«Ils étaient cinq, aux carrures terribles, accoudés à boire, dans une sorte de logis sombre qui sentait la saumure et la mer. Le gîte, trop bas pour leurs tailles, s'effilait par un bout, comme l'intérieur d'une grande mouette vidée; il oscillait faiblement, en rendant une plainte monotone, avec une lenteur de sommeil. Dehors, ce devait être la mer et la nuit, mais on n'en savait trop rien:une seule ouverture coupée dans le plafond était fermée par un couvercle en bois, et c'était une vieille lampe suspendue qui les éclairait en vacillant.»
Février 1894. Pierre Loti part pour le Sinaï. Ce voyage en Terre Sainte lui inspirera l'une de ses oeuvres majeures, récit de voyage autant que quête spirituelle sous forme de triptyque : après avoir saisi l'intemporalité et la virginité du Sinaï «(Le Désert)», il observe minutieusement églises et pèlerins «(Jérusalem)», avant de peindre des paysages en mots, les Évangiles à la main tel un guide «(La Galilée)». Le style est épuré, comme si l'ascèse à laquelle se trouvait confronté le voyageur rejaillissait sur sa manière de dire. Entre âpreté et spiritualité, on ne ressort jamais indemne du désert...
Pierre Loti (1850-1923) est le grand écrivain voyageur de la Belle Époque. À l'automne 1883, l'officier de marine fait partie de l'expédition française qui part à la conquête de l'Indochine, sous l'égide du gouvernement Jules Ferry. Il conte, entre effarement et naïveté, les atrocités perpétrées par les troupes françaises et, par-delà, dénonce la folie criminelle des dirigeants. Rappelé à l'ordre par les autorités militaires qui veulent éviter le scandale, Loti modifiera son texte en le reprenant des années plus tard. Les textes non censurés sont pour la première fois recueillis dans ce volume. Aujourd'hui, ils nous touchent encore, en dénonçant la vanité « civilisatrice ».
A l'aube du XXe siècle, un violent mouvement xénophobe (la révolte des Boxers) secoue la Chine. A Pékin, le quartier des légations, où toutes les ambassades étrangères sont regroupées, subit un siège tragique pendant près de deux mois. Les grandes puissances (Allemagne, Autriche-Hongrie, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et Russie) s'accordent alors pour "punir" les Chinois et piller la Chine. La répression sera terriblement brutale et féroce. Pierre Loti débarque en Chine avec la Marine française à l'été 1900. En route vers Pékin, traversant des villes en cendres, il décrit horrifié la violence coloniale puis, tout en pénétrant dans le saint des saints, raconte le siège des légation et la fin d'un mythe : Pékin n'est plus la Cité interdite. Un témoignage exceptionnel.
«- Avant mon arrivée en Turquie, que faisais-tu, Aziyadé ?
- Dans ce temps-là, Loti, j'étais presque une petite fille. Quand pour la première fois je t'ai vu, il n'y avait pas dix lunes que j'étais dans le harem d'Abeddin, et je ne m'ennuyais pas encore. Je me tenais dans mon appartement, assise sur mon divan, à fumer des cigarettes, ou du hachisch, à jouer aux cartes avec ma servante Emineh, ou à écouter des histoires très drôles du pays des hommes noirs, que Kadidja sait raconter parfaitement.»
Trois jeunes femmes cultivées, qui vivent enfermées dans un harem à Constantinople, correspondent avec un célèbre romancier français ; l'une d'elles, Djénane, en est amoureuse. Au prix de mille dangers, le héros les rencontre, et leur promet d'écrire un livre sur leur terrible condition. Paru en 1906, au sommet de la gloire de Loti, ce roman est une ode à cet Orient qui lui est si cher. Entre hier et aujourd'hui, la vie et la mort, l'occidentalisation galopante et l'Orient immuable, son récit est un portrait sensible et personnel d'une réalité complexe et tragique. Pour traduire le désenchantement moral, Loti nous offre un enchantement esthétique.
