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Quarto
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Trois portraits : Philip K. Dick, Édouard Limonov, saint Luc. Un écrivain de science-fiction, devenu fou pour comprendre la folie du monde. Un aventurier russe, errant dans les décombres du communisme. Un médecin grec, auteur d'un des quatre récits appelés Évangiles, par quoi nous connaissons le personnage le plus mystérieux de l'Histoire, Jésus de Nazareth. Trois façons d'illustrer la formule d'un célèbre psychanalyste : «Le réel, c'est quand on se cogne.»
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Récits, contes, nouvelles, fables : Italo Calvino, narrateur hors pair, a rédigé entre 1943 et 1985 des centaines d'histoires qui ont convergé dans des recueils que l'écrivain, sa vie durant, s'est employé à recomposer pour en modifier le sens, exerçant à ce jeu combinatoire une inventivité savante et gracieuse.
La présente édition propose un large choix de ces textes, réunis selon une progression chronologique qui met en évidence leurs liens thématiques autant que formels - des vignettes comiques à l'accent absurde de la prime jeunesse de l'auteur aux contemplations méditatives de ses dernières années, en passant par ses efforts pour dire l'expérience de la guerre, se faire l'observateur d'un contexte politique et culturel, cerner le silence au coeur des rapports humains.
Si l'édition prend pour point de départ l'ultime mouture des recueils établis par Calvino, elle restitue également la constellation de récits épars qui les entourent et dont la plupart sont restés inédits en français : pépites écrites en amont ou en aval. recueillies en volume à titre posthume uniquement.
Les qualités - légèreté, rapidité, exactitude, visibilité, multiplicité et cohérence - qui constituent les titres des fameuses Leçons américaines (1988) éclatent partout dans les récits ainsi rassemblés, témoignages de la confiance de l'écrivain, tenace, sans cesse renouvelée, en son art comme un moyen de connaissance : « Tu ne crois plus en la littérature ? Eh bien moi c'est la chose en laquelle je crois encore le plus. » (Lettre du 15 juin 1967.)
S'appuyant sur les multiples publications qu'a suscitées le centenaire de l'auteur en 2023, les présentations de Martin Rueff qui accompagnent le lecteur de ce « Quarto » offrent une vision innovante et saisissante d'une vie et d'une oeuvre exceptionnelles. -
Maître de l'anticipation, explorateur inlassable des «mondes connus et inconnus», Jules Verne (1838-1905) apparaît comme un incontestable classique. Promoteur d'un roman de la science et de la découverte à travers l'exploration de territoires physiques autant que symboliques - des tréfonds de la terre jusqu'à l'immensité du ciel et de l'espace-, il reste ancré dans une époque résolument tournée vers les conquêtes et les colonisations de toutes sortes. Créateur de fictions et de fables inouïes, il s'appuie sur une soif d'invention, une frénésie de voyages commune à tous ses contemporains.
Pourtant, Verne sait s'affranchir des bornes imposées par un siècle dominé par la passion du confort et du profit. Le futurama vernien inventorie la galerie des merveilles à venir, mais dépeint aussi une humanité profondément dépendante des machines. Ainsi, l'auteur identifie-t-il très tôt les bénéfices comme les faillites possibles de cet imaginaire de l'innovation scientifique et technique. Car, au mouvement qui entraîne les hommes dans un monde moderne rêvé et fantasmé, s'oppose un revers interrogeant, sur le versant des valeurs collectives, morales et sociales, la finalité des enjeux liés aux prodiges de l'invention scientifique.
Si Paris au XXe siècle livre une vision d'une civilisation urbaine admirable par sa technologie, cette société dénote par sa déculturation et sa brutalité. C'est donc contre la puissance de destruction inhérente au progrès que l'écrivain met en garde, et sur le dévoiement de la science et de l'industrie à des fins bellicistes qu'il alerte. S'ajoutent les doutes portés sur la figure du savant, de l'«homme ingénieux toujours plein d'imaginative» (Edgar Poe), illuminé ou dévoyé, dont la folie n'est atténuée ici que par des ressorts burlesques déployés tout au long des fictions retenues.
Un classique très contemporain à découvrir dans un volume enrichi des illustrations originales et de nombreux documents retrouvés dans les archives personnelles de l'écrivain. -
Comment un écrivain cantonné à l'image du héros rabelaisien, dont les premiers protagonistes sont les chantres de la virilité, s'autorise-t-il à incarner une voix de femme dans la fiction ? Comment s'y prend-il ? C'est là que réside tout l'enjeu de cette édition «Quarto» consacrée à Jim Harrison (1937-2016).
