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C'est une histoire d'amour, de vie et de mort. Sur quel autre trépied la littérature danse-t-elle depuis des siècles ? Dans Son odeur après la pluie, ce trépied, de surcroît, est instable car il unit deux êtres n'appartenant pas à la même espèce : un homme et son chien. Un bouvier bernois qui, en même temps qu'il grandit, prend, dans tous les sens du terme, une place toujours plus essentielle dans la vie du narrateur.Ubac, c'est son nom (la recherche du juste nom est à elle seule une aventure), n'est pas le personnage central de ce livre,
Cédric Sapin-Defour, son maître, encore moins. D'ailleurs, il ne veut pas qu'on le considère comme un maître. Le héros, c'est leur lien. Ce lien unique, évident et, pour qui l'a exploré, surpassant tellement d'autres relations. Ce lien illisible et inutile pour ceux à qui la compagnie des chiens n'évoque rien. Au gré de treize années de vie commune, le lecteur est invité à tanguer entre la conviction des uns et l'incompréhension voire la répulsion des autres ; mais nul besoin d'être un homme à chiens pour être pris par cette histoire car si pareil échange est inimitable, il est tout autant universel. Certaines pages, Ubac pue le chien, les suivantes, on oublie qu'il en est un et l'on observe ces deux êtres s'aimant tout simplement.
C'est bien d'amour dont il est question. Un amour incertain, sans réponse mais qui, se passant de mots, nous tient en haleine. C'est bien de vie dont il est question. Une vie intense, inquiète et rieuse où tout va plus vite et qu'il s'agit de retenir. C'est bien de mort dont il est question. Cette chose dont on ne voudrait pas mais qui donne à l'existence toute sa substance. Et ce fichu manque. Ces griffes que l'on croit entendre sur le plancher et cette odeur, malgré la pluie, à jamais disparue. -
La prochaine fois que tu mordras la poussière
Panayotis Pascot
- Stock
- La Bleue
- 23 Août 2023
- 9782234092525
« Ce livre me fait peur. Le processus a été douloureux. Mon père nous a annoncé qu'il n'allait pas tarder à mourir et je me suis mis à écrire. Trois années au peigne fin, mes relations, mes pensées paranoïaques, mon rapport étrange à lui, crachés sur le papier. Je me suis donné pour but de le tuer avant qu'il ne meure. C'est l'histoire de quelqu'un qui cherche à tuer. Soi, ou le père, finalement ça revient au même. »Panayotis Pascot s'attaque d'une plume tranchante et moderne à trois thématiques qu'il tisse pour composer un récit autofictionnel aussi acide qu'ultralucide. La relation au père, l'acceptation de son homosexualité et la dépression s'enchevêtrent ici dans un violent passage à l'âge adulte. Mais la lumière en sort toujours, d'un regard, d'une façon d'observer le quotidien avec autant de tendresse et d'humour que de clairvoyance.
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Prix Goncourt des lycéens 2021, Prix Femina 2021, Prix Landerneau 2021 C'est l'histoire d'un enfant aux yeux noirs qui flottent, et s'échappent dans le vague, un enfant toujours allongé, aux joues douces et rebondies, aux jambes translucides et veinées de bleu, au filet de voix haut, aux pieds recourbés et au palais creux, un bébé éternel, un enfant inadapté qui trace une frontière invisible entre sa famille et les autres. C'est l'histoire de sa place dans la maison cévenole où il naît, au milieu de la nature puissante et des montagnes protectrices ; de sa place dans la fratrie et dans les enfances bouleversées. Celle de l'aîné qui fusionne avec l'enfant, qui, joue contre joue, attentionné et presque siamois, s'y attache, s'y abandonne et s'y perd. Celle de la cadette, en qui s'implante le dégoût et la colère, le rejet de l'enfant qui aspire la joie de ses parents et l'énergie de l'aîné. Celle du petit dernier qui vit dans l'ombre des fantômes familiaux tout en portant la renaissance d'un présent hors de la mémoire.Comme dans un conte, les pierres de la cour témoignent. Comme dans les contes, la force vient des enfants, de l'amour fou de l'aîné qui protège, de la cadette révoltée qui rejettera le chagrin pour sauver la famille à la dérive. Du dernier qui saura réconcilier les histoires.La naissance d'un enfant handicapé racontée par sa fratrie.Un livre magnifique et lumineux.
