La figuration n'est pas tout entière livrée à la fantaisie expressive de ceux qui font des images. On ne figure que ce que l'on perçoit ou imagine, et l'on n'imagine et ne perçoit que ce que l'habitude nous a enseigné à discerner. Le chemin visuel que nous traçons spontanément dans les plis du monde dépend de notre appartenance à l'une des quatre régions de l'archipel ontologique : animisme, naturalisme, totémisme ou analogisme. Chacune correspond à une manière de concevoir l'ossature du monde, d'en percevoir les continuités et les discontinuités, notamment les diverses lignes de partage entre humains et non-humains.
Masque yup'ik d'Alaska, peinture sur écorce aborigène, paysage miniature de la dynastie des Song, tableau d'intérieur hollandais du XVIIe siècle : par ce qu'elle montre ou omet de montrer, une image révèle un schème figuratif particulier, repérable par les moyens formels dont elle use, et par le dispositif grâce auquel elle pourra libérer sa puissance d'agir. En comparant avec rigueur des images d'une étourdissante diversité, Philippe Descola pose magistralement les bases théoriques d'une anthropologie de la figuration.
"Travail utile, fatigue inutile" est un texte fondamental. À l'heure des bullshit jobs, ce texte prémonitoire fait figure de manifeste, de bréviaire, alors que le modèle économique dévastateur mis en place depuis un demi-siècle semble parvenu en bout de course. La révolution industrielle, la démesure de la production dans le capitalisme émergent, nourri de la pensée libérale utilitariste, ont consacré l'idée d'un travail de plus en plus aliénant, qui a rompu avec le réel, le monde et la nature.
« Dans le droit fil de La Boétie, Louis de Diesbach tourne son regard vers les esclaves plus que vers les maîtres. La question n'est pas de savoir si Facebook nous manipule, mais de comprendre comment et pourquoi nous tolérons paisiblement qu'il le fasse. » Olivier Sibony Chaque matin, lorsque nous empoignons nos smartphones, nous renouvelons le pacte faustien qui nous lie aux réseaux sociaux. Nous tombons dans une servitude dont nous mesurons mal les conséquences, au nom d'une sacro-sainte simplicité et d'un amusement omniprésent, comme si notre vie privée, nos données personnelles, notre attention et notre liberté n'avaient plus de valeur. Pourquoi acceptons-nous d'être des produits marchands et de porter le joug de cette servitude jusqu'à la servilité ? Pourquoi renonçons-nous à notre liberté et notre esprit critique ? Dans une approche inédite et pluridisciplinaire - philosophique, sociologique, psychologique, économique et éthique -, Louis de Diesbach propose une investigation magistralement documentée sur notre rapport à la technologie et notre acceptation, « mi-victimes, mi-complices », à la soumission au numérique. En s'appuyant sur les dernières découvertes en psychologie cognitive et sociale, il décortique le fonctionnement des plateformes, dévoile les nouvelles techniques comportementales, telles que les sludges, et les mécanismes utilisés par les GAFAM pour guider et dicter nos actions. Liker sa servitude interroge notre responsabilité individuelle et collective afin que, dans un monde toujours plus technocentré, chacun puisse se réapproprier ses libertés technologiques. « Le grand mérite de ce livre est qu'en nous indiquant les limites de notre liberté, il nous en rappelle aussi la valeur. » Olivier Sibony Titulaire d'un master en sciences de gestion et d'un master en éthique et philosophie, Louis de Diesbach a rejoint le Boston Consulting Group (BCG) et travaille notamment dans la gestion et l'éthique des données. Il publie régulièrement des tribunes dans les médias et participe à des conférences sur la technologie, l'intelligence artificielle et l'éthique.
Steven Feld est un anthropologue et artiste sonore nord-américain qui a développé depuis les années 1970 une série de manières originales d'aborder les pratiques culturelles du son, de l'écoute et le rapport aux écosystèmes sonores. Son travail de terrain chez les Kaluli, en Nouvelle-Guinée, a donné naissance à un ouvrage révolutionnaire, Son et sentiment, qui a inspiré de nombreux scientifiques et artistes en renouvelant les rapports entre art, science et écoute ordinaire.
