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Fario
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Un théâtre de l'être : L'aventure du psychodrame
Bernard Touati
- Fario
- Le Silence Des Sirenes
- 15 Janvier 2025
- 9782385730291
Qu'en serait-il de l'inconscient sans les mots ? Telle est la question que ce livre singulier permet d'aborder. Depuis plusieurs décennies, Bernard Touati travaille avec des enfants et des adolescents dont la pathologie est variable mais qui tous parlent peu, ne parlent pas, ou parlent autrement. Et pourtant, mettant à profit la technique du psychodrame psychanalytique, il parvient à établir avec eux un lien particulier qui leur permet de déployer la profondeur psychique de leur histoire. Avec ou sans mots. Car s'il y a les mots, il n'y a pas que les mots.
C'est de cette aventure qu'il s'agit dans ce livre ; comme des ébranlements qu'elle provoque dans nos opinions et convictions sur l'inconscient et sa relation au discours. Le psychodrame incite en effet à voir l'inconscient déployé comme un jeu, un échange, des fulgurances inattendues qui initient des partages et des méandres imprévus. Il incite aussi à un regard différent sur la présence des corps et la suspension de la motricité dans l'analyse classique.
La clinique dont il est question ici est exceptionnelle à bien des égards. Elle concerne des patients affectés de pathologies extrêmes, supposés peu enclins au jeu. Mais au fil des scènes, ce que cette pratique hors du commun révèle, c'est que traumatismes et douleurs, qui ne sauraient s'exprimer dans le seul champ du langage et de la verbalisation, affectent tout l'être, corps et âme, et demeurent, quel qu'en soit le caractère violent ou insolite, toujours ouverts au partage d'une expérience humaine. -
Incertitudes en psychanalyse
Jean-yves Tamet
- Fario
- Le Silence Des Sirenes
- 3 Décembre 2021
- 9791091902809
Comme toujours dès qu'on décentre durablement l'humain de son apparente et naïve quiétude, dès qu'on sème le doute sur ses souvenirs et l'origine de ses passions, on le rend malade. Malade de la peste. Le dimanche 27 aout 1909, sur le pont du George Washington qui l'amenait à New-York, contemplant la découpe des gratte-ciels de Manhattan, Freud ne s'y était pas trompé. « Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste... » avait-il confié pensivement à Ferenczi et Jung. La psychanalyse comme peste des certitudes. Vérité impossible à formuler en Europe ? Ironie d'un viennois ciblant la naïveté américaine ? En tout cas, la mesure de cette « peste » et la qualification de ses symptômes ne sont pas plus aisés aujourd'hui qu'en 1909. C'est pourtant cela que vise ce recueil.
Au demeurant, la véracité de la phrase citée fait débat. Elle ne figure ni dans les oeuvres de Freud, ni dans celles de Ferenczi ou de Jung. Pourtant, le 7 novembre 1955, à Vienne, lors d'une conférence prononcée sur le sens d'un "retour à Freud", Lacan affirme la tenir de Jung. Mais l'aurait-il finalement inventé pour propager, au nom de son fondateur, l'annonce des méfaits de la jeune science ? Comme pour le pangolin du XXIème siècle, un doute subsiste sur l'identité de l'agent infectieux.
Rendre à l'incertitude son bien, tel est donc l'enjeu. Mais encore faut-il pouvoir la défaire de l'irritation qu'engendre toute retenue, fût-elle celle du jugement. Séjourner « dans les incertitudes, les mystères et les doutes sans se laisser aller à la quête agacée de faits ou de raisons » exige une solide capacité négative. John Keats en faisait la source du génie de Shakespeare, et Bion en rappelle l'impérieuse nécessité dans l'exercice de l'analyse. C'est à ce prix que l'écoute s'affranchit de tout agrippement au savoir, qu'elle accueille l'angoisse et l'effondrement pour permettre, le moment venu, les salutaires mouvements de la curiosité.
Certes on pourra regretter que depuis plus d'un siècle "la jeune science" ait pris quelques rides et qu'elle puisse parfois s'essouffler sous le poids de trop généreux commentaires. Pourtant l'incertitude demeure l'ordinaire du psychanalyste. A condition, bien sûr qu'il accepte de suivre les chemins du scandaleux et de l'inouï en s'arrachant aux ornières du bien connu et du prédictible.
Comme on le verra, les textes ici assemblés partent souvent de "petits riens", rencontrés au fil du quotidien analytique. Dans la cure, dans l'échange entre collègues, en marge de lectures. Ils sont comme autant de pensées incidentes. Elles en disent souvent longs sur les vastes et complexes théories qui les sous-tendent et se sont constituées au cours d'un lent parcours. A l'écart de tout conformisme assuré, chaque auteur a voulu se laisser distraire par l'imprévu et l'incertain. Sans fausse pudeur. Sans naïveté ni complaisance non plus.