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Raphaëlle et Anouk ont passé l'hiver dans leur yourte en Gaspésie, hors du temps et du monde. À l'approche du printemps, Raphaëlle convainc sa compagne de rejoindre la communauté de la Ferme Orléane pour explorer la possibilité d'une agriculture et d'un vivre-ensemble révolutionnaires... ainsi que la promesse de suffisamment de conserves pour traverser les saisons froides, au chaud dans leur tanière.
Rapidement la vie en collectivité pèse à Anouk et les premières frictions entre elle et Raphaëlle se font sentir. La jeune femme décide d'aller se ressourcer dans sa cabane au Kamouraska, entre les pins millénaires et le murmure de la rivière. Elle ne tarde pas à y recroiser Riopelle-Robin, un farouche militant écologique, avec qui elle a eu une liaison aussi brève que passionnée. Aux côtés d'« éco-warriors » chevronnés, ce dernier prépare une nouvelle mission : l'opération Bivouac. Son objectif : empêcher un projet d'oléoduc qui doit traverser les terres du Bas-Saint-Laurent et menace de raser une forêt publique, véritable bijou de biodiversité.
Anouk, bientôt rejointe par Raphaëlle et ses alliées de la Ferme Océane, se lance à corps perdu dans la défense du territoire. La lutte s'annonce féroce, car là où certains voient une Nature à protéger, d'autres voient une ressource à exploiter, peu importe le coût.
Gabrielle Filteau-Chiba renoue avec ses personnages de marginaux sensibles et libres et signe un grand roman d'amour et d'aventure sur la défense de l'environnement. -
Lorsque le narrateur décide de questionner ses parents sur leur pays d'origine, le Liban, il ne sait pas très bien ce qu'il cherche. La vie de ses parents ? De son père, poète-journaliste tombé amoureux des yeux de sa femme des années auparavant ? Ou bien de la vie de son pays, ravagé par des années de guerre civile ?Alors qu'en 1975 ses parents décident de vivre à Paris pendant deux ans, le Liban sombre dans un conflit sans fin. Comment vivre au milieu de tout cet inconnu parisien quand tous nos proches connaissent la guerre, les attentats et les voitures piégées ? Déambuler dans la capitale, préparer son doctorat, voler des livres chez Gibert Jeune semble dérisoire et pourtant ils resteront ici, écrivant frénétiquement des lettres aux frères restées là-bas, accrochés au téléphone pour avoir quelques nouvelles. Très vite pourtant la guerre pénètre le tissu parisien : des bombes sont posées, des attentats sont commis, des mots comme « Palestine », « organisation armée », « phalangistes » sont prononcés dans les JT français.Les années passent, le conflit politique continue éternellement de s'engrener, le Liban et sa capitale deviennent pour le narrateur un ailleurs dans le quotidien, un point de ralliement rêvé familial. Alors il faut garder le lien coûte que coûte notamment à travers ces immenses groupes de discussion sur WhatsApp. Le Liban, c'est la famille désormais. Incisif, poétique et porté par un humour plein d'émotions, Beyrouth-sur-Seine est une réflexion sur la famille, l'immigration et ce qui nous reste de nos origines.
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Aux marches de l'Empire « à cent têtes et cent corps », sommeille une province minérale et nue où le froid, le givre, les bourrasques semblent ankyloser les habitants d'une bourgade qui ne signalait jusque-là ni notoriété historique, ni intérêt géographique, si ce n'est d'être placée à la frontière « d'un pays dont la bannière se frappait d'un croissant d'or », et dont la vitalité contraste avec l'épuisement ranci du village aux passions tristes.Un jour, le curé est découvert mort. La tête fracassée par une pierre. De quelle nature est le crime ? Qui pouvait en vouloir à ce curé d'une terre où les chrétiens et les musulmans vivaient depuis toujours en bonne entente ? Que faire, qui accuser, et qui entraver dans son action si, à partir de ce meurtre, s'ordonne toute une géométrie implacable d'actes criminels et de cruautés entre voisins ? Il y a un heureux : le Policier, Nourio, car « c'était fabuleux pour lui d'avoir une pareille affaire, dans ce lieu abandonné de toute fantaisie, de tout grain de sable, roulé dans l'ordinaire des jours ». Le voilà lancé dans d'inutiles recherches. À quoi sert de s'opposer au cours impétueux des choses ?Dans ce vieux monde de l'Empire qui s'affaisse, « dans un sommeil épais, s'enroulait dans sa léthargie comme un escargot fainéant bâille dans sa coquille », il y a tous les personnages, en chairs et en vices, qui conviennent au déroulement de la tragédie : chacun joue à merveille sa partition. Nourio, le Policier au teint olivâtre et aux pulsions incontrôlables. Baraj, l'Adjoint dont l'apparence de bête placide et musculeuse dissimule l'âme d'un enfant poète. Lémia, la fillette aux formes adolescentes dont les ombres et les pleins agacent les nerfs du Policier. Tant d'autres, et même les fantômes des temps passés, qui n'ont en commun, dans leur médiocrité âpre et satisfaite, dans le secret de leurs âmes, que d'agir en comparses du grand Effondrement de l'Empire. De suspens en rebondissements, l'intrigue haletante se double d'une grande réflexion sur nos errements contemporains, la volonté de quelques-uns de réécrire l'Histoire, la négation de certains crimes de masse et autres arrangements avec la réalité.