Le travail de Feld chez les Kaluli vise à comprendre comment ceux-ci composent les codes de leur existence sociale, leur langage, leurs manières d'interagir, leurs rapports au deuil et à la mort, dans une forme d'écoute dialoguée avec les oiseaux qui peuplent la forêt du Bosavi. Dans une forêt dense et riche en sonorités, Feld observe que les Kaluli possèdent une sensibilité acoustique accrue qui leur permet de déchiffrer le milieu dans lequel ils vivent. L'anthropologue a montré comment le jeu d'écoute et de mimesis par lequel les Kaluli font circuler leur perception de l'espace sonore (à travers chants, rites et danses) crée un espace d'écho dans lequel se développe leurs affects, tout à la fois leur manière de communiquer leurs « sentiments » et d'en jouer socialement comme s'il s'agissait d'un instrument.
Son travail pionnier a ouvert un nouveau champ d'étude à l'anthropologie, proposant de se mettre à l'écoute de différentes manières de penser ce que le son fait à nos corps et à nos imaginaires.
« Chronotopie » désigne le caractère indissociable des relations que nous entretenons avec le temps et l'espace et qui sont vécues différemment selon le lieu où l'on vit. Ainsi, au Brésil, on peut parler d'un espace par excès et d'un temps par défaut, un rapport qui s'inverse au Japon. Quant à la Chine, elle présente une congruence entre l'espace (immense comme au Brésil) et le temps (long comme au Japon).
Cette chronotopie est ensuite questionnée à travers trois formes artistiques (littérature, cinéma, théâtre) qui explorent des virtualités et inventent des possibles. Énoncées avec simplicité, ces réflexions inédites permettent de mieux comprendre la complexité des sociétés contemporaines.
À mi-chemin du récit et de l'étude sociologique, Anthropologie est une enquête en creux, née de l'impression suscitée par le regard d'une jeune Rom mendiant devant un centre commercial. Troublé par ce visage, l'auteur évite d'abord la rencontre. Il décide finalement de rencontrer celle qui est à l'origine de son trouble. Mais elle disparaît à ce moment-là. Il tente alors de la retrouver et de percer le secret de cette figure devenue obsédante. À la façon du héros de Mr. Arkadin de Welles, il part à la recherche de tous ceux qui ont pu la croiser. De cette quête minutieuse, traque d'une absence, se dégage un tableau sociologique de la France contemporaine et de ses «exclus». Avec cet ouvrage, Éric Chauvier jette les bases d'une nouvelle façon de concevoir et de pratiquer l'anthropologie.
En Guyane, pendant des décennies - et aujourd'hui encore à Saint-Georges-de-l'Oyapock -, des enfants de différentes communautés autochtones ont grandi dans des « homes indiens », pensionnats tenus par des congrégations catholiques. La politique d'assimilation forcée ainsi menée par l'État français avec l'appui du clergé atteste des persistances coloniales dans ce jeune département d'outre-mer.
Dans une enquête approfondie mêlant archives et témoignages, Hélène Ferrarini lève le voile sur une histoire jusqu'alors ignorée dans laquelle la parole des anciens pensionnaires trouve enfin une place.
Sur les 7 000 langues parlées aujourd'hui à travers la planète, au moins la moitié pourraient cesser d'exister d'ici la fin du XXIe siècle, emportant avec elles une certaine vision du monde : celle des peuples autochtones. Cette menace qui pèse sur la diversité humaine et culturelle, l'anthropologue canadien Wade Davis peut en attester. Après avoir sillonné le monde pendant plus de quarante ans, il nous met en garde contre le danger qu'une telle perspective représente. Si rien n'est fait, de nombreuses cultures, parmi les plus fragiles, sont vouées à disparaître et, avec elles, des connaissances, des modes de pensée, des arts et des spiritualités - en un mot toute la sagesse d'une mémoire ancienne.De la Polynésie aux Andes, du Mali au Groenland, du Tibet à l'Australie, ce un voyage est tout autant un plaidoyer en faveur des cultures anciennes qu'une invitation à repenser notre monde avant qu'il ne soit trop tard.
Pour les Syriens aux prises avec la violence déchaînée qui suivit la révolution de 2011, le monde est ce qui a fait silence et détourné les yeux pendant le crime. Pour ceux qui furent livrés à un long abandon, politiquement concerté et socialement consenti, le monde est le lieu d'un dégoût sans fond : une coalition de nihilismes conduisant au pire, qui a réduit à rien leur combat, à l'image des villes fantômes et des corps pulvérisés sous les bombes. Composé de six textes écrits entre 2017 et 2022, ce livre adopte une approche anti-nihiliste face à ce monde défait, évoquant des formes différentes de destruction et de résistance.