Romancier au large succès depuis Légendes d'automne (1979), Harrison opère avec Dalva (1988) un virage à 180 degrés et, à travers la voix d'une narratrice audacieuse et indépendante, il trouve la sienne. Le personnage devient un double de l'auteur, une incarnation de l'écrivain métamorphosé en femme. «Ma capacité à écrire en tant que femme, confesse-t-il, m'a sauvé de la mort par excès de drogues et d'alcool, car dans notre culture la virilité peut vous acculer dans un recoin où la seule chose qui reste à faire consiste à bouffer des animaux tués sur la route et à mordre la lune.» Question de survie, donc. Cette idée de métamorphose - de réincarnation - possible, rêvée, désirée, assumée n'est pas sans lien avec la culture amérindienne dont il se sent proche. Sa jumelle fantomatique - sa part féminine, secrète, dont tout un chacun dispose, étouffée dès la naissance par le poids des conventions - et sa soeur Judith tragiquement disparue se réinventent en Dalva, qui porte en elle la force, la puissance, la rage et la liberté de ces deux présences invisibles. D'autres personnages suivront, comme celui de Claire (La Femme aux lucioles), offrant une variation sur le thème de la femme puissante et autonome, conquérant sa liberté au prix fort. Ces «voix de femmes» qu'on découvre à travers le choix de textes ici retenus (connus ou inédits) constituent un point de bascule majeur dans l'oeuvre si abondante de Jim Harrison, mais aussi un exploit : l'écrivain renonce aux postures et aux clichés de la virilité pour retrouver et accueillir en lui une féminité dérobée, inventer une écriture qu'il qualifi e lui-même d'«androgyne». En s'ouvrant à une dimension inédite, son écriture elle-même se transforme, adoptant une fluidité nouvelle, une pratique de l'association libre résumée par deux formules lapidaires chères à l'auteur : «Dieu est une femme» et «Écris sans effort». La narration harrisonienne figure désormais une expérience intérieure, le cheminement tantôt douloureux, tantôt comique, voire burlesque, de personnages instables, en devenir, en métamorphose. -
Mémoires d'outre-tombe Tome 1
François-René de Chateaubriand
- Gallimard
- Quarto
- 14 Novembre 1997
- 9782070748433
«Moi, bonheur ou fortune, après avoir campé sous la hutte de l'Iroquois et sous la tente de l'Arabe, après avoir revêtu la casaque du sauvage et le cafetan du mamelouk, je me suis assis à la table des rois pour retomber dans l'indigence. Je me suis mêlé de paix et de guerre ; j'ai signé des traités et des protocoles ; j'ai assisté à des sièges, des congrès et des conclaves ; à la réédification et à la démolition des trônes ; j'ai fait de l'histoire, et je la pouvais écrire : et ma vie solitaire et silencieuse marchait au travers du tumulte et du bruit, avec les filles de mon imagination, Atala, Amélie, Blanca, Velléda, sans parler de ce que je pourrais appeler les réalités de mes jours, si elles n'avaient elles-mêmes la séduction des chimères. [...] Je me suis rencontré entre deux siècles comme au confluent de deux fleuves ; j'ai plongé dans leurs eaux troublées, m'éloignant à regret du vieux rivage où je suis né, nageant avec espérance vers une rive inconnue.» Chateaubriand, 1837.
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«Écrire n'est pas pour moi un substitut de l'amour, mais quelque chose de plus que l'amour ou que la vie.»
15 janvier 1963
«Cette sensation terrible, toujours, d'être à la recherche de l'écriture inconnue, comme cela m'arrive de désirer une nourriture inconnue. Et je vois le temps passer, nécessité d'écrire contre le temps, la vieillesse.»