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Monsieur Linh est un vieil homme. Il a quitté son village dévasté par la guerre, n'emportant avec lui qu'une petite valise contenant quelques vêtements usagés, une photo jaunie, une poignée de terre de son pays. Dans ses bras, repose un nouveau-né. Les parents de l'enfant sont morts et Monsieur Linh a décidé de partir avec Sang diû, sa petite fille. Après un long voyage en bateau, ils débarquent dans une ville froide et grise, avec des centaines de réfugiés. Monsieur Linh a tout perdu. Il partage désormais un dortoir avec d'autres exilés qui se moquent de sa maladresse. Dans cette ville inconnue où les gens s'ignorent, il va pourtant se faire un ami, Monsieur Bark, un gros homme solitaire. Ils ne parlent pas la même langue, mais ils comprennent la musique des mots et la pudeur des gestes. Monsieur Linh est un coeur simple, brisé par les guerres et les deuils, qui ne vit plus que pour sa petite fille. Philippe Claudel accompagne ses personnages avec respect et délicatesse. Il célèbre les thèmes universels de l'amitié et de la compassion. Ce roman possède la grâce et la limpidité des grands classiques.
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Raphaëlle est garde-forestière. Elle vit seule avec Coyote, sa chienne, dans une roulotte au coeur de la forêt du Kamouraska, à l'Est du Québec. Elle côtoie quotidiennement ours, coyotes et lynx, mais elle n'échangerait sa vie pour rien au monde.
Un matin, Raphaëlle est troublée de découvrir des empreintes d'ours devant la porte de sa cabane. Quelques jours plus tard, sa chienne disparaît. Elle la retrouve gravement blessée par des collets illégalement posés. Folle de rage, elle laisse un message d'avertissement au braconnier. Lorsqu'elle retrouve des empreintes d'homme devant chez elle et une peau de coyote sur son lit, elle comprend que de chasseuse, elle est devenue chassée. Mais Raphaëlle n'est pas du genre à se laisser intimider. Aidée de son vieil ami Lionel et de l'indomptable Anouk, belle ermite des bois, elle échafaude patiemment sa vengeance.
Un roman haletant et envoûtant qui nous plonge dans la splendeur de la forêt boréale, sur les traces de deux-écoguerrières prêtent à tout pour protéger leur monde et ceux qui l'habitent. -
« Ce qui doit être tu au tribunal sera dit dans un livre. Nos livres sont infiniment plus audacieux que nous parce que tel un hold-up ils se mijotent à l'abri des regards. Parce qu'une fois achetés et vaguement lus, ils finissent sur une étagère, offerts au regard mais fermés, impénétrables, contenu dérobé, impossible de savoir ce qui se trafique à l'intérieur. »
Un jour de mai 2020, François Bégaudeau échange avec des camarades, sur son site à la fois personnel et public. Il commet, ce jour-là, une phrase qui lui vaudra de comparaître en justice pour diffamation à caractère sexiste et sexuel.
Ça, ce sont les faits.