En 2016, Chantal Deltenre se voit confier une mission d'observation ethnographique par l'administration pénitentiaire française au « Camp Est », la prison de Nouméa en Nouvelle-Calédonie. Elle y est demeurée un mois. Étrangère à l'univers carcéral tout autant qu'au monde calédonien, elle en rapporte un récit qui plonge le lecteur de plain-pied dans un centre de détention directement hérité de la colonisation - et peuplé à 90 % de détenus kanak.
Son témoignage interroge alors avec acuité les impasses d'une justice pénale trop facilement conçue au prisme des « différences culturelles ».
Car c'est surtout la prison dans son ensemble, ici ou ailleurs, que questionne cet ouvrage.
Des dizaines de milliers d'étrangers viennent chaque année admirer Samarcande, mythique « cité caravanière de la route de la soie », et en repartent émerveillés par ses palais et madrasas... sans avoir rien vu de ce qui fait la vie quotidienne, les rêves et la réalité de la plupart de ceux qui y vivent.
Tel est le propos de cet ouvrage, qui nous en révèle les aspects sociétaux les plus secrets. Or, Samarcande, où affleure l'expérience soviétique sous un passé musulman revendiqué, est une « Cité sans hommes » - l'alcoolisme, des services de santé en déshérence et une forte migration de travail vers la Russie ont privé la ville d'une part de sa population masculine -, dont l'espace domestique est livré aux femmes les plus âgées, gardiennes féminines de la tradition patriarcale. Ce sont elles qui décident de tout et régentent tous les rituels. Une combinaison de légitimités contradictoires scellée par une tradition indivise soumet les brus à une emprise stricte, jusqu'à ce que devenues mères d'un fils, ces dernières puissent espérer perpétuer, au nom d'hommes absents, une domination des femmes sur les femmes.
Qu'est-ce que qui fait société ?
Ce ne sont ni les rapports de parenté, ni les rapports économiques, mais bien les rapports politico-religieux (les rites d'initiation, les institutions, les valeurs, etc.). L'analyse de ces rapports politico-religieux est essentielle à la compréhension des identités en conflit... ces identités plus que jamais réaffirmées et revendiquées avec l'entrée dans l'économie capitaliste mondialisée. Pour mieux saisir les grands enjeux actuels de notre monde globalisé et fracturé, l'anthropologie est plus utile que jamais.
Monsieur K survit dans une ville méditerranéenne. Une cité trempée dans le formol. Il est jeune. Il n'est pas spécialement heureux. Il n'est pas malheureux non plus. De toute façon, il n'a pas d'ambition particulière. Il est absent à lui-même. Il observe et attend puisque la vie est déconseillée sous ces latitudes.
Dans un taxi, il a une sorte de révélation. Il doit émigrer. Pour aller où ? Il n'en sait rien. Simplement l'appel de la vie, celle qu'on a « devant soi ». Il va alors entreprendre un périple en quinze stations comme autant de chapitres, chacun portant le titre d'un roman ou d'une nouvelle du maître Franz Kafka. Il essaiera de construire son destin malgré les obstacles aussi multiples qu'ubuesques. Obstacles s'obstinant à le ramener à la case départ dans ce qui s'apparente au grand jeu de l'oie de la vie.
Il découvrira la solidarité autant que la violence, l'amour et la vanité aussi, l'indifférence beaucoup, mais surtout un vaste champ où chacun doit fournir un effort surhumain pour se déplacer d'une seule case car il faut bien le dire, toutes les cases sont déjà occupées et personne ne vous attend jamais nulle part.
Cette épopée de la migration chez les jeunes des pays du Sud est une véritable comédie humaine où le temps ne s'écoule pas comme ailleurs. Monsieur K va accomplir son parcours mais aussi le raconter. Il manie avec brio une analyse cynique pour ne pas sombrer dans la folie du désespoir.
Comment les humains pensent-ils et aménagent-ils leurs espaces de vie ou, pour mieux dire, comment habitent-ils le monde ? C'est pour répondre à cette question que l'enseignant en architecture Patrick Pérez, disparu en 2019, se fait anthropologue et part à la rencontre de deux sociétés amérindiennes très différentes l'une de l'autre, les Hopi d'Arizona et les Lacandons du Chiapas.
C'est le fruit de cette (en)quête qui est livré ici, à travers des textes au style élégant et expressif, mus par un même objectif : donner un sens à l'altérité, amener la lectrice ou le lecteur à comprendre ce que sont les Autres, dans toute leur singularité et leur complexité. Une magistrale leçon d'anthropologie.