3 août 1990
«Écrire la vie. Non pas ma vie, ni sa vie, ni même une vie. La vie, avec ses contenus qui sont les mêmes pour tous mais que l'on éprouve de façon individuelle:le corps, l'éducation, l'appartenance et la condition sexuelles, la trajectoire sociale, l'existence des autres, la maladie, le deuil. Je n'ai pas cherché à m'écrire, à faire oeuvre de ma vie:je me suis servie d'elle, des événements, généralement ordinaires, qui l'ont traversée, des situations et des sentiments qu'il m'a été donné de connaître, comme d'une matière à explorer pour saisir et mettre au jour quelque chose de l'ordre d'une vérité sensible.»
juillet 2011 -
Fragments d'un tout : Oeuvres choisies
Ludmila Oulitskaïa
- Gallimard
- Quarto
- 10 Avril 2025
- 9782073084309
Née en 1943, Ludmila Oulitskaïa, figure de proue de la littérature russe contemporaine, en embrassant tous les genres littéraires, compose un tableau de la Russie marquée par les tragédies du XXe siècle. Son écriture concise révèle les dimensions cachées de chaque destin - en particulier celui des femmes -, les émotions éprouvées, sonde les âmes autant que les corps. D'une justesse saisissante, elle déploie des images visuelles, poétiques, des situations cocasses ou tragi-comiques, pour rendre compte des relations entre les personnages, en lutte pour leur survie et leur liberté... Avec finesse et une touche d'humour noir, Ludmila Oulitskaïa dépeint les visages trop humains du totalitarisme, du nationalisme ou de l'antisémitisme.
Grâce à des documents «sauvés» d'un exil forcé et un choix d'oeuvres de son mari, l'artiste Andreï Krassouline, cette édition retrace l'itinéraire d'une autrice exceptionnelle, convoquant ses modèles, rappelant son attachement au passé qui lui procure force et sens moral, son entrée en littérature, les épreuves qui nourrissent son écriture, véritable pont tendu entre sa vie et son oeuvre. -
Paris des jours et des nuits : Romans
Patrick Modiano
- Gallimard
- Quarto
- 26 Septembre 2024
- 9782072948749
Son art de la déambulation, depuis son adolescence, a permis à Patrick Modiano de nouer une relation fusionnelle avec Paris. Lui seul sait en explorer le passé, l'atmosphère et les détails d'époques révolues. Plus qu'une toile de fond à ses romans, sa passion quasi obsessionnelle pour les lieux, les rues, les annuaires, les quartiers, l'a poussé à faire de la capitale un personnage omniprésent, un élément central de son identité littéraire. Sans chercher à tout prix à livrer un Paris vrai, véritable, conforme à ce qu'il a été, il écrit un Paris rêvé, dont les traces évanescentes ne subsistent que dans sa mémoire. Des photographies placées en tête du volume, accompagnées des mots de l'écrivain, émergent une topographie personnelle, une géographie intime des lieux parisiens calquées sur les souvenirs qu'il s'en est faits entre 1953 et 1972. De son premier roman, La Place de l'Étoile (1968) jusqu'à La Danseuse (2023), aux confins de la réalité vécue, remémorée et distordue, et du rêve, du matériel et de l'immatériel, du palpable et de l'insaisissable, le chemin emprunté par l'auteur révèle à quel point autobiographie et géographie réinventées nourrissent aujourd'hui encore son écriture, même après l'effacement des lieux. Aux neuf romans retenus pour la présente édition, parus entre 1982 et 2019, s'ajoute un récit inédit, Brassaï de la nuit. Dans un dialogue établi entre texte et images, vision doublement sublimée de Paris, Patrick Modiano revient sur le travail du photographe d'origine hongroise, ce «poète qui transmettrait très loin dans le temps les visages [des mauvais garçons] et les lumières noires et blanches de Paris». Derrière les tableaux brossés par le Prix Nobel de littérature 2014, demeurent à jamais le Paris de sa jeunesse et ses territoires fantomatiques.
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Ray Bradbury (1920-2012) compte, au même rang que Philip K. Dick, parmi les grands maîtres de l'anticipation, qui ont donné au genre de la science-fiction ses lettres de noblesse. Son oeuvre vaste (plus de cinq cents nouvelles, vingt-sept romans, théâtre, poésie, scénarios et adaptations), initiée dès l'âge de douze ans, se nourrit de lectures éclectiques à la bibliothèque municipale de Waukegan (Illinois). Une révélation au même âge : l'écriture pourvoira à son immortalité ! Écrivain de profession à vingt-deux ans, Bradbury connaît tôt le succès : les Chroniques martiennes (1950), puis Fahrenheit 451 (1953) lui confèrent rapidement un statut de romancier et de scénariste reconnu à l'échelle mondiale. Futuriste de premier plan, il n'en explore pas moins la culture et la société de son époque, dont il dresse une critique cinglante : Chroniques martiennes n'évoque-t-il pas la colonisation et le racisme, Fahrenheit 451 l'aliénation des populations par les médias ? Son talent pour la fiction courte, son imagination fantaisiste, sa prose poétique et son appréhension fine du caractère humain, ses histoires «parfait mélange de terreur et d'euphorie», lui ont valu les éloges de la critique, du public et une postérité au-delà de l'oeuvre littéraire.
