L'univers Kongo originel a été organisé par un pouvoir politique que ses auteurs ont appelé «Kintotila ». Ce dernier a rassemblé divers peuples qui, depuis la fin de la Préhistoire, ont cohabité harmonieusement, tout en entretenant des liens socio-économiques favorisés par un socle linguistique commun. Politiquement ces peuples se sont unifiés pour former le Kintotila, «... une société d'égalité parfaite (royaume Kongo), qui s'agrandissait dans un mouvement en cercles concentriques, jusqu'à son arrêt de mort qui inversa le cours de l'histoire de l'Afrique noire, dans la première moitié du 16ème siècle.» L'unité politique et territoriale de Kintotila kya Kongo prit fin avec l'arrivée des Européens. Commencée par les Portugais à partir de 1483 et relayée par les Anglais, les Espagnols, les Français, les Hollandais et les Italiens, l'intrusion européenne dans le Kintotila eut deux impacts importants: la traite négrière et l'évangélisation des populations locales. Ces deux phénomènes occasionnèrent non seulement la fin du pouvoir d'État organisé sur un grand espace, mais aussi des ruptures socio-culturelles irréversibles. Cette désorganisation du Kintotila s'accéléra depuis la dite bataille d'Ambwila en 1665, jusqu'en 1884-1885, au moment où s'amorça la période coloniale décrétée unilatéralement à Berlin par les Européens. Au moment de l'occupation systématique de toute l'Afrique par les puissances coloniales européennes à la fin du 19ème siècle, le territoire du Kintotila kya Kongo tomba principalement sous une triple domination; belge, française, et portugaise. C'est la partie de l'espace kongo, occupée par le Portugal, abritant Mbanza Kongo, l'ancienne Capitale de Kintotila, qui a été l'objet de ce travail. L'invasion coloniale portugaise avait complètement désarticulé la société Kongo du nord de l'Angola, en la contraignant dans un processus d'émigration massive au Congo Belge. Pour sa temporalité, il a été question de considérer les temps de formation des premières communautés humaines sur l'espace physique kongo jusqu'au moment où le Portugal colonisa une partie des terres de l'ancien Kintotila kya Kongo.Ce travail a privilégié la vision de l'histoire de l'Afrique dans laquelle l'Africain cesse d'être considéré comme un simple objet de l'histoire, pour devenir un sujet de l'histoire. Sur ce, il n'a pas été assumé dans ce travail l'emploi des concepts tels que tribu, ethnie, Blanc, Nègre, mission civilisatrice, ethnologie, ... qui ont meublé en Europe la «Science coloniale», dès le début du 19ème siècle.
Chez les Kôngo, le nom est un élément constitutif de la personnalité. Il caractérise et individualise tout être humain, mais ne représente pas une simple étiquette.C'est le vocable Zina ou Dizina (pl. Mazina) qui est employé chez les Kôngo pour désigner le nom. Ce terme se retrouve d'ailleurs dans le parler mahorais (Mayotte) à travers lequel il se prononce «Dzina». Ainsi la phrase mahoraise suivante «dzina laho mbani?»signifie: quel est ton nom? Et en Kongo, la même question s'énoncerait : «Zina dia ngeye nani?». Il est à noter que le Shimaoré est une vraie mémoire du kikongo ancien.Dans l'espace Kôngo actuel, c'est le mot N'kumbu qui est le plus utilisé pour désigner le nom d'une personne. Mais ce mot N'Kumbu a plusieurs déclinaisons, dont celle servant à l'itération: N'kumbu i mosi; N'kumbu zolé; N'kumbu tatu; ... une fois; deux fois; trois fois; ...Une observation attentive montre que pour la dation des noms, les anciens Kôngo recouraient à des sources très diverses: les animaux, les poissons, les plantes, les cours d'eau, les choses ou objets de tout genre, les événements et circonstances de la vie courante, les phénomènes atmosphériques, les éléments topographiques, les rites d'initiation, etc. En définitive, le «dizina dia musi kôngo» (nom d'un citoyen kongo) est bien plus qu'une appellation puisqu'il est censé être en étroite relation avec la personnalité de l'être qui le porte. Il est l'être même, voire ce à quoi il doit tendre. Ce lexique des anthroponymes kongo (lutangulu lua mazina), qui n'est qu'à sa première version, est naturellement appelé à évoluer avec la contribution de ceux qui pourront être amenés à s'intéresser à cette initiative sur la dation des noms.