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L'Herne
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Le judaïsme n'est pas une question de sang
Romain Gary
- L'Herne
- Carnets L'herne
- 7 Février 2008
- 9782851978615
" - D'abord il est incontestable que par ma mère, j'ai la sensibilité juive. Cela se sent dans mes livres et en les relisant, je la retrouve moi-même. Mais je serais un raciste si je disais que je suis lié aux juifs par les liens de race et de sang. Ce n'est pas ce que je sens. Je suis lié à eux d'une manière beaucoup plus définitive par le sens même de mon oeuvre ; l'humour de mes livres est un humour typiquement juif, celui-là même qui a inspiré les frères Marx, Chaplin et d'autres ; un humour en partie slave aussi, mais ici je ne parle pas d'Israël, je parle de la culture yiddish. - Et puis il y a ce que les juifs ont représenté pour moi pendant une très grande période de ma vie, le cas extrême de l'homme. La phrase n'est pas de moi, elle est de Koestler. En effet, les juifs sont dans une situation extrême à tous les points de vue et l'ont toujours été dans l'histoire à cause des persécutions. Et dans cette mesure je ne peux que leur être attaché puisque toute mon oeuvre est la recherche de l'humain fondamental, de l'humain essentiel. "
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"Personne ne se rappelle aujourd'hui qui a lancé l'expression "nouvelle vague", lorsqu'une poignée de jeunes cinéastes de moins de trente ans a fait brusquement irruption sur les écrans français. [...] Mais le nom est resté et la vague a continué de déferler.
Le plus intéressant chez ces nouveaux venus, ce n'était pas qu'ils apportaient une nouvelle manière d'aborder l'art cinématographique, ce qu'ils n'ont d'ailleurs nullement fait, à l'exception, peut-être, de Jean-Luc Godard. Les "400 coups" de François Truffaut étaient réalisés de façon tout à fait classique, de même que son excellent "Jules et Jim", qui ne différait guère de la vision d'un Renoir ; quand à "Tirez sur le pianiste", on y retrouvait beaucoup de petites touches à la René Clair, mais en moins réussies. Les images du film d'Alain Resnais, "L'Année dernière à Marienbad", faisaient constamment penser aux réclames qui sévissaient dans "Vogue" voici cinq ou six ans, quand les photographes proposaient des clichés de ravissantes créatures, prenant des poses affligées et statuesques sur fond de mystérieux châteaux en ruines ou autres vestiges. Chacun sait que dans tous les domaines où l'art déploie ses ailes, le sentiment de "nouveauté" est souvent dû à un retour vers une forme oubliée ou négligée. L'originalité peut tenir soit de la découverte, soit d'une bienheureuse ignorance."
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" Il ne suffirait évidemment pas de mettre les femmes à la place des hommes pour qu'il y ait un monde nouveau. Et il faut dire que la plupart des femmes agissantes qui lancent de tels mots d'ordre ont déjà été elles-mêmes mutilées, déformées, façonnées par les hommes à leur image, elles ont souvent été réduites à l'état d'hommes par les conditions mêmes de la lutte qu'elles mènent. Le " machismo " en jupon n'est pas plus intéressant que l'autre. Il est seulement plus excusable. La femme a été la grande victime de l'homme (...). La formule femme égale de l'homme ne saurait suffire. Il s'agit de tout autre chose : il s'agit de changer l'homme. S'il y avait le moindre respect de la féminité, la sexualité aurait été depuis longtemps reconnue comme un partage et un échange, sans " prise " et sans " preneur " ; sans " séduction " et sans " conquête ". " Romain Gary.
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" Ainsi, lorsqu'on dit de moi : "C'est une forte personnalité", cela m'étonne : des personnalités, j'en ai vingt et je ne vois pas comment un conflit constant entre elles peut donner une seule forte personnalité. Je crois d'ailleurs que c'est un peu la condition même du romancier : la création artistique naît de ce que l'homme n'est pas, de ce qu'est la réalité. [...] Ainsi, je considère l'artiste, le romancier, comme une sorte d'agent provocateur. L'art est ennemi naturel de tout "ordre des choses". Il faut que l'art continue à être un scandale, dans un monde où l'on crève de faim, d'ignorance, d'hébétude et d'abandon. [...] Il y a en moi un fond de croyance messianique, dû peut-être à mes origines juives. Je crois que l'avenir est ouvert à l'homme, qu'il peut évoluer infiniment grâce aux découvertes scientifiques, à moins qu'il ne les utilise pour sa propre annihilation. "
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« - Vous êtes marié vous ? » Je sortis de mon portefeuille la photo d'une ravissante femme, au visage jeune sous des cheveux blancs, et je la lui montrai.
J'étais tombé amoureux de ce visage plus de cinq ans auparavant et je l'avais découpé dans un magazine. Une réclame pour un frigidaire. J'avais toujours cette photo avec moi. C'était la liaison la plus réussie que j'avais jamais eue avec une femme de ma vie entière.
