ENTRE 1868 et 1869, quatre très jeunes femmes convergent vers Lyon pour travailler dans la première branche mécanisée de l'industrie de la soie : « ovalistes », elles garniront les bobines des moulins (ovales) afin de donner au fil grège la torsion nécessaire au tissage.
Rien ne les destinait à se rencontrer, hormis la nécessité de gagner leur vie : Toia est piémontaise, le curé du village l'a recommandée au colporteur chargé de recruter des filles de bonne moralité comme ouvrières non qualifiées. Ne sachant ni lire ni parler le français, elle arrive seule à Lyon en diligence, l'adresse de l'atelier notée sur un papier qu'elle montre à qui pourra l'aider.
Il en va de même pour Rosalie Plantevin, originaire de la Drôme où sévit la maladie du mûrier : elle n'a pas trouvé à s'y employer pour nourrir son enfant, laissé en pension à sa soeur. Marie Maurier, elle, vient de Haute- Savoie, où son père est carrier. Vive, drôle, elle amusera tout le monde, dans son atelier de la Guillotière. La très blonde Clémence Blanc est la seule Lyonnaise du quatuor, que révolte la mort en couches de l'amie avec qui elle partageait un minuscule garni.
Dans une magnifique métaphore autour de la forme ovale - celle du moulin, celle du stade -, Maryline Desbiolles imagine ses quatre personnages en relayeuses se passant le témoin pour une course qui les mènera, non pas à un record, mais à devenir parties prenantes d'un événement d'importance : la première grève de femmes de l'histoire.
C'est en juin 1869 que Philomène Rozan, figure bien réelle que l'autrice met en scène en camarade d'atelier de Clémence, prend la tête du mouvement :
Pour énoncer leurs revendications salariales, demander de meilleures conditions de travail et de logement et poser un préavis de grève, les filles ont recours à un écrivain public. Les maîtres mouliniers font bien sûr la sourde oreille. Elles s'enhardissent pourtant et, pendant quelques jours, le mouvement va s'amplifier. Le livre avance alors au rythme exaltant d'une troupe féminine s'autorisant enfin à cesser de courber l'échine :
Nos quatre relayeuses y apparaissent comme en couleur, dans une foule anonyme en noir et blanc, titubantes dans l'élan de leur propre audace.
La course aura été belle, Philomène Rozan repérée par Marx lui-même pour participer au congrès de l'Association internationale des travailleurs à Bâle, en septembre de cette année 1869. Mais trois hommes iront finalement à sa place, dont Bakounine.
L'acuité, la poésie, l'humour, la concision de l'écriture font ici merveille pour donner voix et corps à ces oubliées de l'histoire.
Eveil à la sororité, élan de partage, ce roman tout en mouvement et en audace nous invite à découvrir la première révolte ouvrière féminine connue. Avec fougue rage et espoir immense,Toia, Rosalie, Marie, Clémence, redonnent vie à ces oubliées de l'histoire.Un hommage sensible et nécessaire
Alors que son épouse attend leur troisième enfant, Nobuki Niré trouve un vieux cahier dans l'un des tiroirs de son ancien bureau d'écolier. Il s'agit du journal que sa mère, atteinte d'Alzheimer, a éprouvé le besoin de tenir lorsqu'elle a senti sa mémoire décliner. À travers ces quelques mots, parfois quotidiens, parfois intimes, Nobuki va découvrir une femme qui a eu une vie avant lui, à travers lui, et qui désormais ne peut plus en rendre compte.
C'est grâce au journal de sa mère, Fujiko, que Nobuki parvient à une relation apaisée avec celle qui lui a donné la vie et n'a plus les mots pour révéler son secret. Mémoire, filiation, harmonie, l'enchantement perdure
ESCAPADE MORTELLE SOUS LE SOLEIL AUSTRALIEN Sur une plage paradisiaque et coupée du monde sept surfeurs se mettent à l'épreuve,entre camaraderie et véritable défi. Mais Kenna, qui vient tout juste de rejoindre la Tribu, craint pour sa vie.
Les membres de la Tribu ont beaucoup de secrets, certains bien trop lourds à porter...
Et pour Kenna, les vacances de rêve vont se transformer en véritable jeu de survie.
Un jeu de survie dans un environnement aussi paradisiaque qu'inquiétant, rejoindre la Tribu n'est pas de tout repos
Efficace thriller d'été
Cinéma, littérature et poésie ... Sophie Marceau est publiée chez Seghers !