Comment est née la société insulaire du Cap-Vert ? Cette question, longtemps restée en suspens en raison d´une vision du passé confisquée par l´ancienne métropole, Lisbonne, trouve ici sa réponse. Le défi consiste à articuler les approches anthropologiques et historiques à travers trois périodes (les XVe-XVIe?siècles, du XVIIe siècle à 1980 et de 1980 à nos jours) afin de tirer les faits de l´oubli et comprendre les interactions entre courtiers luso-africains, esclaves et Portugais. Si la rencontre entre la culture des maîtres et celles des esclaves est inégale, cette minutieuse enquête nous révèle que, finalement, c´est le catholicisme qui s´est créolisé, engendrant une société profondément originale.
Le patrimoine est pour les sociétés un enjeu culturel, économique et identitaire majeur, mais fragile. L'incendie de Notre-Dame de Paris, les bombardements de musées ou de bibliothèques, les villages rasés sont autant de marques dans le paysage et les mémoires. Mais que faire après la catastrophe ? Laisser la ruine se patrimonialiser, reconstituer le patrimoine « d'avant », fantasmer sa mémoire, reconstruire en changeant ? Le choix de la réponse déterminera ce dont on se souvient et ce pourquoi on évite de se souvenirÂ: la reconstitution, la reconstruction ou le maintien de la ruine est un acte patrimonialÂ; et le patrimoine, plus que jamais, une « histoire d'avenir ». Ce volume apporte une analyse novatrice à ce sujet, en décalage par rapport au discours dominant sur les bienfaits de l'agir patrimonial pour les sociétés et les territoires, et du consensus qu'il est censé engendrer et conforter naturellement. On y envisage bien des types de patrimoines : bibliothèques, sites industriels, églises ou musées..., ceux que la société valorise, glorifie, exploite même, et ceux qu'on délaisse, qu'on méprise, qu'on abandonne. On y parcourt aussi le temps et l'espace, depuis les plaines du nord de la France en 1914 jusqu'à Tombouctou envahi par des groupes islamistes. Sans oublier l'exploration d'un phénomène récent, qui traduit une forme de résistance à une certaine fatalité de l'oubli frappant les « mémoriaux »Â: l'Urbex.
Dans l'ouvrage Idées pour retarder la fin du monde, d'Ailton Krenak, s'est approprié le discours sur l'anthropocène et situe son propos au lieu d'un paradoxe : avec la nouvelle crise environnementale qui est aussi une crise de civilisation pour les sociétés industrielles, c'est l'Indien qui, vivant la fin du monde depuis la colonisation (alors qu'elle représentait un cinquième de la population mondiale, 95 % disparut au cours du premier siècle et demi après la conquête européenne), est devenu un expert en survie matérielle et culturelle. Il peut-être alors susceptible de fournir des stratégies de résistance en ces temps où l'humanité occidentale doit commencer à faire le deuil de ses projets d'exploitation illimitée de la Terre.
L'histoire de Paris et des rats est liée. De la construction des égouts et du métro parisien, à la relocalisation hors la ville des cimetières et des abattoirs, ou de la structuration de l'administration sécuritaire à la création de la SPA, les transformations de Paris au XIXe siècle ont travaillé la relation aux rats. Insignifiants en 1800, ces petits êtres finiront par devenir une vulnérabilité épidémique de la capitale à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Quelles furent les configurations historiques qui façonnèrent non seulement cette relation, mais encore leur existence au cours de cette période qui vit naître la ville moderne et dont nous sommes, aujourd'hui, les héritiers ?
Qu'est-ce qu'un rituel ? Comment le met-on en images ? Ce livre raconte comment l'on raconte. Rédigé après les tournages des quinze documentaires de la série télévisée "Rituels du monde", diffusée sur Arte, il reprend ces histoires et en raconte une autre. Celle d'une jeune anthropologue qui a eu la chance de suivre des individus de tous horizons dans leurs métamorphoses et qui relate aujourd'hui, avec un point de vue partiel et partial, l'accueil que l'ailleurs lui a fait, les bouleversements qu'il a entraînés, les joies et les peines qu'il a déclenchées. Au-delà des rituels, ces textes parlent de rencontres et proposent une réflexion sur notre rapport aux autres cultures - et donc à la nôtre.
