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Marguerite Duras
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La mère, c'est une ancienne institutrice du nord de la France, jadis mariée à un instituteur. Impatients et séduits à la fois par les affiches de propagande et par la lecture de Pierre Loti, tous deux tentent l'aventure coloniale. Après quelques années relativement heureuses sur la côte du Pacifique, non loin du golfe de Siam, le père mourut, et la mère resta seule avec deux enfants, Joseph et Suzanne. Elle joua dix ans du piano à l'Eden Cinéma, fit des économies, obtint après d'infinies démarches une concession à la Direction générale du cadastre, laquelle Direction, n'ayant pas reçu de dessous-de-table, lui attribua à dessein une concession incultivable. La mère, qui n'avait d'autre but que de laisser un petit bien à ses enfants passionnément aimés, s'entêta. Elle eut l'idée de construire contre les grandes marées du Pacifique un barrage qui protégerait ses terres et celles de ses voisins. Le barrage fut construit par des centaines de paysans séduits par son espoir. Le Pacifique et ses crabes traversèrent le barrage comme s'il avait été une feuille de papier à cigarettes. C'est à ce moment que débute le roman de Marguerite Duras. La mère, Joseph, qui a vingt ans, Suzanne, qui en a dix-sept, vivent péniblement dans leur bungalow délabré, au milieu de leur concession temporaire, sans cesse menacés d'en être privés par l'administration du cadastre. La mère est malade, Joseph et Suzanne commencent à «avoir marre» de leur misère. Que faire ? L'énergie et l'espoir n'ont pas quitté la mère, qui calcule, combine, avec une sorte de folie méticuleuse, rusée et lucide, tant elle a peur du départ définitif, qu'elle sait inéluctable, de ses enfants. Les colères et les amours de Joseph, la résignation de Suzanne, les intrigues d'un M. Jo, fils dégénéré d'un richissime trafiquant de terrains, pour séduire la jeune fille, la mort de la mère et le départ des enfants pour une vie peut-être meilleure, peut-être pire ; sont ici décrits avec une puissance qu'on ne peut rapprocher que de celle de Conrad dans ses meilleurs récits. Cette désolante aventure baigne dans le soleil, l'alcool, le cinéma de la ville, l'immense misère physique et morale des indigènes et des Blancs pauvres roulés par une administration abjecte, un désespoir total qui fait passer brusquement les personnages de l'intense, de l'hystérique rigolade à la tristesse la plus affreuse, enfin une sensualité violente. À côté des vivants, une vieille Citroën B12, un phonographe et un diamant défectueux jouent un rôle majeur.
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« Dans L'Amant, Marguerite Duras reprend sur le ton de la confidence les images et les thèmes qui hantent toute son oeuvre. Ses lecteurs vont pouvoir ensuite descendre ce grand fleuve aux lenteurs asiatiques et suivre la romancière danstous les méandres du delta, dans la moiteur des rizières, dans les secrets ombreux où elle a développé l'incantation répétitive et obsédante de ses livres, de ses films, de son théâtre. Au sens propre, Duras est ici remontée à ses sources, à sa « scène fondamentale » : ce moment où, vers 1930, sur un bac traversant un bras du Mékong, un Chinois richissime s'approche d'une petite Blanche de quinze ans qu'il va aimer. Il faut lire les plus beaux morceaux de L'Amant à haute voix. On percevra mieux ainsi le rythme, la scansion, la respiration intime de la prose, qui sont les subtils secrets de l'écrivain. Dès les premières lignes du récit éclatent l'art et le savoir-faire de Duras, ses libertés, ses défis, les conquêtes de trente années pour parvenir à écrire cette langue allégée, neutre, rapide et lancinante à la fois capable de saisir toutes les nuances, d'aller à la vitesse exacte de la pensée et des images. Un extrême réalisme (on voit le fleuve, on entend les cris de Cholon derrière les persiennes dans la garçonnière du Chinois), et en même temps une sorte de rêve éveillé, de vie rêvée, un cauchemar de vie : cette prose à nulle autre pareille est d'une formidable efficacité. À la fois la modernité, la vraie, et des singularités qui sont hors du temps, des styles, de la mode. » François Nourissier (Le Figaro Magazine, 20 octobre 1984).
