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Felin
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Singulière philosophie ; essai sur Kierkegaard
Vincent Delecroix
- Félin
- Les Marches Du Temps
- 19 Octobre 2006
- 9782866456276
La place généralement attribuée à Kierkegaard dans l'histoire de la philosophie témoigne toujours d'un certain embarras.
Lui qui, ironiquement, prétendait avoir, au moment même où il écrivait, une place déjà réservée dans la grande nécropole des philosophies disparues, il n'a cessé d'importuner ceux qui ont voulu l'enterrer. Qu'était-il ? Philosophe anti-hégélien, incarnant la réaction de la subjectivité concrète contre le système abstrait de la métaphysique à son achèvement ? Père de l'existentialisme ? Chrétien torturé ? Ironiste et " penseur privé " ? Polémiste ? " Poète du religieux " ? Simplement écrivain ? Cet essai voudrait montrer que cette incertitude tient au fait que Kierkegaard ne construit pas seulement des catégories philosophiques qui vont marquer l'histoire de la philosophie au XXe siècle, de Heidegger à Gadamer ou Wittgenstein, mais qu'il invente surtout une nouvelle manière de philosopher.
Car la " pensée existentielle ", une philosophie qui veut penser le fait même de l'existence dans ce qu'il a d'irréductible au Concept, nécessite un autre discours- une autre façon de parler, de bâtir des concepts, mais aussi de s'adresser au lecteur et de se faire comprendre de lui. Et pour remplir cette exigence, la littérature peut venir au secours de la philosophie : elle construit des fictions et installe un philosophe en première personne dans un discours jusqu'alors funestement voué à l'impersonnalité, elle se donne un lecteur singulier et des jeux complexes de représentation qui doivent indiquer ce qui échappe généralement à l'objectivité du discours.
Il faut alors moins examiner le contenu de cette philosophie que la forme qui en rend possible la production, cette singulière façon de philosopher, cette manière de philosopher au singulier et pour le singulier- la réinvention de l'acte de philosopher et d'écrire.
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Ce n'est point ici le pays de la vérité ; introduction à la philosophie de la religion
Vincent Delecroix
- Félin
- Les Marches Du Temps
- 24 Septembre 2015
- 9782866458270
La philosophie de la religion n'est pas une discipline parmi d'autres. Sa courte histoire d'à peine trois siècles témoigne des états de la raison moderne et plus généralement de la modernité elle-même, si celle-ci peut se définir par les relations de la pensée à ses enracinements religieux, par les rapports de la raison à la croyance et à l'institution religieuse. Produit des Lumières, mais tout autant première réaction inquiète, romantique ou rétrograde, au projet d'une émancipation radicale par rapport au religieux dont les Lumières semblaient l'achèvement, la philosophie de la religion a représenté le lieu essentiel où la raison moderne est venue se réfléchir, réfléchir son histoire et son opération, ce que la pensée occidentale avait fait de son lien à la religion, ce qu'elle allait ou devait en faire.
C'est dire que sa démarche ne procédait pas simplement d'une curiosité intellectuelle à l'égard d'un objet parmi d'autres, fût-il l'objet "suprême" : son enjeu était rien moins que la nature de la modernité elle-même. Elle y traduisait les exigences de la raison occidentale, peut-être son besoin ; elle décidait d'une solution qui lui donne une assise ; elle en montrait le visage, dans ses dimensions épistémologiques, métaphysiques, morales, politiques.
Cet enracinement dans les besoins de l'époque, les intérêts premiers de la raison, dans la nécessité aussi d'interpréter ce qui arrive à la modernité occidentale dans son rapport à la religion, continue d'en légitimer, aujourd'hui plus que jamais, l'exercice : c'est sa raison d'être. Or le noeud de cette intrigue, le centre polémique de ces rapports entre raison et religions que veut clarifier et traiter la philosophie de la religion, c'est la question de la vérité.
Comme si son exercice était en définitive le prolongement technique et surtout le renouvellement de la question qu'un procurateur romain posait à un individu qui se proclamait lui-même la vérité : "Qu'est-ce que la vérité ?" Cette question interroge la religion en deux sens : elle interroge pour savoir si la religion est vraie mais aussi pour savoir ce qu'est le vrai selon elle qui en fait également sa valeur suprême.
Mais ce faisant, c'est bien la raison philosophique qui se pose à elle-même cette question : Qu'est-ce que la vérité pour toi, c'est-à-dire pour nous ? Pour se poser une telle question, et la poser de manière si décisive à la religion, il faut qu'elle ait gardé un peu de son intérêt. Or cette question nous intéresse-t-elle encore ? Dans notre modernité tardive que certains nomment postmoderne, tenons-nous encore à la vérité ? C'est cette question qui est au centre de la philosophie de la religion.