Les treize histoires et sept poèmes qui composent ce livre se répondent et se complètent : d'un décor à l'autre (plateaux de cinéma, jardins d'enfance, hôtels de luxe ou terrains vagues), les héroïnes (filles, jeunes femmes, amantes ou amoureuses, mères ou grands-mères) incarnent chacune à leur manière le sort d'être femme, qu'il s'exprime par un corps, un rôle, un héritage.
Au fil des récits, des fables, des fragments de vie, des poésies, il s'agit toujours de dévoiler un mystère, un secret, la part souterraine... Les mots s'insinuent comme il faut pour toucher ce qu'il y a à toucher, et dire ce qu'il y a à en dire. Avec finesse et intensité. Et c'est un plaisir de plonger dans ces textes - débordants d'imagination, de fantaisie, basculant souvent de l'observation la plus juste à une imprévisible drôlerie.
Sophie Marceau nous invite à une virevolte peuplée de personnages à l'humanité espiègle dont elle donne à voir la part d'ombre et de secret au détour d'une attitude, d'une phrase, d'un vers.
Avec délicatesse elle explore le désir,la maternité, la filiation, l'amitié, dans un décor sans cesse renouvellé
Le seul " cold case " d'Agatha Christie n'est pas dans son oeuvre, mais dans sa vie.
Londres, 1926. Agatha Christie a trente-six ans. Au rythme de succès littéraires plus éclatants les uns que les autres, elle fréquente une société glamour qui se réunit lors de somptueuses fêtes et de week-ends dans de belles maisons de la côte anglaise. Sa fascination pour le drame et le mystère n'ont, semble-t-il, aucune répercussion sur sa vie privée. Jusqu'au jour où son mari lui annonce sa liaison avec la jeune Miss Nan O'Dea et son intention de divorcer pour l'épouser. Là, tout s'écroule. Agatha accuse le coup. Puis disparaît. C'est la stupéfaction.
La police du pays est mobilisée. La presse à sensation s'en mêle. Tout le monde se demande ce qui est arrivé à la romancière. Est-ce une fuite délibérée ? Et surtout, quel rôle la maîtresse de son mari a-t-elle bien pu jouer dans cette étrange histoire ?
Nina de Gramont s'inspire ici de la disparition réelle d'Agatha Christie, qui reste l'une des grandes affaires jamais résolues du XXe siècle, pour nous offrir un magnifique roman d'intrigues. Fidèle à son modèle, dont elle restitue la vie et la personnalité avec un réalisme et une grâce rares, elle nous entraîne dans la campagne anglaise pour une aventure aux multiples rebondissements.
"Le secet d'un bon roman policier c'est de rendre la solution évidente" Où est Agatha Christie, que fait elle lors de sa disparition en plein hiver 1926 ? Combinant le charme de la campagne anglaise et la beauté brute des paysages irlandais, cette intrigue à la fois jubilatoire et dramatique nous entraine bien au delà de l'image de la "dame anglaise distinguée et flegmatique"
Au début du vingtième siècle, dans une haute vallée pyrénéenne dont l'isolement a limité l'influence de la religion chrétienne et du patriarcat, Seuvia, aînée et donc tête d'une maison-souche, décide de concevoir un enfant pour l'offrir à une autre femme qui ne peut pas en avoir. Ce don longuement réfléchi pallie la souffrance du couple-ami et donne naissance à une nouvelle maison.
En prenant la guerre civile espagnole pour toile de fond, ce récit nous fait découvrir une société montagnarde où la femme bénéficie d'un statut particulier : bien au-delà de sa fonction de mère, celle-ci s'impose comme pilier essentiel et fondateur d'une communauté qui plonge ses racines dans les arbres, les pierres et les légendes enchantées.
Quand une vallée pyréneene se fait l'écrin et l'écho du plus beau et plus désinteressé des dons
Force, générosité, humilité et liberté suprême, ce texte est un joyau
Désormais à la retraite, Jan revient s'établir dans sa ville natale, près des Pyrénées, où un climat de peur s'est installé depuis la disparition de Laura Etxemendy. Il y retrouve Artur - dit l'Ours - son ami de toujours qui traverse une grave dépression et Céline, son amour de jeunesse, confidente attentionnée. Pour Jan, c'est l'heure du bilan. Les souvenirs remontent à la surface: le traumatisme du service militaire, sa carrière de cadre à travers l'Europe, les femmes de sa vie qui toutes l'ont quitté... Le narrateur nous plonge tantôt dans les années 80, tantôt dans une actualité qui porte encore les stigmates d'une jeunesse vécue à pleines dents.