" Les romans contemporains n'ont que trop souvent généralisé - en l'affadissant parfois à l'extrême - un concept du Basque rêveur, mélancolique, idéaliste, esclave absolu du devoir et des traditions ancestrales. La meilleure de ces oeuvres, la plus vraie quoi qu'on en ait dit, demeure la première parue : Ramuntcho. Compte tenu du côté romanesque ou pour mieux dire poétique, Loti a fort bien vu plusieurs traits dominants de l'âne basque : alternance de gravité fière et de gaieté naïve, dignité et retenue dans les rapports sociaux, fervent attachement au passé, enfin puissance de la foi religieuse maîtrisant les forces profondes d'un atavisme primitif plein de violences... "
Parti de la côte persique le 17 avril 1900, en compagnie d'un guide, de quatre muletiers, de deux domestiques persans et de son serviteur français, Loti, à dos de cheval, atteint d'abord Chiraz, où il s'arrête une semaine ; à Ispahan, où il arrive le 12 mai, il ne trouve place dans aucun caravansérail, ni dans aucune maison, car les Musulmans ne veulent pas de lui, chrétien ; finalement le prince D..., consul de Russie, l'héberge dans sa maison, et le présente au frère du Chah, vizir d'Ispahan et d'irak. D'Ispahan il continue sa route vers le nord, en voiture cette fois ; il passe par Kashan et s'arrête à Téhéran, trop européanisée à son goût, où le Grand Vizir offre un dîner en son honneur. Le 6 juin, enfin, il touche les bords de la Caspienne, où il s'embarquera pour Bakou. Loti décrit en détail les pays qu'il traverse, avec cette facilité de plume et cette vivacité de couleurs qui ont fait sa célébrité : depuis le désert jusqu'à la région des hauts plateaux en passant par le célèbre site de Persépolis. Comme toujours chez Loti, les femmes occupent dans ce paysage insolite une place importante : il les cherche et les rencontre partout.
Vers Ispahan est indiscutablement un des plus beaux livres de Pierre Loti, celui où il accède au sommet de son art, un pur enchantement. Sa description de la Mosquée bleue est à cet égard un morceau de bravoure.
Février 1894. Pierre Loti part pour le Sinaï. Ce voyage en Terre Sainte nourrira l'inquiétude religieuse de cet "agnostique qui ne se résigna jamais à renoncer à Dieu", et lui inspirera l'une de ses oeuvres majeures, récit de voyage autant que quête spirituelle sous forme de triptyque : après avoir saisi l'intemporalité et la virginité du Sinaï («Le Désert»), il observe minutieusement églises et pèlerins dans «Jérusalem», avant de peindre des paysages en mots, les Évangiles à la main tel un guide («La Galilée»).
Au cours de sa vie, Pierre Loti s'est rendu cinq fois au Japon pour des séjours de plusieurs semaines à chaque fois, entre 1885 et 1901. L'archipel nippon lui a inspiré deux romans : le célèbre Madame Chrysanthème (1887) et La Troisième Jeunesse de Madame Prune (1905). C'est entre ces deux oeuvres qu'ont paru les Japoneries d'automne (1889) qui rassemblent des impressions de voyage sur différents sites comme l'indiquent les titres des chapitres : « Kioto, la ville sainte », « Un bal à Yeddo » (bal donné au palais Rokou Meïkan), « Extraaordinaire cuisine de deux vieux » (visite dans la campagne proche de Yokohama), « Toilette d'impératrice » (séjour à Kamakura, ancienne capitale), « Trois légendes rustiques », « La Sainte Montagne de Nikko », « Au tombeau des samouraïs » (Loti se rend sur la tombe des fameux quarante-sept samouraïs), « Yeddo » et « L'impératrice Printemps ». Cette relation de voyage offre une excellente image du Japon à l'époque de l'ère Meiji où il commence à s'ouvrir.
Dans son style admirable, Loti invite le lecteur à le suivre dans son regard qui cherche à comprendre cette civilisation si difficile d'accès. En témoigne cet extrait du chapitre consacré à la montagne de Nikko : « C'est, sous le couvert d'une épaisse forêt, au penchant de la Sainte Montagne de Nikko, au milieu de cascades qui font à l'ombre des cèdres un bruit éternel, - une série de temples enchantés, en bronze, en laque aux toits d'or, ayant l'air d'être venus là à l'appel d'une baguette magique, parmi les fougères et les mousses, dans l'humidité verte, sous la voûte des ramures sombres, au milieu de la grande nature sauvage ».
Loti avait un frère aîné, gustave, médecin de marine coloniale, dont l'exemple le décida à devenir marin.
La mort de gustave le priva, très jeune, de ce frère, qu'il recherchera sa vie durant au travers d'amitiés de toutes sortes. dans celle d'yves, il croit retrouver, pour quelque temps, le " frère " à tout jamais perdu.