Les textes publiés entre 1950 et 2001, ici réunis, explorent les thèmes de prédilection de l'auteur - magie de l'enfance, mort, défense de l'individu ou dérives de la science. C'est tout l'art de Bradbury qui est embrassé, ancré dans un futur improbable ou un passé nostalgique avec pour point d'orgue sa définition du monde, sa conception de mondes autres. -
Simone Weil laisse le souvenir d'une figure étrange, surhumaine par certains aspects, qui attire et repousse en même temps. On lui reconnaît une puissance intellectuelle exceptionnelle, une force morale digne des héros, un courage et un esprit de résistance hors pair, mais une intransigeance dans l'existence qui fait peur et qui s'accompagne d'une lucidité souvent prophétique.
De son vivant, comme aujourd'hui, elle dérange, irrite, scandalise, tout en suscitant l'attachement le plus vif. Plus de cinquante ans après sa disparition, on est enfin en mesure d'embrasser la totalité d'une vie et d'une oeuvre foisonnante, et d'en dégager la cohérence dans toute sa force. Le but de ce volume est de faire tenir ensemble la militante, la philosophe et la mystique, car tout est solidaire dans cette pensée aux vues puissamment convergentes. Enfin, une série de témoignages sur Simone Weil, la réception de son oeuvre (Blanchot, Cioran, Sperber...) et sa diffusion à l'étranger complètent ce volume et lui apportent de précieux éclairages. -
Préface illustrée inédite de l'auteur
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«Que celui qui pourrait écrire un tel livre serait heureux, pensais-je, quel labeur devant lui ! Pour en donner une idée, c'est aux arts les plus élevés et les plus différents qu'il faudrait emprunter des comparaisons ; car cet écrivain, qui d'ailleurs pour chaque caractère en ferait apparaître les faces opposées, pour montrer son volume, devrait préparer son livre minutieusement, avec de perpétuels regroupements de forces, comme une offensive, le supporter comme une fatigue, l'accepter comme une règle, le construire comme une église, le suivre comme un régime, le vaincre comme un obstacle, le conquérir comme une amitié, le suralimenter comme un enfant, le créer comme un monde sans laisser de côté ces mystères qui n'ont probablement leur explication que dans d'autres mondes et dont le pressentiment est ce qui nous émeut le plus dans la vie et dans l'art. Et dans ces grands livres-là, il y a des parties qui n'ont eu le temps que d'être esquissées et qui ne seront sans doute jamais finies, à cause de l'ampleur même du plan de l'architecte. Combien de grandes cathédrales restent inachevées !»
Marcel Proust, Le Temps retrouvé. -
Depuis trente ans, Erri De Luca, citoyen engagé sur le plan politique, écologique, social, reconstitue avec force et densité une histoire de l'humanité : de l'enfance livrée à elle-même au difficile apprentissage de la vie, des ruelles de Naples à l'âpre beauté de la nature, de l'amour sublimé, du poids de l'histoire aux drames contemporains, de la quête de sens au besoin de solidarité et de compassion, son oeuvre est universelle, magistrale, placée sous le signe de l'héritage et de la transmission.
À travers un choix de textes (publiés ou inédits), la présente édition invite à découvrir le parcours de celui qui est entré en littérature «par accident» et qui, devant la maladie de son père, s'est résolu à s'adresser à un éditeur - «Quand j'écris, je chuchote parce que je pense qu'il est resté aveugle même là où il est, et qu'il n'arrive pas à lire la page derrière mon épaule. Il aimait les histoires et je suis encore là pour les lui raconter.» Pour De Luca «écrire n'est pas un travail, c'est une façon d'être en compagnie et de rassembler les absents», et à l'aune des documents personnels placés au début du volume comme un pont entre sa vie et son oeuvre, c'est à un rendez-vous en tête à tête avec l'auteur italien que le lecteur est ici convié. -
Oeuvres : Romans, essais, critique, chroniques
Roger Nimier
- Gallimard
- Quarto
- 30 Octobre 2025
- 9782073084248
Dans une littérature d'après-guerre dominée par Sartre et Camus, la voix du jeune Roger Nimier, né en 1925, s'élève remarquablement. Insolent, provocateur, libre, Nimier choque intellectuels et critiques d'alors. Entre 1948 et 1951, il publie quatre romans, dont Le Hussard bleu qui l'impose sur la scène littéraire, ainsi qu'une série d'essais non conformistes (Le Grand d'Espagne).