Passé et présent se croisent, s'entremêlent, se répondent, dans ce roman tout en fragilités et force, questionnements et convictions, petits renoncements et luttes,
servi par une intrigue où le mot amitié prend tout son sens
«Qui n'aimerait pas être une étoile filante ? Même si cela veut dire être consommé par la chaleur et tomber en débris à la fin. Sommes-nous des objets qui parcourent les vies des autres, des corps lumineux de passage ? On trace, on éclaire, on s'évanouit quelque part.»Après le message de rupture de son mari, la narratrice fait du déséquilibre un nouveau point de vue. Exploratrice en suspension, elle enregistre sur son téléphone ses états pour réaménager son passé, dessine les itinéraires hors sol des membres de sa famille pour comprendre le sien, cite ses amis dispersés, des philosophes perdus et s'imagine en objet interstellaire.
Récit d'une reconstruction dans la perte de repères - divorce, éloignement du pays natal - une invitation à explorer souvenirs et sensations pour se réinventer.
Amsterdam, 1705. La ravissante Thea Brandt fête ses dix-huit ans. Elle représente l'unique espoir des siens de redorer le blason de la famille. Sa tante Nella lui trouve le beau parti idéal mais la jeune femme n'a d'yeux que pour le grand théâtre de la ville et pour Walter, l'artiste qui y peint les décors. Tous deux s'engagent dans une liaison enflammée, menaçant la réputation de Thea et des siens. De mystérieuses figurines miniatures, sculptées avec une virtuosité éblouissante, font leur apparition, bouleversant la vie de chacun.Après le succès de Miniaturiste, La maison dorée, tout en grâce et en rebondissements, fait naître une héroïne aussi audacieuse qu'avide d'indépendance. Mais qui, de la raison ou du coeur, saura vaincre ?
Amsterdam,1705, au détour d'une ruelle, dans les coulisses d'un théatre ou le grenier d'une mystérieuse demeure,la Miniaturiste vous guette, vous intrigue, se joue de vos peurs, de vos désirs, de vos ambitions et de votre destin. Bienvenue chez les Brandt
Olive, c'est l'histoire d'une fille de 17 ans, très timide et renfermée mais à l'imagination débordante. Un jour, dans le monde onirique qu'elle s'est créé au fil des années débarque Lenny, un spationaute blessé et malade. Que fait donc cet homme dans son espace réservé où personne n'est jamais invité ?
Olive est encore plus perturbée quand elle se rend compte que Lenny existe vraiment dans la vie réelle et que la capsule qui le ramenait d'une mission spatiale s'est écrasée quelque part sur terre. Mais personne ne sait où précisément.
Avec l'aide de Charlie, sa nouvelle compagne d'internat très extravertie, Olive va devoir se faire violence pour sortir de sa zone de confort et partir à l'aventure pour tenter de sauver la vie de Lenny. Mais avant ça, elle devra affronter les secrets et le drame qui entourent sa naissance.
Une aventure initiatique en quatre tomes avec une jeune héroïne introvertie qui va devoir s'ouvrir au monde pour partir sauver un spationaute au fin fond de la Sibérie.
Une des meilleures séries de ces dernières années ! "Olive" n'est pas simplement une formidable BD sur la différence, c'est aussi une quête initiatique pleine de suspense et de rebondissements, magnifiquement illustrée par le graphisme expressif et coloré de Lucy Mazel. A découvrir absolument !!! A partir de 11 ans.
Jeune homme de son temps, Augustin a créé son propre métier. Il écrit ce que les autres n'ont pas le temps d'écrire et se rend dans les lieux où les autres n'ont pas le temps de se rendre. Sa vie bien réglée est bouleversée lorsque quelque chose, un fantôme peutêtre, le met sur la piste d'une vie oubliée, celle d'une jeune bergère du XVIIe siècle. C'est le début d'un enchaînement de circonstances qui vite le dépassent. Il doit bientôt affronter un ancien braqueur et surtout un passé jusqu'alors inconnu, mêlé d'enchantements et de sortilèges.