Ces faits sont l'occasion pour l'auteur d'Entre les murs et d'Histoire de ta bêtise de mener un travail d'auto-analyse et un examen profond de nos contradictions contemporaines. Une fronde railleuse qui laisse place à une réflexion sur nos affects, l'art et la politique. -
« Mon père ne parlait jamais de son boulot. Il disait la centrale, comme s'il n'y en avait qu'une seule au monde, comme si c'était le nombril du monde. Et de fait c'était le nombril de notre monde. »
En 2036, dans une France gouvernée par l'extrême droite, Samuel Vidouble est confiné dans sa cave à la suite d'un accident nucléaire sur le site de la centrale de Malville à l'ombre de laquelle il vivait enfant. Fascinante et monstrueuse, la centrale cristallise les disputes familiales et les luttes politiques des années 80. Sur les bords du Rhône, le jeune Samuel grandit dans l'aura de Thomas, le garçon sauvage, et d'Astrid, une adolescente révoltée, tandis que plane la double menace du Front national et du feu nucléaire. Alternant roman d'apprentissage et d'anticipation, Malville explore cette France périurbaine, ainsi que les conséquences sanitaires et environnementales de nos « choix » énergétiques qui bouleversent irrémédiablement notre rapport au monde, à la terre et au vivant.
Avec ce livre inspiré des lieux de sa jeunesse et tissé de réminiscences littéraires - de Tom Sawyer à Rimbaud -, Emmanuel Ruben affirme sa passion pour la géographie. Une ode vibrante au fleuve et à l'enfance. -
Venise la belle, Venise la superlative, ses accumulations de palais, de places, de canaux, d'églises et de raffinements divers, n'a pas résisté. Une vague, une seule, gigantesque et mortifère, a suffi à l'engloutir tout entière et à réduire sa magnificence à néant. Le système MOSE (Moïse), savante et impérieuse combinaison de soixante-dix-huit écluses installées à grands frais et supposées - comme le prophète - apprivoiser les eaux capricieuses de la lagune, a bel et bien failli. La ville est détruite, les victimes innombrables. Noyée la Sérénissime ! Submergée la Cité des masques !
Avant ce cataclysme tant redouté, la famille Malegatti se déchire depuis longtemps face à la menace. Guido, le père, entrepreneur sorti du rang et conseiller aux affaires économiques de la ville, ne jure que par le tourisme de masse et le MOSE tutélaire. Maria Alba, son épouse, descendante des Dandolo de Cantello, a contre elle, comme la Venise qu'elle vénère, de se satisfaire de ses habitudes de belle endormie. Léa, leur fille, a 17 ans seulement mais des dispositions de boutefeu et des inclinaisons de Lolita pas forcément innocentes mais résolument militantes.
Au gré d'un roman haletant, Isabelle Autissier a choisi ces trois guides si particuliers pour rapporter les charmes et les outrances d'une Babel en sursis. Et fait siennes leurs convictions et leurs contradictions pour anticiper un désastre environnemental on ne peut plus réaliste. Conteuse hors pair doublée d'une conscience écologique éclairée, l'ex-navigatrice conduit cette fable à sa guise jusqu'à la transformer en un cauchemar entêtant.
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Le métier de Brodeck n'est pas de raconter des histoires. Son activité consiste à établir de brèves notices sur l'état de la flore, des arbres, des saisons et du gibier, de la neige et des pluies, un travail sans importance pour son administration. Brodeck ne sait même pas si ses rapports parviennent à destination. Depuis la guerre, les courriers fonctionnent mal, il faudra beaucoup de temps pour que la situation s'améliore.
« On ne te demande pas un roman, c'est Rudi Gott, le maréchal-ferrant du village qui a parlé, tu diras les choses, c'est tout, comme pour un de tes rapports. » Brodeck accepte. Au moins d'essayer. Comme dans ses rapports, donc, puisqu'il ne sait pas s'exprimer autrement. Mais pour cela, prévient-il, il faut que tout le monde soit d'accord, tout le village, tous les hameaux alentour. Brodeck est consciencieux à l'extrême, il ne veut rien cacher de ce qu'il a vu, il veut retrouver la vérité qu'il ne connait pas encore. Même si elle n'est pas bonne à entendre.
« A quoi cela te servirait-il Brodeck ? s'insurge le maire du village. N'as-tu pas eu ton lot de morts à la guerre ? Qu'est-ce qui ressemble plus à un mort qu'un autre mort, tu peux me le dire ? Tu dois consigner les événements, ne rien oublier, mais tu ne dois pas non plus ajouter de détails inutiles. Souviens-toi que tu seras lu par des gens qui occupent des postes très importants à la capitale. Oui, tu seras lu même si je sens que tu en doutes... » Brodeck a écouté la mise en garde du maire.