« - Elle a l'air très belle, me dit la fille. Vous devez être drôlement heureux. Vous avez des enfants ?
- J'ai une fille, qui est mariée à un éleveur de moutons en Australie. Quand on n'a pas de fille, rien ne nous empêche de la marier à un éleveur de moutons en Australie. » Romain Gary
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« - Vous êtes marié vous ? » Je sortis de mon portefeuille la photo d'une ravissante femme, au visage jeune sous des cheveux blancs, et je la lui montrai.
J'étais tombé amoureux de ce visage plus de cinq ans auparavant et je l'avais découpé dans un magazine. Une réclame pour un frigidaire. J'avais toujours cette photo avec moi. C'était la liaison la plus réussie que j'avais jamais eue avec une femme de ma vie entière.
« - Elle a l'air très belle, me dit la fille. Vous devez être drôlement heureux. Vous avez des enfants ?
- J'ai une fille, qui est mariée à un éleveur de moutons en Australie. Quand on n'a pas de fille, rien ne nous empêche de la marier à un éleveur de moutons en Australie.
A bout de souffle (The Jaded I) Avant propos d'Eric Neuhoff Ce recueil réunit des nouvelles écrites entre 1935 et 1967 depuis introuvables car éparpillées dans diverses revues aujourd'hui disparues. "L'Orage" (1935), "Une petite femme" (1935), Géographie humaine" (1943), "Sergent Gnama" (1946), "Dix ans après ou la plus vieille histoire du monde" (1967) ; ainsi que "Le Grec" et "A bout de souffle" - 1970 - restées à ce jour inédites. Cest textes contiennent déjà en germe l'obsession de Romain Gary pour les thèmes du dédoublement, de la fuite et du suicide qui poursuivront l'écrivain jusqu'à la fin de sa vie.
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« "On parle volontiers chez vous d'Anglo-Saxons à propos de nous autres Américains. Pouvez-vous me dire ce qu'on entend exactement en France par Anglo-Saxons lorsqu'on évoque les Etats-Unis ?" Nous sommes dans la salle à manger de la Maison-Blanche. Le repas vient à peine de commencer. La conversation aussi. Nous n'avons même pas eu le temps de "bavarder", je dis bien "bavarder" : Kennedy vous interroge plus qu'il ne vous parle. Ce cerveau admirablement équipé et d'une rapidité extrême - il mettait deux fois moins de temps à lire un texte qu'aucun de ses collaborateurs - semble avoir le goût de l'information, des faits précis, du renseignement de bonne source qui exclut parfois toute transition dans les entretiens et vous donne un peu l'impression d'être devant un examinateur. Cette façon de vous demander carrément, directement, et parfois même un peu brutalement, ce qui l'intéresse, est le seul privilège qu'il s'accorde dans ses rapports avec vous en tant que Président de la plus puissante république du monde. » R. G.
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« Oui, Monsieur. C'était une toute petite femme. Blonde, frêle, maquillée, elle se promenait dans la brousse en fumant des cigarettes américaines et , au début, nul au monde ne l'aurait empêchée de changer de robe deux fois par jour. [...] Et c'est ainsi que la petite femme nous arriva avec un nombre prodigieux de malles et un pékinois. Car elle avait emporté son pékinois avec elle ! ».
Romain Gary
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« Il ne restait jamais sur la même île plus d'un mois ou deux, juste le temps de se familiariser avec l'endroit, sans laisser aux gens du coin le temps de trop bien le connaître. Toutes les fois qu'un imbécile lui demandait "Tu fais quoi dans la vie, le môme ?", il savait qu'il était temps de déguerpir, et sans traîner. C'est une drôle de question, d'ailleurs, tu fais quoi dans la vie ? Vous l'a-t-on déjà posée ? C'est une question qui vous donne la réelle impression que le seul fait de vivre ne suffit pas ; elle met la vie en minorité, si l'on peut dire, elle la relègue au deuxième rang, comme si ce n'était pas assez d'être vivant, comme s'il fallait encore pater un tribut. » Romain Gary
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Recueil de quatre textes extraits du Cahier de l'Herne consacré à Romain Gary et constitué de portraits et considérations sur la littérature anglo-saxonne. Les vrais esclavagistes du Sud, Les voilà, Ils bouffent leur société avec appétit et Norman Mailer ou Le mythe américain de la virilité témoignent du regard porté par l'auteur sur la société américaine.
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"Oui, Monsieur. C'était une toute petite femme. Blonde, frêle, maquillée, elle promenait dans la brousse en fumant des cigarettes américaines et, au début, nul au monde ne l'aurait empêchée de changer de robe deux fois par jour. [...] Et c'est ainsi que la petite femme nous arriva avec un nombre prodigieux de malles et un pékinois. Car elle avait emporté son pékinois avec elle !"