Jérôme Lafargue fait le choix délibéré de poursuivre certaines obsessions (la nature, l'occulte) avec toute la distance requise. L'histoire se passe essentiellement dans les Landes même si le héros de ce roman est amené à beaucoup voyager.
Un brin de mélancolie, un zeste de danger, un soupçon d'ironie, une touche de magie, une louche de saine colère, une dose de mystère, nous voilà embarqués à bord d'un roman aussi piquant que douillet, aussi surprenant que familier, aussi barré que bien construit. Méfiez vous des fantômes, des chats intuitifs, des belles éplorées et surtout de vous mêmes !
Abandonné par sa mère, un enfant se retrouve confié à son vieux grand-père, un paysan vivant seul dans une petite ferme provençale. Depuis cette scène, si simple, Mathieu Belezi réussit à dire la vérité d'un monde. L'indifférence répétée des saisons, la cruauté, l'absurdité des destins, la violence des désirs, le besoin d'amour, tout est là et brûle dans ce bref roman, dont la beauté et la puissance font écho à celles d'Attaquer la terre et le soleil, Prix littéraire du Monde 2022.
Roman sidérant d'une centaine de pages, Le Petit Roi se révèle un chef-d'oeuvre. À l'instar d'oeuvres comme Jeux interdits, Sa majesté des mouches ou encore Les 400 coups, il réussit à dire avec force le vertige de l'enfance, loin de toute mièvrerie. La musicalité et la fulgurance des phrases que déploie ce texte nous font vivre de façon bouleversante l'attente et la désillusion d'un enfant qui n'aspire qu'à être aimé.
Publié une première fois en 1998, et inexplicablement oublié depuis, Le Petit Roi est le premier roman de Mathieu Belezi. Il réaffirme, si cela était encore nécessaire, l'importance de cet écrivain, dont le Tripode entreprend à partir de 2023 la réédition de toute l'oeuvre.
Abandonné des siens, un jeune garçon est confié à son grand père vivant au coeur d'une ferme provençale. La tendresse rugueuse du vieil homme se heurte au bloc de douleur qu'est l'enfant. C'est dans ces paysages aussi beaux que vénéneux que ce court et puissant récit s'ancre, faisant alterner le poétique, le cru, l'enchantement et le désespir. Un sublime texte initiatique
« Rives et dérives » est un parfait sous-titre pour ce nouveau texte de Michèle Lesbre. Elle y emprunte des chemins de traverse afin de rejoindre une rivière, la Furieuse, dont le nom - sans qu'elle la connaisse - a résonné en elle de manière particulière. « Rives et dérives » pourrait également caractériser son beau parcours d'écriture, où petit à petit elle a délaissé la forme romanesque pour vagabonder dans une prose plus libre, plus voyageuse et rêveuse. Ce récit clairement autobiographique se lit comme un art poétique de l'écrivaine.
Voici comment elle évoque, à la première personne, son projet : « J'écris ce texte comme on s'échappe, comme un retour à un monde possible. Et cette échappée me conduit vers la Furieuse, petite rivière du Doubs, affluent de la Loue, où Courbet se baignait enfant, où il s'est baigné jusqu'à la fin de sa vie.
C'est le nom qui m'a séduite d'emblée, la Furieuse. Sans doute contenait-il toutes mes colères, il parlait de moi.
Ce n'est pas un roman, c'est le récit d'un voyage intime traversant aussi les oeuvres d'auteurs aimés qui ont descendu ou remonté fleuves et rivières, ont vécu sur leurs rives parfois (Magris, Esther Kinsky, Paolo Rumiz, Jean-Paul Kaufmann, Jean Rolin, Michèle Desbordes, Julien Gracq...).
C'est un appel au secours à l'enfance, petite patrie lumineuse en laquelle je retrouve un peu de paix. C'est peut-être même elle qui a suscité ce voyage, en réveille d'anciens, me console de ce monde, me rend ma liberté.
J'écris depuis plus de trente ans, jamais de livre autobiographique, mais mes romans sont tous écrits à la première personne. J'aime cette phrase de J.-B. Pontalis, à propos du je utilisé dans un de ses livres : «Ce n'est pas un je autobiographique, c'est le je qui s'écrit. »
Quel bonheur de retrouver la voix amie de Michèle Lesbre, nous chuchotant ses souvenirs de voyage , ses mystères, ses enchantements, partageant avec nous son enfance aux effluves de tilleul en fleur et ses lectures préférées, bercées par la musicalité de la Furieuse, cette rivière avec qui elle a rendez-vous.