Les trois points forts du livre 1. Cet ouvrage est, pour l'essentiel, le résultat d'un minutieux travail d'enquête dans le Caucase musulman. Il apporte un éclairage original sur une région de la Fédération de Russie méconnue, depuis l'époque brejnevienne jusqu'à aujourd'hui. Il permet de découvrir les populations des villages de montagne du Daghestan, république voisine de la Tchétchénie. Ce livre donne la parole à des populations d'ethnies et de classes diverses: enseignants, directeurs d'école, anciens kolkhoziens, nouveaux imams tout comme à des chercheurs, anthropologues, arabisants, historiens et géographes. 2. Rapport aux autorités locales et méthodes soviétiques de la recherche Par sa participation à des «expéditions» sur le terrain organisées par l'Académie des Sciences de l'URSS, l'auteure est régulièrement confrontée aux autorités du Parti sur place car elle dépend directement du chef d'expédition, qu'aux autorités centrales du Daghestan qui contrôlent tout déplacement dans les régions et l'accès aux archives. Ce livre revient sur les convocations par le KGB pour rendre compte de son travail et de ses enquêtes. Il revient également sur les stratégies qu'elle a su mettre en place pour contrecarrer les interdictions d'accès aux archives et à certaines régions du pays. 3. Enfin,la force de ce livre réside dans l'authenticité des portraits dressés sur la base d'entretiens: un ancien directeur d'école membre du Parti devenu salafiste après la chute de l'URSS; un ancien responsable de la propagande anti-religieuse devenu imam ; un spécialiste de l'athéisme à l'université devenu titulaire de la chaire d'islam ; des villageoises sur le parvis d'une mosquée qui expriment leur colère contre le nouveau régime. Ces portraits permettent d'approcher au plus près le vécu d'une population annexée par l'empire russe puis soviétisée. Davantage qu'ailleurs en Russie, la population est confrontée aux difficultés de la période post-soviétique : pauvreté grandissante, chômage, violence, attentats... Frédérique Longuet Marx, anthropologue, mène ses recherches de terrain dans le Caucase musulman depuis le milieu des années 1980. Elle enseigne la sociologie et l'anthropologie pendant près de trente ans à l'Université de Caen. Elle est également chercheur-associée au CETOBAC (Centre d'études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques), chargée pendant de très nombreuses années d'un séminaire sur les musulmans du Caucase à l'INALCO puis à l'EHESS, Au moment des guerres de Tchétchénie, elle publie en 2003, Tchétchénie, la guerre jusqu'au dernierÂ? aux éditions Mille et une nuits.
Raphaël Liogier nous montre que le prétendu « choc des civilisations » n'est qu'un leurre face à la réalité de la civilisation globale. En dépit de l'existence de postures antagonistes et extrémistes qui peuvent s'appuyer sur des idéologies religieuses et politiques, les croyances essentielles des hommes sont de moins en moins des facteurs d'oppositions de valeurs. Toutes les religions sont, à des degrés divers, traversées par trois tendances nées de la mondialisation : le spiritualisme, le charismatisme et le fondamentalisme. Ce qui n'empêche pas qu'au sein de cette civilisation unique naissent des formes de violence inédites caractéristiques, entre autres, d'un nouveau terrorisme.
Raphaël Liogier lance un appel pressant à penser la porosité des frontières et la disparition de la figure de l'Autre radical. Comment les identités individuelles et collectives peuvent-elles se définir et coexister dans un monde sans vraies frontières ? Un essai vigoureux pour combattre les préjugés, et mieux comprendre le monde qui nous entoure.
Pensées en archipel résulte de rencontres entre universitaires, poètes et artistes venus de Madagascar, de La Réunion, des Antilles françaises et de la région parisienne. Toutes et tous se sont voulus des voyageurs au long cours de la pensée, à l'instar de Jean Paulhan. Toutes et tous se sont fédérés autour d'un concept : l'indianocéanie. Cette notion, géographiquement située mais humainement universelle, promue par l'humaniste Camille de Rauville, retrouve des échos dans la créolisation antillaise. Si l'insularité est un fait géographique qui peut induire une mentalité singulière, elle est foncièrement une interprétation du monde, faite de représentations locales et d'interférences dans un réseau d'îles pour lesquelles la mer est un lien et non un obstacle.
Le dialogue entre histoire et psychanalyse connait ces derniers temps un important renouvellement. Ce numéro de la revue L'autre, à travers un dossier intitulé « Histoire et cliniques », contribue au prolongement de ces discussions, avec pour spécificité de décentrer ces questions en convoquant une géographie nouvelle qui prend notamment acte des transformations induites par la colonisation et ses héritages. Le dossier regroupe ainsi des historiens, des cliniciens et des anthropologues se donnant pour objectif de penser tout autant l'enjeu de l'histoire dans la clinique, que les transformations induites par la psychanalyse dans le travail de l'historien.