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La dernière guerre, Marguerite Duras l'a vécue tout à la fois comme femme dont le mari avait été déporté, comme résistante, mais aussi, comme écrivain. Lucide, étonnée, désespérée parfois, elle a, pendant ces années, tenu un journal, écrit des textes que lui inspirait tout ce qu'elle voyait, ce qu'elle vivait, les gens qu'elle rencontrait ou affrontait. Ce sont ces récits et des extraits de son journal, que Marguerite Duras a réunis sous le titre La Douleur.
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« Qu'est-ce que ça veut dire, moderato cantabile ?
- Je ne sais pas. » Une leçon de piano, un enfant obstiné, une mère aimante, pas de plus simple expression de la vie tranquille d'une ville de province. Mais un cri soudain vient déchirer la trame, révélant sous la retenue de ce récit d'apparence classique une tension qui va croissant dans le silence jusqu'au paroxysme final.
« Quand même, dit Anne Desbardes, tu pourrais t'en souvenir une fois pour toutes. Moderato, ça veut dire modéré, et cantabile, ça veut dire chantant, c'est facile. »
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L'histoire de lola valérie stein commence au moment précis où les dernières venues franchissent la porte de la salle de bal du casino municipal de t.
Beach. elle se poursuit jusqu'à l'aurore qui trouve lol v. stein profondément changée. une fois le bal terminé, la nuit finie, une fois rassurés les proches de lol v. stein sur son état, cette histoire s'éteint, sommeille, semblerait-il durant dix ans.
Lol stein se marie, quitte sa ville natale, s. tahla, a des enfants, paraît confiante dans le déroulement de sa vie et se montre heureuse, gaie. après la période de dix ans la séparant maintenant de la nuit du bal, lol v.
Stein revient habiter à s. tahla où une situation est offerte à son ami. elle y retrouve une amie d'enfance qu'elle avait oubliée, tatiana karl, celle qui tout au long de la nuit du bal de t. beach était restée auprès d'elle, ce qu'elle avait également oublié. l'histoire de lol v. stein reprend alors pour durer quelques semaines.
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«- Il n'y a pas de vacances à l'amour, dit-il, ça n'existe pas. L'amour, il faut le vivre complètement avec son ennui et tout, il n'y a pas de vacances possibles à ça.Il parlait sans la regarder, face au fleuve.- Et c'est ça l'amour. S'y soustraire, on ne peut pas.»
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Un homme qui veut changer sa vie s'engage sur un bateau. Sur ce bateau il y a une femme qui court le monde ´r la recherche du marin de Gibraltar qu'elle a aimé et qui a disparu. L'amour naît entre l'homme qui veut changer sa vie et la femme qui cherche le marin de Gibraltar. Ensemble, ils vont rechercher avec scrupule ce marin disparu. S'ils le trouvent ce sera la fin de leur amour. Étrange contradiction.
De Scte ´r Tanger, de Tanger ´r Abidjan, et d'Abidjan ´r Léopoldville, leur recherche se poursuit.
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Romans, cinéma, théâtre, un parcours 1943-1993
Marguerite Duras
- Gallimard
- Quarto
- 13 Février 1997
- 9782070744916
«Ça rend sauvage, l'écriture. On rejoint une sauvagerie d'avant la vie. Et on la reconnaît toujours, c'est celle des forêts, celle ancienne comme le temps. Celle de la peur de tout, distincte et inséparable de la vie même. On est acharné. On ne peut pas écrire sans la force du corps. Il faut être plus fort que soi pour aborder l'écriture, il faut être plus fort que ce qu'on écrit.» Duras, 1993.
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Vitry, banlieue tentaculaire, immense, vidée de tout ce qui fait une ville, réservoir plutôt avec, çà et là, des îlots secrets où l'on survit. C'est là que Marguerite Duras a tourné son film Les Enfants : «Pendant quelques années, le film est resté pour moi la seule narration possible de l'histoire. Mais souvent je pensais à ces gens, ces personnes que j'avais abandonnées. Et un jour j'ai écrit sur eux à partir des lieux du tournage de Vitry.» C'est une famille d'immigrés, le père vient d'Italie, la mère, du Caucase peut-être, les enfants sont tous nés à Vitry. Les parents les regardent vivre, dans l'effroi et l'amour. Il y a Ernesto qui ne veut plus aller à l'école «parce qu'on y apprend des choses que je ne sais pas», Jeanne, sa soeur follement aimée, les brothers et les sisters. Autour d'eux, la société et tout ce qui la fait tenir : Dieu, l'éducation, la famille, la culture... autant de principes et de certitudes que cet enfant et sa famille mettent en pièces avec gaieté, dans la violence.