Un bonbon pour l'âme !
Le présent recueil réunit la majeure partie des récits écrits par Babel à partir de 1923 et jusqu'en 1937. Tous sont construits à partir d'événements vécus ou de personnages réels. Les Contes d'Odessa décrivent un milieu très particulier : celui des bas-fonds du grand port de la mer Noire où les Juifs formaient près d'un tiers de la population. Gangsters, charretiers, intermédiaires malhonnêtes du ghetto de la Moldavanka y sont évoqués avec truculence, humour et tendresse.Dans plusieurs textes, Babel a incorporé nombre d'éléments : son enfance studieuse de petit garçon juif nourri du Talmud, gavé de lectures, son expérience tragique de la condition juive au cours des pogroms de 1905, l'éveil de sa vocation littéraire, confessions intimes alternant entre lyrisme et ironie.Grand admirateur de Flaubert et de Maupassant, Babel attachait une importance extrême au style à propos duquel Victor Chklovski a pu dire qu'il a donné à la littérature russe, «grise comme un serin», «des culottes framboise et des bottines de cuir bleu azur».
Non loin se tenait un immense marché où les chats régnaient sur les étals de poissons lors de mon voyage, il y a cinq ou six ans. Je me souviens de l'arrivée du train de nuit, je venais de Lviv, et sur le quai de la gare une musique d'opéra résonnait pour accueillir les arrivants.
Je revois l'escalier du cuirassé Potemkine, le vieil hôtel anglais où les immenses chambres résonnaient encore de temps anciens. Le Danube traverse l'Ukraine, il ne passe pas à Odessa, mais les images qui me reviennent ne se préoccupent pas de ce détail. C'est la guerre en Ukraine qui les fait ressurgir et le chagrin les accompagne.
Michèle Lesbre
Dans le nord-est de la Hongrie, douze ans après la répression de l'insurrection de 1956, une famille multiplie les efforts pour subsister quotidiennement.
Le jeune fils observe et rend compte des réactions de ceux qui l'entourent : sa mère - fille d'un koulak -, son père - fils du seul Juif rescapé du village -, sa grande soeur et son petit frère, sa tante, ses grands-parents et les gens du village. Son récit permet de reconstituer l'histoire de cette famille et, en filigrane, celle de la Hongrie depuis le début du XX e siècle : les traumatismes provoqués par les affrontements de la Grande Guerre, le retour des rescapés du goulag ou les mesures communistes d'expropriation des terres...
Écrit avec une précision ethnographique rare, La Miséricorde des coeurs témoigne d'un long cheminement, d'une lutte incessante pour échapper au destin et devenir libre.
Je n'ai pas oublié les premiers mots, Nous marchons, nous nous taisons, des mots qui d'emblée me parlent de la violence qui se cachait dèrrière.L'auteur y décrit sa vie misérable de tout jeune adolescent dans la campagne boueuse de Hongrie après l'intervention des chars russes en 1956, pour soumettre un peuple quin'en pouvait plus. Il s'est donné la mort après avoir écrit tardivement ce bouleversant témoignage.
J'ai besoin de ces textes qui sont la mémoire.
Michèle Lesbre
Sur le champ de bataille de Solferino, le sous-lieutenant Von Trotta sauve la vie de l'empereur d'Autriche. Cet acte lui vaut d'être anobli. Arrachés à leur condition de paysans slovènes, les membres de la famille Von Trotta voient leur destin bouleversé. Sur trois générations, l'auguste faveur se transforme en une malédiction irrémédiable... Un requiem sur la chute de la monarchie austro-hongroise.
Ou le naufrage amorcé d'une Europe qui tangue si fort aujourd'hui.
