par la violence de l'imaginaire et des réalités de l'Etat, du Marché et de l'Eglise.
Cette esquisse d'une théorie générale du fétichisme économique, politique ou religieux fait du corps-sujet l'opérateur symbolique du travail d'une imagination hybride qui exploite les ressources du corps-sexe, du corps-fétiche, du corps souverain, mais aussi du corps souffrant, morcelé et sacrifié. La notion de " Souverain moderne " (sorte d'alliage du Grand Capital de Marx et du Léviathan de Hobbes) sert à désigner le principe arbitraire et nécessaire de ces choses ou de ces pouvoirs que sont la sorcellerie du Blanc, la puissance du Christ, l'Argent, la Science, la Technique, l'Etat, et le Sexe.
Qui a tué Watara La Peste, de son vrai nom Mambo Bélinda ? L'enquête que mène Larissa, sa petite-fille, plonge le lecteur dans une effrayante faune urbaine peuplée de vipères, de scorpions et de rats humains que fréquentait son grand-père. Entre Myrtille Ngondo, femme-mercenaire, beauté fatale tropicalisée (tuée-tuée) et tueuse bio, dont il fut gravement amoureux ; Marihaine Asamse Moutouki, constamment sujette à des coliques telluriques, une de ses ex qui voulait en finir avec lui ; Mackrosexéfa, tout-puissant parrain de la mafia librevilloise et amant proxénète de Myrtille Ngondo ; J.R Ewing Asamse Moutouki, le marxiste africain blancophobe, théoricien de la lutte des tribus, frère jumeau de Marihaine, qui avait lui aussi de bonnes raisons de le trucider ; Minvè Témoin, l'avorton leader étudiant que fréquentait Larissa et amant de Myrtille Ngondo, et bien d'autres ennemis potentiels ou déclarés de Watara La Peste, la voie qui mène à la lumière est bien étroite. L'histoire, les personnages, la cocasserie et la vérité des situations rocambolesques, l'imagination picaresque, la râpeuse fluidité de l'écriture de Joseph Tonda inscrivent ce roman truculent dans le réalisme baroque.
Cet ouvrage met en lumière le machisme ambiant au Gabon et explique en quoi il se fonde et surtout comment il parvient à contaminer les individus, la société et les institutions publiques. Cette lecture est engendrée par l approche genre dans le cadre des études culturelles, qui mettent en cohérence plusieurs ordres de discours issus des sciences sociales. Les auteurs s appuient sur un corpus riche et varié pour renouveler la compréhension contemporaine des relations hommes/femmes.
Le Congo d'aujourd'hui apparaît tel une scène tourmentée où les représentations et les pratiques religieuses, plus que jamais, accompagnent, structurent, déstructurent les trames et les rythmes d'une société où les églises sont en passe d'annexer toutes les sociabilités. Une emprise insidieuse et violente exercée sur les esprits et les corps des sujets sociaux génère une misère multiforme qui travaille toutes les classes de la société.