Qui est ce jeune écrivain de vingt-cinq ans ? Élève brillant et précoce, il commence ses études de philosophie à la Sorbonne en 1942. En mars 1945, il s'engage dans le 2e régiment des hussards, à Tarbes, et sera démobilisé en août. La période qui s'ouvre est, pour Nimier, celle d'un grand mensonge national, faite de bien-pensance et d'opportunisme. Au lieu de distinguer le bien du mal entre Vichy, le gaullisme et la collaboration, le jeune homme qui « veut comprendre » cherche à mettre en action la complexité politique et morale des choix et des situations. Il est bien trop tôt, la France n'est pas prête, et Nimier dérange. En réalité, il porte en lui le sentiment d'une dette à l'égard de ses camarades morts. L'écriture du roman est chargée d'acquitter cette dette, elle doit donner la parole aux jeunes disparus de la guerre et évoquer la génération des « Vingt ans en 45 », dont ses héros sont les porte-parole.
Rapidement Nimier conquiert le milieu littéraire, passant de la revue La Table ronde (1949) pour contrer l'existentialisme à Opéra en 1951, qu'il transforme en journal culturel. Au discours des bourgeois et des révolutionnaires, il oppose une ironie aristocratique, un scepticisme qui n'interdit pas l'indignation, une lucidité désabusée. Après la publication d'Histoire d'un amour (1953), il se consacre à la critique, aux chroniques. En 1956, il devient conseiller littéraire aux Éditions Gallimard, s'occupe de plusieurs collections, travaille à la reconnaissance littéraire d'écrivains déconsidérés, tels que Chardonne, Morand, Montherlant et Céline. Il se tourne aussi vers le cinéma, est l'auteur de scénarios de Louis Malle (Ascenseur pour l'échafaud, 1958) et d'Alexandre Astruc (Éducation sentimentale, 1962). Son décès dans un accident de voiture en 1962 survient alors qu'il achève D'Artagnan amoureux, signe d'un retour au roman. -
«Il y a dans Les Mystères de Paris une énergie sauvage : celle d'une cohorte de personnages maléfiques, malfrats hideux comme la Chouette, Tortillard - un anti-Gavroche -, le Maître d'école ou Bras-Rouge, criminels du grand monde comme le comte de Saint-Remy, monstres hypocrites comme le notaire Jacques Ferrand. Eugène Sue n'est pas avare de noirceur. Mais il y a aussi une sauvagerie du Bien, celle de Rodolphe, prince mélancolique venu à Paris à la recherche de sa fille perdue, impitoyable avec les méchants qu'il punit au mépris des lois. On doit à sa cruauté quelques-unes des scènes les plus stupéfiantes du roman : le châtiment du Maître d'école, ou le supplice de luxure imposé à Jacques Ferrand. Cette cruauté contraste avec la pureté morale de Fleur-de-Marie, comme avec la face solaire de Rodolphe, providence de tous les malheureux honnêtes dont il croise le chemin. Le roman exprime dans son ensemble une quête assoiffée de régénération morale de la société, par l'amélioration des mécanismes préventifs et répressifs - c'est le sens de l'engagement de Sue en faveur de l'encellulement des criminels - ainsi que par l'invention de mécanismes d'incitation au Bien, police ou tribunal de la Vertu, qui doivent récompenser publiquement les actions exemplaires.» Judith Lyon-Caen.
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Édition de l'auteur
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«Une fois, dans un contexte douteux, il a vécu une aventure mouvementée et saignante ; et ensuite tout ce qu'il a trouvé à faire, c'est rentrer au bercail. Et maintenant au bercail, il attend. Le fait qu'avec son bercail Georges tourne à 145 km/h autour de Paris indique seulement que Georges est de son temps, et aussi de son espace.»
Le Petit Bleu de la côte ouest, 1976.