Ne pas s'éloigner du chemin, ne pas chercher ce qui n'existe pas ou ce qui n'existe plus. Pourtant, Brodeck fera exactement le contraire.
PRIX GONCOURT DES LYCEENS 2007 (12/11/2007) -
Une jeune femme idéaliste comme on peut l'être à vingt ans arrive à Paris à la fin des années 1990. On la suit dans sa découverte d'un milieu intellectuel qui a tout d'une caste d'homme.
Elle y rencontre l'écrivain Alain Robbe-Grillet, imposant « Pape du Nouveau Roman », et son épouse Catherine, maîtresse-star de cérémonies sadomasochistes. Ils incarnent une certaine idée de la littérature et de la liberté sexuelle. Toutes choses auxquelles l'héroïne s'affronte tant bien que mal.
Raconté avec impertinence depuis aujourd'hui, son apprentissage, d'une drôlerie irrésistible, est un conte contemporain. Sa leçon est que la liberté s'exerce dans le jeu avec les autorités établies. Et sa morale, qu'il ne faut jamais sous-estimer les jeunes femmes. -
« À force de vouloir m'abriter en toi, j'ai perdu de vue que c'était toi, l'orage. Que c'est de toi que j'aurais dû vouloir m'abriter. Mais qui a envie de vivre abrité des orages? Et tout ça n'est pas triste, mi amor, parce que rien n'est noir, absolument rien.
Frida parle haut et fort, avec son corps fracassé par un accident de bus et ses manières excessives d'inviter la muerte et la vida dans chacun de ses gestes. Elle jure comme un charretier, boit des trempées de tequila, et elle ne voit pas où est le problème. Elle aime les manifestations politiques, mettre des fleurs dans les cheveux, parler de sexe crûment, et les fêtes à réveiller les squelettes. Et elle peint.
Frida aime par-dessus tout Diego, le peintre le plus célèbre du Mexique, son crapaud insatiable, fatal séducteur, qui couvre les murs de fresques gigantesques.»
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Pour la première fois depuis trois mois, elles discernent enfin le sable que leur cachait l'eau lors de la traversée de l'Atlantique, ce fond de l'océan qu'elles ont brièvement aperçu ce matin en débarquant de La Baleine. Personne ne leur a expliqué où elles seraient logées ce soir, dans combien de temps elles seraient fiancées. On ne dit pas tout aux femmes.
Paris, 1720. Marguerite Pancatelin, la Supérieure de la Salpêtrière, est mandatée pour sélectionner une centaine de femmes « volontaires » qui seront envoyées en Louisiane afin d'y épouser les colons français.Parmi elles, trois amies improbables : une orpheline de douze ans à la langue bien pendue, une jeune aristocrate désargentée et rejetée par sa famille ainsi qu'une femme condamnée pour avortement. Comme leurs compagnes à bord de La Baleine, Charlotte, Pétronille et Geneviève ignorent tout de ce qui les attend au-delà des mers. Et n'ont pas leur mot à dire sur leur avenir. Ces étrangères réunies par le destin devront braver l'adversité - maladie, guerre, patriarcat -, traverser une vie faite de chagrins d'amour, de naissances et de deuils, de cruauté et de plaisirs inattendus. Et d'une amitié forgée dans le feu.