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Oeuvres complètes t.1
Marguerite Duras
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 20 Octobre 2011
- 9782070118892
Marguerite Duras, qui fut une légende vivante, s'incarne pour beaucoup dans un livre particulier : souvent Un barrage contre le Pacifique (1950) ou L'Amant (1984), parfois Le Ravissement de Lol V. Stein (1964), ou encore dans un film et sa mélodie, India Song (1973). Plus rares sont les lecteurs qui se représentent l'oeuvre dans sa continuité souterraine. À travers la diversité des genres - romans, nouvelles, théâtre, scénarios, films -, Duras n'a jamais cessé d'explorer l'écriture elle-même. Car c'est précisément la recherche d'une voix qui lui fût propre qui l'a amenée à composer pour le théâtre (où le langage «a lieu») comme à prendre la caméra : «Je parle de l'écrit même quand j'ai l'air de parler du cinéma. Je ne sais pas parler d'autre chose.» Bien sûr, l'expérience de l'écriture dramatique ou cinématographique influence l'écriture romanesque, et certains sujets passent d'un genre ou d'un support à un autre, mais il y a plus : peu à peu se fait jour un style reposant...
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«C'est encore une fois les vacances. Encore une fois les routes d'été. Encore une fois des églises à visiter. Encore une fois dix heures et demie du soir en été. Des Goya à voir. Des orages. Des nuits sans sommeil. Et la chaleur.Un crime a lieu cependant qui aurait pu, peut-être, changer le cours de ces vacances-là.Mais au fond qu'est-ce qui peut faire changer le cours des vacances ?»
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«Ce livre nous a fait passer le temps. Du début de l'automne à la fin de l'hiver. Tous les textes ont été dits à Jérôme Beaujour, à très peu d'exceptions près. Puis les textes décryptés ont été lus par nous. Une fois notre critique faite, je corrigeais les textes et Jérôme Beaujour les lisait de son côté. C'était difficile les premiers temps. On a très vite abandonné les questions. On a abordé des sujets, là aussi on a abandonné. La dernière partie du travail, je l'ai consacrée à abréger les textes, les alléger, les calmer. Cela de notre avis commun. Donc aucun des textes n'est exhaustif. Aucun ne reflète ce que je pense en général du sujet abordé parce que je ne pense rien en général, de rien, sauf de l'injustice sociale. Le livre ne représente tout au plus que ce que je pense certaines fois, certains jours, de certaines choses. Donc il représente aussi ce que je pense. Je ne porte pas en moi la dalle de la pensée totalitaire, je veux dire : définitive. J'ai évité cette plaie. Ce livre n'a ni commencement ni fin, il n'a pas de milieu. Du moment qu'il n'y a pas de livre sans raison d'être, ce livre n'en est pas un. Il n'est pas un journal, il n'est pas du journalisme, il est dégagé de l'événement quotidien. Disons qu'il est un livre de lecture. Loin du roman mais plus proche de son écriture - c'est curieux du moment qu'il est oral - que celle de l'éditorial d'un quotidien. J'ai hésité à le publier mais aucune formation livresque prévue ou en cours n'aurait pu contenir cette écriture flottante de La Vie matérielle, ces aller-et-retour entre moi et moi, entre vous et moi dans ce temps qui nous est commun.»
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Qui est le vice-consul? Pourquoi tirait-il de son balcon dans la direction des jardins de Shalimar où se réfugient les lépreux et les chiens de Lahore? Pourquoi adjurait-il la mort de fondre sur Lahore? Un roman de l'extrême misère:celle de l'Inde, mais aussi celle du coeur, débordant de culpabilité.
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C'est l'histoire d'un amour, vécu aux Indes, dans les années 30, dans une ville surpeuplée des bords du Gange. Deux jours de cette histoire sont ici évoqués. La saison est celle de la mousson d'été. Quatre voix sans visage parlent de cette histoire. L'histoire de cet amour, les voix l'ont sue, ou lue, il y a longtemps. Certaines s'en souviennent mieux que d'autres. Mais aucune ne s'en souvient tout à fait et aucune, non plus, ne l'a tout à fait oubliée.L'histoire évoquée est une histoire d'amour immobilisée dans la culminance de la passion. Autour d'elle, une autre histoire, celle de l'horreur, famine et lèpre mêlées dans l'humidité pestilentielle de la mousson.