Ce livre, ni tout à fait un journal ni tout à fait un roman, retrace une amitié fraternelle, orageuse, passionnée. cette histoire d'un marin breton du siècle passé est un poème de la mer, des départs, des escales, des retours, d'une inquiétude sans âge, sensible jusque dans les frémissements de l'écriture.
" yves, mon frère, nous sommes de grands enfants...
Souvent très gais quand il ne faudrait pas, nous voilà tristes, et divaguant tout à fait pour un moment de paix et de bonheur qui par hasard nous est arrivé. "
Troisième et dernier volet du voyage de Pierre Loti en Terre sainte, cette traversée de Jérusalem à Beyrouth est l'occasion d'un superbe portrait de Damas entre les ruines silencieuses de son passé et l'agitation qui animait ses ruelles et ses souks au début du XXe siècle. Le voyage de Loti met aussi en lumière cette part d'âme que les villes perdent avec l'avènement du tourisme : le tourisme spirituel de Jérusalem ou l'arrivée massive des touristes européens à Damas avec l'achèvement du chemin de fer.
Un tour du monde animalier sur les traces de Pierre Loti, qui fut l'ami des animaux, leur frère, leur défenseur. Des textes rares où se mêlent la pitié, la colère, l'humour et qui donnent à lire un aspect méconnu et attachant de son oeuvre.
Dans son Roman, Pierre Loti se rappelle son enfance par éclairs. Sa mère y joue un rôle capital, cette mère qu'il fuira sur l'océan mais à laquelle il restera passionnément attaché, comme à la petite maison de Rochefort. C'est toute la poésie des départs, de l'éloignement dans l'espace et dans le temps que ressuscitevla phrase sensible et frémissante de l'écrivain. Levsouvenir et la mélancolie sont les deux sources de l'art impressionniste de Pierre Loti.Le Roman d'un enfant est suivi de Prime jeunesse, qui commence quand Loti a seize ans et se termine au moment de son embarquement.
« Au terme d'un siècle qui n'en finissait pas de finir un certain Julien Viaud qui allait devenir Pierre Loti ressentit le besoin violent d'immensités, de respirations profondes, de mondes merveilleux, de voluptés exotiques. De ses pérégrinations naquirent ces huit romans, parmi les plus célèbres, qui entraînent au loin, vers la Turquie, l'Orient, Tahiti, le Japon, mais aussi le Sénégal, la Bretagne la plus rude, le Pays Basque...
Loti redoutait par-dessus tout le temps à venir «où la terre sera bien ennuyeuse à habiter quand on l'aura rendue pareille d'un bout à l'autre, et qu'on ne pourra même plus essayer de voyager pour se distraire un peu.» » Claude Gagnière ;
Matelot (1893) complète la trilogie des romans de la mer, après Mon frère Yves et Pêcheur d'Islande. Jean Berny, ayant échoué à Navale, s'engage comme simple matelot dans la marine marchande. La suite est d'une tragique simplicité : une existence très dure, des amours sans lendemain, le renoncement à devenir officier, et finalement la maladie dans les marais d'Extrême-Orient, d'où le héros est ramené agonisant, comme Rimbaud à la même époque.
Ce troisième roman de la mer est moins connu que les deux autres. C'est injuste. Loti y a mis, de même, une part de son existence maritime et amoureuse, et y poursuit sa quête autobiographique, ses fantasmes, ses angoisses, sa maison natale, sa mère. S'y ajoute, pour une fois, la religion, «mythe adorable». Comme l'écrit un critique : «Il nous parle de la mer et des marins comme seul un marin doublé d'un romancier pouvait nous en parler.»
Sous le soleil aveuglant d'Alger la blanche, Kadidja et ses deux filles vivent dans la Kasbah où elles vendent leurs charmes. Les jeunes matelots français en escale découvrent avec elles les plaisirs de l'Orient, mais aussi ses dangers... Homme de lettres, officier de marine et grand voyageur, Pierre Loti, dans une prose limpide, nous offre un tableau sensuel et cruel de l'Algérie française.
Dixième livre de Pierre Loti, Au Maroc est son premier récit de voyage. Il ne s'agit pas d'un reportage d'actualité, encore moins d'un guide sur le Maroc de 1889, avec ses caractéristiques et ses enjeux. Au contraire, est présentée ici une vision personnelle et esthétique d'un Maroc historique avec son passé séculaire. La modernisation du pays n'est pas dans ses préoccupations. Loti s'attache à décrire un Maroc le plus traditionnel possible, comme s'il avait épousé les coutumes de ce peuple à Fez. Livre chargé de couleurs et empreint d'exotisme, Au Maroc est aussi un voyage dans le temps à la fois collectif et personnel. À l'instar de nombreux livres de Loti, cette oeuvre a d'abord été publiée en feuilleton dans la presse, puis reprise en volume.