Manchette s'est choisi une forme - le roman noir - et la dynamite de l'intérieur par la critique sociale et politique. Avec une allégresse ravageuse et un humour saccageur, l'inventeur du néopolar, en grand maître de la dérision, pulvérise la frontière entre littérature de genre et littérature tout court. Il fait tout exploser - même le polar. -
Pendant près de quarante ans, le duo formé par Pierre Boileau (1906-1989) et Thomas Narcejac (1908-1998) a composé près d'une cinquantaine de romans, renouvelant le genre du roman policier, avec l'introduction d'une dimension psychologique inédite : l'atmosphère, l'effroi, l'angoisse, le fantastique.
Dans un univers de clairs-obscurs, d'ombres et de fantômes, faisant du dérèglement du quotidien et d'une inquiétante étrangeté le point central de leurs histoires, ils élaborent une mécanique implacable qui ne sacrifie ni l'écriture ni la langue au profit de l'intrigue. Avec le roman à suspense, entre énigme et roman noir, la puissance révélatrice du cinéma, orchestrée par les plus grands réalisateurs (H.-G. Clouzot, A. Hitchcock), leur offrira une notoriété dont Boileau-Narcejac, auteurs, scénaristes-dialoguistes, élevés au rang de classiques du genre, ne se départiront plus. La présente édition vise à restituer ce double parcours singulier, aux frontières de la littérature et du cinéma. -
Les origines du totalitarisme - Eichmann à Jérusalem
Hannah Arendt
- Gallimard
- Quarto
- 29 Mai 2002
- 9782070758043
Dispersé jusqu'à présent en trois volumes, Les origines du totalitarisme retrouve son unité dans la réunion des trois parties qui le constituent. L'ensemble est accompagné d'un dossier critique qui donne à la fois des textes inédits préparatoires ou complémentaires aux Origines, comme «La révolution hongroise», un débat avec Eric Voegelin, des extraits de correspondances avec Blumenfeld et Jaspers.
Pour Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal, des correspondances avec Jaspers, Blücher, Mary McCarthy, Scholem éclairent l'arrière-plan de l'écriture de l'ouvrage et la violente polémique qu'il a suscitée. -
Charles Louis de Secondat, baron de La Brède, dit Montesquieu (1689-1655), a fait de son oeuvre un hymne à la raison, à la liberté, au bonheur. Auteur mordant et spirituel des Lettres persanes (1721), voyageur curieux de comprendre les sociétés européennes de son temps, lecteur infatigable, il est également le publiciste grave et rigoureux de De l'Esprit des lois (1748). En perçant à jour les rapports entre la géographie physique, le droit, la forme du gouvernement, l'histoire des mentalités, la religion, l'économie, Montesquieu offre une intelligente synthèse entre les Anciens et les Modernes, refusant de renier les apports d'Homère et de Virgile, tout en accueillant l'esprit critique et historique de son temps. En Moderne déterminé, avec un sens aigu de l'observation et de l'expérience, il formule une science politique nouvelle dans la langue élégante des honnêtes gens, élabore une méthode pour les sciences humaines qu'il contribue à fonder : sociologie, démographie, économie politique, science politique, anthropologie, ethnologie... Véritable somme politique, De l'Esprit des lois a été repris, défendu contre les attaques virulentes et amendé par son auteur jusqu'à sa mort. Montesquieu y engage tout à la fois une réfl exion sur les différents gouvernements, une enquête sur les sociétés humaines et une analyse comparée des lois afin de former tout homme à évaluer l'intervention législatrice pour mieux appréhender la réalité sociale. Chef-d'oeuvre absolu, il est l'un des livres les plus importants, les plus clairvoyants du siècle des Lumières et de la littérature mondiale. Grâce à une orthographe modernisée, cette édition fournit les clefs nécessaires pour aborder ce grand oeuvre et l'inscrit dans l'exceptionnel cheminement intellectuel que fut celui de son auteur.