Un roman d'une profondeur et d'une émotion saisissantes, qui nous transporte au coeur d'une terre impitoyable, aux côtés d'héroïnes animées d'une extraordinaire soif d'amour et de vie. -
C'est une histoire française. Elle se passe pour l'essentiel à Paris, pendant l'occupation allemande, puis dans le maquis du Vercors où les résistants se battent dans la neige et le froid, jusqu'au dernier. Une histoire française, presque un roman, mais tout y est vrai, qui oppose deux France. Celle des Cossé-Brissac, le côté maternel de Félicité Herzog, dont la grand-mère May, aussi libre de son corps en privé qu'attentive aux conventions immuables de l'aristocratie en public, reçoit dans son hôtel particulier le Tout-Paris de l'occupation, le Tout-Vichy, de Paul Morand à Pierre Drieu La Rochelle, de Josée Laval (la fille de Pierre Laval) à Coco Chanel. Une jeune fille grandit là, qui désapprouve en silence, puis désobéit, prisonnière de ce monde clos, rétive cherchant à s'échapper par l'intellect et le plaisir. Cette belle adolescente promise à un mariage de l'entre-soi se nomme Marie Pierre de Cossé-Brissac. C'est la mère de l'auteure.L'autre France, c'est celle plus lumineuse, jeune, bravache, idéaliste, de la résistance par les idées et par les armes. Un grand bourgeois juif parisien envoie son jeune fils en province. Celui-ci rejoint le maquis du Vercors. L'intellectuel rompu aux joutes de l'esprit apprend à tirer, se cache dans les grottes, combat en montagne. Il se nomme Simon Nora, rebaptisé « Kim » dans son réseau. À la fin de la guerre, seul survivant du massacre de la grotte aux fées, il revient auréolé de courage. L'aristocrate de haute lignée rencontre alors l'héritier des héritiers du judaïsme. Deux aristocraties au fond, mais que tout oppose. Le drame qui se joue dans ce roman haletant, cette fresque guerrière sous les hauts portraits d'ancêtres et dans les forêts où les SS fusillent les héros, atteint son sommet.Une brève libération déploie le romanesque de la vérité des sentiments, de l'amour impossible, de l'union des contraires.
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« Elle trouve refuge dans une petite grotte érigée au fil des décennies avec des mots, des images et des chansons, l'art, un bien grand mot, la beauté des choses qui la bouleverse lui sert de kaleidoscope pour observer les jours et les gens. Ainsi le quotidien paraît moins féroce aux yeux de cette sentimentale désenchantée. ».
Anna, la narratrice de ce roman aux allures de Mrs Dalloway contemporain, est éditrice sous les ordres d'une dictatrice aux lèvres rouges, se débrouille comme elle peut avec la vie, c'est-à-dire plutôt mal. Elle résiste. Elle endigue. Elle encaisse. Elle se souvient, surtout.Coincée entre une mère libre mais atteinte d'une forme de joyeuse démence, des filles woke et/ou végétariennes, un mari au sourire fuyant et à la tenue fluo, un cordon sanitaire d'amies qui sonnent le tocsin des SMS et des apéros SOS « burn out », un oeil sur les « Mamanours » mères de famille vibrant sur leur fil What'sApp, Anna pourrait crier, comme on joue, comme on pleure, « Arrêtez tout ! », mais ça ne marche qu'au cinéma. Comment font les gens ? Pourquoi ne remarquent-ils pas les « pigeons dégueulasses aux ventres de pamplemousse » ou la mélancolie fêlée d'une voisine de comptoir ? Il y a du Virginia Woolf déjanté dans ce roman de la charge mentale, mais il y a aussi du Françoise Sagan : chaque phrase vise juste, replie le présent déceptif sur le passé enchanté.
Chaque phrase accueille au creux du confort d'une vie d'apparence bourgeoise les secrets de l'enfant caché, blessé, cajolé parfois, que fut Anna, car chaque adulte est cousu d'enfant. Il veut ce que nous voulons tous : l'amour. -
Décembre 2017, banlieue de Lyon. Samuel Vidouble retrouve sa famille maternelle le temps d'un dîner de Hanoukkah haut en tohu-bohu et récits bariolés de leur Algérie, de la prise de Constantine en 1837 à l'exode de 1962. En regardant se consumer les bougies du chandelier, seul objet casé dans la petite valise de Mamie Baya à son arrivée en France et sujet de nombreux fantasmes du roman familial - il aurait appartenu à la Kahina, une reine juive berbère -, il décide de faire le voyage, et s'envole pour Constantine. Il espère aussi retrouver Djamila, qu'il a connue à Paris, la nuit des attentats, et qui est partie faire la Révolution pour en finir avec l'Algérie de Bouteflika.
Passé et présent s'entrelacent au long de ses errances dans les rues de Constantine, aussi bien qu'à Guelma et Annaba, retrouvant les lieux où sa grand-mère s'est mariée, où son grand-père s'est suicidé, où sa mère est née, où sa tante s'est embarquée pour Marseille. De retour en France, il ne cesse d'interroger les femmes de sa famille, celles à qui revient d'allumer les neuf bougies, pour élucider le mystère du chandelier.