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Dans cet hôtel à l'orée de la forêt, trois clients qui ne se connaissent pas, silencieux, solitaires : élisabeth Alione, Max Thor qui la regarde, et Stein qui regarde Max Thor. Plus tard viendront Alissa Thor, puis Bernard Alione.
Fulgurant comme l'amour, silencieux comme la mort, grave comme la folie, âpre comme la révolution, magique comme un jeu sacré, mystérieux comme l'humour, Détruire dit-elle ne ressemble à rien.
Marguerite Duras (1914 - 1996) a publié Détruire dit-elle en avril 1969. Ce sera, la même année, le premier film qu'elle réalisera entièrement. Anne Villelaur dans Les Lettres françaises écrivait que " Détruire dit-elle est le plus étrange des livres de Marguerite Duras. Il ressemble à une cérémonie dont nous ignorerions le rituel et suivrions néanmoins, fascinés, le déroulement ". Et Maurice Blanchot dans L'Amitié : " Détruire. Comme cela retentit : doucement, tendrement, absolument. Un mot - infinitif marqué par l'infini - sans sujet ; une oeuvre - la destruction - qui s'accomplit par le mot même : rien que notre connaissance puisse ressaisir, surtout si elle en attend les possibilités d'action. C'est comme une clarté au coeur ; un secret soudain. Il nous est confié, afin que, se détruisant, il nous détruise pur un avenir à jamais séparé de tout présent ".
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«Elle ouvre les yeux. Elle le voit, elle le regarde. Il se rapproche d'elle. Il s'arrête.Il demande : - Qu'est-ce que vous faites là... il va faire nuit.Elle dit qu'elle regarde : - Je regarde.Elle montre devant elle la mer, la plage, la ville blanche derrière la plage, et l'homme, qui marche le long de la mer.Elle dit : Ici c'est S. Thala jusqu'à la rivière. Et après la rivière c'est encore S. Thala.»
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Vous devriez ne pas la connaître, l'avoir trouvée partout à la fois, dans un hôtel, dans une rue, dans un train, dans un bar, dans un livre, dans un film, en vous-même, en vous, en toi, au hasard de ton sexe dressé dans la nuit qui appelle où se mettre, où se débarrasser des pleurs qui le remplissent...
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Oeuvres complètes t.2
Marguerite Duras
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 20 Octobre 2011
- 9782070122325
Marguerite Duras, qui fut une légende vivante, s'incarne pour beaucoup dans un livre particulier : souvent Un barrage contre le Pacifique (1950) ou L'Amant (1984), parfois Le Ravissement de Lol V. Stein (1964), ou encore dans un film et sa mélodie, India Song (1973). Plus rares sont les lecteurs qui se représentent l'oeuvre dans sa continuité souterraine. À travers la diversité des genres - romans, nouvelles, théâtre, scénarios, films -, Duras n'a jamais cessé d'explorer l'écriture elle-même. Car c'est précisément la recherche d'une voix qui lui fût propre qui l'a amenée à composer pour le théâtre (où le langage «a lieu») comme à prendre la caméra : «Je parle de l'écrit même quand j'ai l'air de parler du cinéma. Je ne sais pas parler d'autre chose.» Bien sûr, l'expérience de l'écriture dramatique ou cinématographique influence l'écriture romanesque, et certains sujets passent d'un genre ou d'un support à un autre, mais il y a plus : peu à peu se fait jour un style reposant sur la porosité des genres. Sur la couverture d'India Song se lit une triple mention, «texte théâtre film»...