«L'hiver est la saison où les chats deviennent plus particulièrement des hôtes du foyer, des compagnons de tous les instants au coin du feu, partageant avec nous, devant les flammes qui dansent, les vagues mélancolies des crépuscules et les insondables rêves.» Moumoute Blanche et Moumoute Chinoise sont les deux chattes de Pierre Loti. À Rochefort, où il vit avec sa mère et sa tante, elles passent, discrètes, de pièce en pièce. Mais que pensent-elles vraiment de cet écrivain fantasque qui est aussi leur maître? Elles seules peut-être connaissent les secrets de son âme...
Écrivain et grand voyageur, Pierre Loti (1850-1923) fait le portrait de ses animaux favoris.
Pierre Loti, n'est plus à présenter. Toutefois ce livre, parmi les moins connus de l'auteur, présente une Inde de la fin du XIXe et tout début XXe d'une manière à la fois nostaligique et moderne. Son oeuvre réunit recueils, romans exotiques, études sur les civilisations de l'Orient et de l'Extrême-Orient, récits de voyages et mémoires.
L'Inde sans les Anglais a pour cadre l'Inde du Sud au Nord. Loti réussit l'exploit, en pleine colonisation britannique, de faire une abstraction totale des occupants. Il décrit l'Inde, une Inde qui existe toujours aujourd'hui dès que l'on dépasse les clichés de la croissance et de la mondialisation. Paradoxe immuable de ce continent si mystérieux.
Le 1er août 1876, le lieutenant Julien Viaud, vingt-six ans, mouille pour la première fois en Turquie, à Constantinople (Istanbul ou Stamboul, comme on disait parfois). Il y demeurera jusqu'au 17 mars 1877. Un épisode majeur dans la destinée de celui qui deviendra Pierre Loti, et pour son oeuvre à venir. Dès ce premier séjour, en effet, il vit une grande passion avec une jeune fille turque, Aziyadé, à laquelle il restera toujours attaché. Mais, par-delà l'aventure sentimentale, Loti découvre un pays qui va le marquer profondément : sa « patrie turque », où il va retourner sept fois jusqu'en 1913 et dont, surtout, il va se faire, durant toute sa vie, le chantre, le héraut, le défenseur passionné en toutes circonstances. La Turquie a inspiré à Pierre Loti pas moins de sept ouvrages. Aziyadé (1879), Fantôme d'Orient (1892), Constantinople en 1890 (1893), Les désenchantées (1906), Turquie agonisante (1913), La Mort de notre chère France en Orient (1920), et Suprêmes visions d'Orient (1921) qui est le dernier livre paru de son vivant (trois recueils composés d'extraits du monumental journal intime qu'il tint de 1866 à 1918). Le tout destiné à étayer son principal projet : défendre sa « chère » Turquie contre tous ses ennemis, Anglais, Grecs, Kurdes, Bulgares, Levantins, Arméniens.
Nous avons souhaité livrer ici au lecteur d'aujourd'hui l'essentiel de « l'oeuvre turque » de Loti, très difficilement accessible à l'exception de ses romans. C'est-à-dire une large anthologie de textes significatifs, choisis dans Fantôme d'Orient, Turquie agonisante, La Mort de notre chère France en Orient et Suprêmes visions d'Orient, ainsi que l'intégralité de Constantinople en 1890. Les livres sont présentés dans l'ordre chronologique de leur publication, tels que Loti seul, puis assisté de son fils Samuel Viaud, les a organisés.
Pierre Loti reste un des modèles les plus accomplis de l'écrivain-voyageur. Marin autant que romancier, il sillonna sans relâche ses continents favoris, curieux de l'identité de chaque peuple, avec une fascination particulière pour les mondes en train de disparaître.
Ces récits de voyages peuvent être lus comme les « Essais » d'une vie, au sens à la fois intime et universel que Montaigne donnait à ce mot. Chacun de ces fragments autobiographiques met en scène l'initiation du voyageur au pays qu'il traverse, à ses paysages, son histoire et ses moeurs.