Au fil de leurs souvenirs, il comprend ce qui le lie à l'Algérie et ce qui lie toutes ces générations de femmes que l'histoire aurait effacées s'il n'y avait des romans pour les venger. Derrière les identités multiples, légendaires, réelles ou revendiquées - passé berbère, religion juive, langue arabe, citoyenneté française -, c'est l'appartenance à une communauté géographique qui se dessine : le vrai pays de ces Orientales, c'est la Méditerranée, la Méditerranée des exilés d'hier et d'aujourd'hui, la Méditerranée d'Homère et d'Albert Cohen, d'Ibn Khaldun et d'Albert Camus.
Dans ce grand livre de rires et de larmes qui tient à la fois de la quête initiatique, du récit des origines, de la saga familiale et du roman d'amour, Emmanuel Ruben réinvente et magnifie son pays des ancêtres. -
« Je vous prescris un mois sans hommes.
- Mais les hommes sont partout, docteur !
- Qu'importe la méthode, je m'en fiche. Barricadez-vous au monastère des Dominicaines cloîtrées de Lourdes, enfermezvous où vous voulez. Pas d'hommes, pas de flirts, pas de parties de jambes en l'air, rien. »
Voici Apolline partie à Conques, sous les glycines d'un village sacré et de son abbatiale. Pour la première fois, cette trentenaire dépendante du regard et des caresses des hommes doit s'imposer un sevrage éprouvant. Portée par la lumière des lieux, elle revisite sa carte amoureuse, pour détisser les fils de ses erreurs et de ses désirs.
Quête spirituelle, déambulation sur le chemin de l'amour, rencontre inattendue avec frère Charles, ce roman drôle et profondément original met en scène une femme d'aujourd'hui dans un décor immémorial. Il y a un désespoir léger qui nimbe la colline de Conques.
Est-ce si difficile d'être soi-même ? -
Une jeune enfant est retrouvée morte, assassinée sur les berges engourdies par le gel d'un petit cours d'eau. Nous sommes en hiver 1917. C'est la Grande Guerre. La boucherie méthodique. On ne la voit jamais mais elle est là, comme un monstre caché. Que l'on tue des fillettes, ou que des hommes meurent par milliers, il n'est rien de plus tragiquement humain.
Qui a tué Belle de Jour ? Le procureur, solitaire et glacé, le petit Breton déserteur, ou un maraudeur de passage ?
Des années plus tard, le policier qui a mené l'enquête, raconte toutes ces vies interrompues : Belle de jour, Lysia l'institutrice, le médecin des pauvres mort de faim, le calvaire du petit Breton... Il écrit avec maladresse, peur et respect. Lui aussi a son secret.
Les âmes grises sont les personnages de ce roman, tout à la fois grands et méprisables. Des personnages d'une intensité douloureuse dans une société qui bascule, avec ses connivences de classe, ses lâchetés et ses hontes. La frontière entre le Bien et le Mal est au coeur de ce livre d'une tension dramatique qui saisit le lecteur dès les premières pages et ne faiblit jamais. Jusqu'à la dernière ligne. -
« Combien de fois les gens m'ont prise pour sa fille cachée. Sinon pour sa belle-fille. Je ne suis ni l'une ni l'autre. Je veux qu'on le sache, je veux le dire. Je suis la fille de la femme avec qui il n'a jamais vécu. La fille de la femme qu'il a fait souffrir. Comme les autres. Plus que les autres ? » En 1975, un an après le divorce de ses parents, Eve-Marie, sept ans, vit en symbiose avec sa mère Patricia, une jeune femme libre et indépendante bien décidée à diriger sa vie sans « s'encombrer » d'un homme. Paul Bocuse fait alors irruption dans leur vie, à la veille d'une ascension irrésistible qui fera de lui le chef le plus célèbre de sa génération, à Lyon et partout dans le monde.Marié et viscéralement infidèle, ogre séducteur, il brille à la fois par sa présence et son absence. S'immisçant progressivement dans leur quotidien sans vivre avec elles, il emporte Patricia dans sa course folle autour du monde. Eve-Marie assiste, révoltée, à l'aliénation volontaire de sa mère, accédant peu à peu à la perception des sentiments contradictoires des adultes, s'interrogeant sur le sens de ce qu'on appelle alors « la libération de la femme ».À travers ce récit à trois voix qui fait exister, tour à tour, l'enfant, la mère et l'homme qui les sépare, on entre aussi dans le monde de ces chefs qui sont devenus des stars.