Sa voix propre, Duras ne l'a pas trouvée d'emblée, et le mystère de sa découverte est l'un des charmes d'une lecture chronologique de son oeuvre. Ses deux premiers romans respirent l'air «existentialiste» de l'époque. Les trois suivants - Un barrage contre le Pacifique (1950), Le Marin de Gibraltar (1952), Les Petits Chevaux de Tarquinia (1953) - s'inscrivent dans l'«âge du roman américain». Puis, peu à peu, le romanesque narratif s'efface, les personnages s'estompent ou s'affinent - au point de se réduire bientôt, dans la nouvelle «Les Chantiers» (et plus tard dans Détruire dit-elle), à des séries d'états d'âme presque anonymes, voire à un étrange statut de regard regardé. L'évolution, toutefois, n'est pas linéaire : la tendance à la déréalisation du réel et au primat de la parole dialoguée ou soliloquée était marquée dès L'Après-midi de monsieur Andesmas (1962), mais les personnages du Vice-consul (1966) prennent corps dans la chaleur moite d'un décor indien quasi baroque.
Les deux premiers volumes des oeuvres complètes, enrichis de nombreux textes et documents rares, retracent l'histoire d'une écriture et, par le biais d'épisodes ou de personnages récurrents (dont certains deviendront de véritables mythes littéraires), mettent en place les «cycles», informels et poreux, qui traverseront toute l'oeuvre : l'Indochine de l'enfance, l'Inde du fantasme.
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Oeuvres complètes t.3
Marguerite Duras
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 13 Mai 2014
- 9782070122295
Au sommaire des Oeuvres complètes de Marguerite Duras figurent l'intégralité des livres publiés du vivant de l'écrivain et de nombreux textes ou documents peu accessibles, voire inédits. Les deux premiers volumes menaient le lecteur jusqu'en 1973, l'année d'India Song. Les tomes suivants couvrent chacun une décennie : 1974-1984 pour le troisième volume, 1985-1995 pour le quatrième. Les livres que Duras publie entre sa soixantième et sa soixante-dixième année (tome III) sont souvent brefs, à moins qu'ils ne prennent, comme Outside et Les Yeux verts, la forme de recueils. Ils marquent un désir de renouvellement, et tous ne touchent pas immédiatement le public, mais il est aujourd'hui évident que Le Navire Night, L'Été 80, Savannah Bay ou La Maladie de la mort sont des jalons majeurs de l'oeuvre. En 1984, enfin, L'Amant connaît un triomphe critique et commercial inouï. Le statut littéraire et public de Duras bascule. Les années 1974-1984 sont aussi une «décennie cinématographique». Les films - Le Camion, Baxter, Véra Baxter, Le Navire Night, les deux Aurélia Steiner, etc. - dialoguent avec les livres qui leur correspondent et infléchissent notre façon de lire Duras. Les scénarios et autres tentatives d'adaptation figurent donc en bonne place parmi les textes réunis «autour des oeuvres».
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Un jour d'été, bar de la Marine, à Quillebeuf. Au large, l"estuaire de la Seine. C'est, à nouveau, Duras. A nouveau ce désoeuvrement maritime, blanc et bleu, des plages tout juste passées de mode, avec un rien de luxe, des clients perdus et des voix qui renouent d'impossibles ruptures. « Je ne peux pas m'arrêter d'écrire, dit la narratrice à l'homme qui l'accompagne, je ne peux pas. Et cette histoire, quand je l'écris, c'est comme si je vous retrouvais... que je retrouvais les moments où je ne sais pas encore ni ce qui arrive, ni ce qui va arriver... ni qui vous êtes, ni ce que nous allons devenir. » La narratrice et l'homme qu'elle n'aime plus - ou qu'elle aime - observent deux autres solitaires du bar de la Marine, deux Anglais de l'île de Wight, venus de leur yacht : le « captain » et une femme détruite par l'alcool, jadis peut-être belle. Les deux voix françaises se mêlent aux deux voix anglaises, auxquelles il faudrait ajouter par instants la voix de la douce tenancière des lieux - elle aussi sur le départ. On apprendra le drame du couple anglais et, par échos, celui du couple français. Et l'on rêve de celle qui fut surnommée Emily L., la femme de l'amour fou, la lady des poèmes et des yachts, voguant parmi les îles de la Sonde.
Mais la belle journée passe, des pétroliers - hauts immeubles de l'impeccable blanc - montent sur le bleu et le noir. Un bac rouge, fragile, jette sa tache vive. L'immensité entre doucement dans la nuit. Il reste une certaine tranquillité, parcourue d'angoisses : celle du corps qui lit en soi le passage sans remède de toutes choses, « le corps qui lit et qui veut connaître l'histoire depuis les origines, et à chaque lecture ignorer toujours plus avant que ce qu'il ignore déjà ».