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Du vent, du sable et des étoiles
Antoine de Saint-Exupéry
- Gallimard
- Quarto
- 25 Novembre 2021
- 9782072958830
Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) aspirait à un monde où l'action et le rêve fussent intimement liés, convaincu qu'en cette coïncidence résidait la vérité de l'expérience vécue. Sa voie fut celle du consentement au risque : le désert et les périls aériens, qui ouvrent alors au trésor caché de l'existence, à la révélation de ce qui nous tient fraternellement et spirituellement aux nôtres et au monde. Saint-Exupéry s'est appuyé sur son exceptionnelle expérience d'aviateur pour affirmer sa confiance dans la grandeur humaine, accessible à chacun par l'engagement librement consenti. Toute son oeuvre littéraire - ici resituée dans le mouvement biographique qui l'a vue naître - est une tentative admirable pour restituer poétiquement la substance même de l'existence, sa vérité intime et sincère - celle du coeur. Réunissant les oeuvres littéraires d'Antoine de Saint-Exupéry, de ses premiers contes et poèmes de jeunesse, inspirés par son apprentissage de pilote, à Citadelle, incluant ses quatre grands romans et Le Petit Prince, cette édition est enrichie de très nombreux documents inédits ou méconnus, se fonde sur les plus récentes découvertes et offre pour la première fois dans la collection Quarto un volume illustré en couleurs.
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«- Parlez-moi un peu de vous, Mr. Marlowe. Enfin, si vous trouvez ma demande acceptable.
- Qu'est-ce que vous voulez savoir ? répondis-je. Je suis détective privé, et depuis pas mal de temps. Je suis un loup solitaire, célibataire, bientôt entre deux âges et fauché. Je me suis retrouvé en taule plus d'une fois et je ne m'occupe pas d'affaires de divorce. J'aime l'alcool, les femmes, les échecs et quelques autres petites choses. Les flics ne m'aiment pas, mais j'en connais deux avec lesquels je m'entends bien. Je suis un fils du pays, né à Santa Rosa, mes parents sont morts ; je n'ai ni frère ni soeur, et si un jour je me fais assommer au fond d'une impasse, comme ça pourrait arriver à n'importe qui dans mon métier, comme d'ailleurs à des tas de gens dans d'autres métiers ou même sans métier, personne ne se dira que sa vie a perdu son sens.»
The Long Goodbye. -
Hemingway attachait plus d'importance à ses «histoires», ses nouvelles, qu'à ses romans. Écrire une bonne histoire, encore une bonne histoire, fut l'obsession de sa vie, les lettres publiées ici en témoignent. C'est là qu'il atteint la concision - son idéal d'écriture formulé très tôt -, et qu'il obtient ce qu'il vise : la synthèse de l'imaginaire et de l'expérience vécue. «La seule écriture valable, c'est celle qu'on invente, celle qu'on imagine.» 78 nouvelles sont réunies dans ce volume : toutes celles qu'il publia de son vivant en recueils ; mais aussi les nouvelles, esquisses et fragments parus dans des revues ou qui ont été retrouvés dans ses papiers après sa mort.
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« Elle est là, autour de vous. Ne passez pas à côté - l'immédiat, le réel, le nôtre, le vôtre, celui du romancier qu'il attend... Faites New York ! » (Henri James à Edith Wharton, 1902).
Sur le conseil du romancier Henry James, l'Américaine Edith Wharton jette une lumière crue et révélatrice sur l'aristocratie new-yorkaise, saisissant à la fois la haute comédie qui s'y joue et les contradictions qui l'animent. Autrice de poèmes et de nouvelles déjà parus dans des magazines littéraires de renom, elle porte désormais un regard acéré sur la mondanité, les convenances et l'étiquette, les règles du jeu social, l'hypocrisie, la cruauté et la corruption qui gangrènent la bonne société, celle de l'argent et des affaires, qui l'a vue naître et grandir. Au fil des récits (romans et nouvelles), avec un sens aigu de la satire, elle décrypte la quintessence même de son milieu et son esprit clanique, les luttes impitoyables et les menaces feutrées que fait peser sur l'ancien monde l'arrivisme conquérant d'une nouvelle caste, celle du nouveau riche.
Plus qu'une ville de naissance, New York sera à jamais pour Wharton une muse, aussi capricieuse qu'exigeante, qui l'inspirera même après son installation définitive en France en 1913. La fresque historique qu'offrent ici les trois romans et un recueil de nouvelles, parus entre 1905 et 1924, plonge le lecteur au coeur d'une société aussi fascinante que détestable, dont les failles morales se dissimulent derrière les apparences d'une probité candide, depuis les années 1840 jusqu'aux lendemains de la Première Guerre mondiale. Et avec cette édition Quarto et les documents d'archives inédits qui l'illustrent, l'occasion unique de découvrir le parcours d'une des romancières les plus marquantes de son temps, un véritable esprit libre.