Loti se situe dans la lignée des grands écrivains qui, de Chateaubriand à Lamartine ou Gautier, ont parcouru le Maghreb et le Proche-Orient. Mais il se singularise par le fait d'avoir été l'un des premiers à évoquer l'île de Pâques et Angkor, tandis que la Chine, et Pékin en particulier, lui inspira des récits d'une justesse et d'une virtuosité incomparables.
Le lecteur d'aujourd'hui éprouvera en lisant ces écrits d'un navigateur d'autrefois tout le charme des univers révolus et sans doute aussi la nostalgie d'une certaine façon de voyager. Un art qui chez Loti, « coureur des mers, coureur des rêves », consistait, en partant vers tous les horizons, à partir avant tout à la recherche de lui-même.
Ce volume contient : L'Île de Pâques - Une relâche de trois heures - Mahé des Indes - Obock - Japoneries d'automne - Au Maroc - Constantinople en 1890 - Le Désert - Jérusalem - La Galilée - L'Inde (sans les Anglais) - Les Pagodes d'or - En passant à Mascate - Vers Ispahan - Les Derniers Jours de Pékin - Un pèlerin d'Angkor - La Mort de Philæ - Suprêmes Visions d'Orient.
Auteur prolixe, Pierre Loti, au fil de ses nombreux voyages, a tenu scrupuleusement son journal, qui lui fournissait la matière indispensable à la rédaction de ses grands romans. Il a aussi inondé les grands journaux de son temps d'articles, reportages, prises de position, discours, voire philippiques enflammées, innombrables.
Pour notre intégrale des Voyages de Loti, six volumes parus depuis 2012, demeurait toute une matière, textes courts, récits brefs, rapides escales où cependant, avec son oeil kaléidoscopique, Loti voit tout, comprend tout et le raconte avec son génie coutumier. Il eût été dommage d'en priver le lecteur. Voici donc une collection de ces « choses vues », comme disait Loti, de ses « impressions de voyages ». Accompagnons-le au Monténégro, à Obock, aux États-Unis, à Séoul, à Mascate, entre autres, avec la même ferveur.
?Après Fès, Le Rajasthan, Angkor, Île de Pâques et Hué, un sixième titre de Pierre Loti, l'un des plus grands écrivains-voyageurs français, vient compléter la collection « Heureux qui comme... » ? Un regard sensible et singulier, sur une ville singulière et menacée, par un auteur qui ne se lasse jamais d'observer et de décrire, du détail d'un objet au regard panoramique. ? Cette escapade coréenne est une parenthèse asiatique dans l'Asie sino-japonaise de Loti ; elle introduit comme « une manière d'ailleurs de l'ailleurs, de lointain au-delà du lointain ; comme une forme d'exotisme au sein de l'exotisme extrême-oriental. » Les journées passées à Séoul sont d'abord publiées sous la forme de deux articles : « À Séoul. I - Dans la rue », paru dans Le Figaro du 10 mai 1903 ; puis, dans Le Figaro du 1er juin 1903, « À Séoul. II - À la Cour ». Le chapeau en tête du premier annonce l'exclusivité des « belles pages qu'on va lire, l'attachante vision, à la fois pittoresque, pleine de couleurs et de vie de ce coin d'Extrême-Orient ». Avec de très rares retouches et titré « À Séoul : dans la rue, à la Cour », ce reportage a formé le chapitre XL du récit-roman hybride La Troisième Jeunesse de Madame Prune, paru deux ans plus tard (Calmann-Lévy, 12 avril 1905). Bref et peu connu, il prend une place méritée aux côtés des témoignages documentés de visiteurs plus savants venus la même année en Corée, entre le classique Pauvre et douce Corée de Georges Ducrocq et les lignes ethnographiques d'un Louis Marin.
Extrait : « À la splendeur de juin, qui est là-bas rayonnante et limpide plus encore que chez nous, je me souviens de m'être posé pour quelques jours dans une maisonnette, à Séoul, devant le palais de l'empereur de Corée, juste en face de la grande porte. Dès l'aube - naturellement très hâtive à cette saison, - des sonneries de trompettes me réveillaient, et c'était la relève matinale de la garde : une longue parade militaire, où figuraient chaque fois un millier d'hommes. Les autres bruits de Séoul commençaient ensuite, dominés par le hennissement continuel des chevaux, - de ces petits chevaux coréens, ébouriffés et toujours en colère, qui se battent et qui mordent. »