Jean-Maurice de Montremy
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Oeuvres complètes t.4
Marguerite Duras
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 13 Mai 2014
- 9782070122301
Au sommaire des Oeuvres complètes de Marguerite Duras figurent l'intégralité des livres publiés du vivant de l'écrivain et de nombreux textes ou documents peu accessibles, voire inédits. Les deux premiers volumes menaient le lecteur jusqu'en 1973, l'année d'India Song. Les tomes suivants couvrent chacun une décennie : 1974-1984 pour le troisième volume, 1985-1995 pour le quatrième. La décennie 1985-1995 (tome IV) est d'une certaine manière celle de la «réécriture». Certes, Emily L. est un texte entièrement nouveau. Mais Duras revient souvent sur ses propres pas : en 1986, Les Yeux bleus cheveux noirs «récrit» La Maladie de la mort (1982) ; en 1990, La Pluie d'été «récrit» un livre pour enfants paru en 1971 ; en 1991, L'Amant de la Chine du Nord est en quelque sorte une nouvelle version de L'Amant... et le quatrième livre tiré de l'expérience indochinoise de l'auteur. L'oeuvre semble alors former une boucle, sentiment renforcé par la tonalité testamentaire de certains ouvrages (Écrire, 1993), mais aussi par le retour opéré par Duras sur quelques-uns de ses textes les plus anciens. En 1985, La Douleur reprend des pages écrites dès le lendemain de la guerre. En 1990, à l'occasion de la rédaction de Yann Andréa Steiner (1992), l'écrivain revient au manuscrit de Théodora, un roman des années 1940, inachevé et resté inédit ; on en trouvera en appendice les passages les plus aboutis. L'édition se clôt sur des «Textes épars» : jamais recueillis par leur auteur, ces articles ont été rassemblés ici en raison de leur intérêt propre ou parce qu'ils font écho à de grands thèmes de l'oeuvre. Certains d'entre eux jouèrent un rôle dans la manière dont Marguerite Duras fut et demeure perçue : non seulement comme un écrivain, mais comme un «personnage», une légende, presque un mythe.
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Francine Veyrenattes nous raconte - ou se remémore - comment son frère Nicolas se bat à mort avec son oncle Jérôme ; quelle garde discrète et sûre la famille monte autour de l'agonisant ; comment la liberté que Nicolas s'est ainsi conquise le conduit à l'amour, puis à la mort. Dans le même temps, Francine est aussi conduite à l'amour, et les parents à la folie. L'impassibilité de la narratrice rend un son vite étrange. Que l'indifférence soit à ce point nécessaire, qu'elle suive si évidemment le fond des choses la rend furieuse, inconsolable. Indifférente, elle est en fait le seul moteur du drame. Elle seule l'a voulu, suscité. Elle l'ignore elle-même. Elle en prend une conscience de plus en plus nette à mesure qu'elle raconte. Cette découverte devient même le sujet véritable du livre - qui est l'épuration progressive d'une âme - et son principal attrait. On se promet : «On l'aura la vie tranquille.» Du sein d'une grande fatigue, on veut bien enfin se laisser aimer, et aimer. Et faire des enfants. Cette vie est sincère. Ces enfants seront posthumes. On veut bien du bonheur. C'est qu'on est simple enfin. C'est qu'on est morte enfin. C'est qu'on peut enfin vivre «pareille à tous, la plus à plaindre, pareille à tous».
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«C'étaient des bonnes à tout faire, les milliers de Bretonnes qui débarquaient dans les gares de Paris. C'étaient aussi les colporteurs des petits marchés de campagne, les vendeurs de fils et d'aiguilles, et tous les autres. Ceux - des millions - qui n'avaient rien qu'une identité de mort.Le seul souci de ces gens c'était leur survie:ne pas mourir de faim, essayer chaque soir de dormir sous un toit.C'était aussi de temps en temps, au hasard d'une rencontre, PARLER. Parler du malheur qui leur était commun et de leurs difficultés personnelles. Cela se trouvait arriver dans les squares, l'été, dans les trains, dans ces cafés des places de marché pleins de monde où il y a toujours de la musique. Sans quoi, disaient ces gens, ils n'auraient pas pu survivre à leur solitude.» Marguerite Duras.