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Le surmoi culturel : aux sources de la violence collective
Gilbert Diatkine
- Fario
- Le Silence Des Sirenes
- 7 Avril 2023
- 9791091902915
Comment comprendre ce paradoxe : la société qui contraint chacun de nous à restreindre ses appétits et à endiguer ses mouvements pulsionnels - tant ceux qui le portent à aimer que ceux qui le portent à détruire - s'avère si régulièrement fauteuse d'insondable destructivité ? Dans ce livre, l'auteur porte la réflexion aussi bien sur les affrontements entre Serbes et Croates et le rôle que peut y jouer le « narcissisme des petites différences », que sur la trajectoire singulière d'antisémites un temps saisis par le délire. Il interroge aussi son expérience de superviseur pour comprendre l'enjeu des cures menées auprès de victimes directes d'affrontement fratricides. Il souligne les ravages que les dénis sociaux qui suivent les guerres parviennent à causer dans le psychisme des descendants. En parallèle de ces réflexions il suit la pensée de Freud sur les mouvements des foules et des groupes, analyse la lente genèse de concepts majeurs comme ceux de « meurtre du père de la horde » ou de repas totémique et l'incidence des dialogues souvent conflictuels avec Jung sur le poids des mythes universels ou avec Adler sur la place qui revient à la destructivité.
Cet ouvrage, qui rassemble des études menées depuis de nombreuses années, a pour point de départ la réflexion clinique, mais il reprend l'histoire de la pensée freudienne sur le champ social pour finalement proposer une ressaisie analytique des effets de la destructivité qui sévit dans le monde que nous habitons.
Avec l'espoir d'y faire face. En analyste. -
Libre cours : à l'épreuve de l'oisiveté
Marion Milner
- Fario
- Le Silence Des Sirenes
- 7 Juillet 2023
- 9791091902953
Par son originalité et la simplicité apparente de son style alerte Marion Milner occupe une place à part dans le panthéon de la pensée psychanalytique. Sa réflexion sur la créativité dans la séance comme à l'extérieur de ce cadre sont une source constante de renouvellement pour la réflexion. Sa perspective s'inscrit dans le sillon tracé par Winnicott : il s'agit pour elle de souligner les mouvements susceptibles de favoriser l'authenticité d'un sujet - en s'affranchissant de la pression que peuvent exercer sur lui ceux qu'il aime ou qu'il redoute. Dans ce livre, la réflexion emprunte le chemin de l'analyse des états d'âme qui accompagnent les variations du quotidien dans les situations les moins bien balisées. C'est ainsi que l'auteur est amenée à poser la question de la vacance : que faire de son temps libre ? Si l'on a des certitudes sur le monde, une telle interrogation disparait. Mais si l'on est moins affirmatif, plus conscient de l'identité des autres que de la sienne propre, le problème devient réel. Le risque de vivre par raccroc, à la remorque de l'autre, de ses désirs et de son bien être, s'accroit. En l'occurrence, malgré leur émancipation, la question reste cruciale pour bien des femmes. Faisant recours à une méthode tient de l'enquête, de la psychanalyse et de l'observation de soi, l'auteur, qui a mené constamment une double activité de peintre et de psychanalyste, s'efforce de recenser et d'analyser les mouvements intimes de la vie quotidienne pour parvenir à cerner ce qui nous rend créatif et peut arracher notre pensée aux ornières du conformisme, de la routine et de la complaisance. Pour y parvenir, Marion Milner part de l'analyse de son journal intime.
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La psychanalyse, son invention toujours requise, son partage, ont une chambre d'écho :
L'écriture. Elle est parfois le lieu privilégié des stéréotypies et du jargon mais heureusement aussi celui de l'ouverture, de la pure exploration par un auteur qui ne sait pas d'avance où cela va, qui découvre ce qu'il ne connaissait pas et ce faisant l'invente. Freud constatait que ses récits de cure pouvaient se lire comme des nouvelles ou des romans. C'est dans un tel sillage que s'inscrit ce petit livre qui s'adresse d'une façon si singulière à la psychanalyse, mais pas que.
Sa vertu première serait de ne rien vouloir démontrer, ou presque pas, mais de montrer, en acte, c'est-à-dire dans le mouvement d'une langue et d'une pensée qui se découvrent mutuellement, un processus analytique possible, vivant.
Les souvenirs de deux cures délicates, mystérieuses, forcément insatisfaisantes en sont le mobile apparent. S'y entretissent des lectures, des questionnements, des doutes, des éclairs.
On y croise Karl Kraus et Bartleby, Giandomenico Tiepolo et D.W. Winnicott. On essaie de deviner ce qui ne peut se voir, comme la scène d'un tableau, de comprendre de quelle sorte est cette indifférence qui protège du chaos, soude les foules, nourrit l'opinion et prépare les dictatures. Il y a des silences, on essaie de les entendre, de ne pas les faire parler trop haut.
C'est évidemment entre les lignes, comme on dit, que ça se passe. On tente de comprendre comment se forme un récit de cure, dans la rigueur et dans l'oubli, entre logique et hallucination :
« La clinique demeure curieusement inconnue : on ne saura jamais ce qui s'y passe en vérité. » Il y a bien un plan, discret, mais pas de fin, pas de conclusion solennelle, avec trompettes de la résolution, buccins de la guérison et tambours de la théorie. Il y a ces choses vagues, au milieu de quoi on retrouve un peu de tremblement, un peu d'incertitude, un peu de joie aussi - juste entre néant et chagrin -, ces choses vagues dont Paul Valéry disait que leur lieu est l'Esprit.
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L'apport remarquable de cet ouvrage tient également à un regroupement non chronologique du corpus freudien, remplacé par un classement thématique en quatre parties qui redessine les grandes lignes de force de la théorie et de la clinique freudienne. Et de ce fait permet à des textes de dialoguer ou de résonner à travers les décennies.