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Zita aurait dû être bergère sur une estive des Pyrénées, comme ses ancêtres. Le déclin du pastoralisme, la réintroduction des ours et ses bons résultats scolaires en ont décidé autrement. Ingénieure agronome, elle enchaîne les contrats à travers le monde, expatriée de l'agro-industrie.Cinq ans après son départ, Zita rentre à Ossèse, la ferme de ses parents située dans un fond de vallée ariégeois. Elle retrouve sa cabane des hauteurs, leurs brebis et les contes bestiaux de Petite-Mère, son aïeule. Un soir, au café du village, elle percute la vie de Pierrick, un citadin. Leur histoire d'amour sera celle de la maturité, celle où Zita s'installe dans un bel appartement avec vue sur la Garonne. Mais Pierrick n'y est pas seul. Il y a aussi sa petite Inès et souvent Émilie, son ancienne compagne, gérante d'une épicerie bio. Zita se retrouve vite à l'étroit dans le costume de belle-mère qu'on veut lui tailler.Un jour d'automne, le cadavre de l'ours Anis est retrouvé sur l'estive où paissent les brebis de sa famille. Une balle est plantée entre les yeux du plantigrade. Pour Pierrick, Émilie et Inès, le braconnier n'est qu'un pitoyable assassin, un arriéré refusant le nécessaire réensauvagement. Le silence de Zita brise peu à peu l'entente cordiale des habitants des villes et des montagnes. Tiraillée entre deux mondes, elle devra faire un choix entre la proie et le prédateur. Les destins se croisent, se mêlent et se brisent dans ce vibrant roman des grands espaces, qui pose une question centrale : y a-t-il encore une place pour ceux qui parlent la langue des bêtes ?
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Septembre 1908. Gabriële Buffet, femme de 27 ans, indépendante, musicienne, féministe avant l'heure, rencontre Francis Picabia, jeune peintre à succès et à la réputation sulfureuse. Il avait besoin d'un renouveau dans son oeuvre, elle est prête à briser les carcans : insuffler, faire réfléchir, théoriser. Elle devient « la femme au cerveau érotique » qui met tous les hommes à genoux, dont Marcel Duchamp et Guillaume Apollinaire. Entre Paris, New York, Berlin, Zürich, Barcelone, Étival et Saint-Tropez, Gabriële guide les précurseurs de l'art abstrait, des futuristes, des Dada, toujours à la pointe des avancées artistiques. Ce livre nous transporte au début d'un xxe siècle qui réinvente les codes de la beauté et de la société.
Anne et Claire Berest sont les arrière-petites-filles de Gabriële Buffet-Picabia. -
Ils s'appelaient Xu Djin et Liu Lianman, n'avaient jamais vu de montagnes auparavant et encore moins pratiqué l'alpinisme de quelque façon que ce soit. En 1960, le Parti communiste chinois les élève au grade de « désignés volontaires » et leur commande ainsi qu'aux camarades qui les accompagnent de conquérir le Qomolangma, tel que les gens du cru désignent l'Everest depuis toujours. Mission supplémentaire, ils sont tenus de déposer sur le toit du monde (8 849 mètres) un buste de Mao Zedong en un geste symbolique supposé souligner la conquête définitive du Tibet. Le climat de propagande est tel que l'opinion du pays tout entier néglige que la plus haute montagne de la planète a été vaincue une première fois sept ans plus tôt depuis le versant népalais par Edmund Hillary et Tensing Norgay.Au terme d'une enquête approfondie, Cédric Gras qui a fréquenté ces confins à plusieurs reprises, restitue, sur fond de famine paysanne et de répression à grande échelle, cette ascension nimbée de mystère et de mensonges. Ces spécialistes improvisés côtoient la mort qui sans cesse menace, et les corps bien réels de Sandy Irvine et George Mallory, disparus en 1924. Malgré leur dévouement et leur obstination, Xu Djin et Liu Lianman n'en finiront pas moins dans un camp de rééducation de la Révolution culturelle avant d'emporter dans leurs tombes les secrets himalayens du régime chinois.Avec le savoir-faire qu'on lui connaît, grâce à toute une série de documents inédits, en mandarin en en russe, Cédric Gras a reconstitué le destin hors-norme de ces prolétaires que rien ne prédestinait au vertige des cimes.