Michèle Lesbre
Remonter la Marne,"un voyage de retour", comme disent les ethnologues qui après avoir ausculté d'autres sociétés reviennent au pays pour l'explorer. Cette rivière, longue de 520 km, l'auteur l'a remontée à pied, depuis sa confluence avec la Seine jusqu'à sa source sur le plateau de Langres. Mince cordon nerveux situé trop près de la tête, Paris. " C'est là qu'il faut attaquer la maison France avec une chance d'en enfoncer la porte", a écrit Fernand Braudel. Les catastrophes nationales surgissent toujours du côté de ce cours d'eau. C'est une France inconnue et inattendue que l'auteur a découverte. Au gré de ses rencontres, il a été envoûté par la France hors circuit, celle qui ne va jamais à Paris et s'en félicite, la France des "conjurateurs", toutes ces personnes qui, sans être marginales, sont sorties volontairement de la course. Ces personnages résistent, à leur façon, au pessimisme contemporain et conjurent les esprits maléfiques de l'époque : l'esprit de lassitude, la fascination pour la décadence, la tyrannie du consensus.Voyage fragmentaire plutôt qu'inventaire, sorte d'extrait, comme on le dit d'un passage d'un livre ou de morceaux choisis, mais aussi d'un parfum concentré. Livre d'odeurs, de paysages encore intacts, d'églises désertes et de villages "démeublés" mais nullement moribonds. Seule la marche permet un rapport au temps, au silence, et le marcheur reste ouvert à l'aventure d'une auberge improbable, d'un barbecue dominical sur les berges ou d'un héron tout droit sorti d'une fable de La Fontaine. Remonter la Marne, c'est retourner en arrière, un désir d'aller vers l'origine, comme on se remémore son passé.
" J'ai tout de suite aimé la devise de l 'auteur, Je n'ai qu'un sac à dos. J'ai prévu de m'arrêter le soir dans les auberges ou des tables d'hôtes situées près du fleuve. Pas de réservations, aucune entrave.Surtout pas d'horaire. J'emporte avec moi un téléphone portable qui restera fermé pendant la marche.
Michèle Lesbre
«Pour y pénétrer, il faut s'acquitter d'une petite somme auprès d'une gardienne qui, ce jour-là, était plongée dans la lecture d'un livre très épais, en format de poche, dont je crus que c'était Guerre et paix avant de constater, avec regret, qu'il s'agissait d'un roman de Joël Dicker. En même temps que nous achetions nos billets, et que Celui-des-ours s'enquérait de la localisation de la tombe de Clément, le chien de Houellebecq, je remarquai un gros rat, quant à lui bien vivant, qui se tenait juste en dessous du guichet, sans se gêner, un peu comme s'il avait été préposé au contrôle des tickets.»Sur les berges de la Seine, les déambulations de l'écrivain prennent des allures de petite odyssée au coeur de friches ou de banlieues bousculées, mais aussi d'une nature sauvage dont jaillit un émerveillement inattendu.
C'est comme si loin de la ville, le fleuve se déshabillait, impudique et négligé, montrant ses cicatrices et ses mystères..Le regard de Rolin a quelque tendresse pour ce corps qui souffre, il y lit des histoires, y mèle un peu la sienne et, même s'il ne fait que passer,, il s'en nourrit, nous y invite et continue de tracer sans le savoir le chemin qui me mène à la furieuse
Michèle Lesbre
Un petit garçon, primo, vit seul avec son père, ouvrier au chômage.
Pauvreté matérielle et dénuement psychologique marquent ce récit. le père et l'enfant imaginent faire fortune en cultivant des rosiers. on leur coupe l'électricité. ils vont manger dans un bistrot où une femme chante des chansons grivoises. ils volent des cierges dans une église pour s'éclairer. c'est tout et c'est immense. un récit d'une simplicité bouleversante sur les relations père-fils.
Il y règne une ferveur singulière, un vertige plutôt. L'enfant et son père dans l'ordinaire des jours difficiles, les beaux mensonges et les autres, le rêve éveillé, la grâce, le secours de l'imaginaire....Je pourrais relire indéfiniment ces pages lumineuses comme on répète des mots magiques qui vous tiennent haut dans le ciel quotidien.
Michèle Lesbre
André Breton quelques aspects de l'écrivain Autour des sept collines Un balcon en forêt Un beau ténébreux Carnets du grand chemin Au château d'Argol Les eaux étroites En lisant en écrivant La forme d'une ville Lettrines Lettrines ii Liberté grande La littérature à l'estomac Penthésilée, de kleist, (théâtre) Préférences (critique) La prfsqu'ile Le rivage des Syrtes Le roi pêcheur (théâtre)
Celles où il se souvient de sa jeunesse, quand il embarquait sur l'Evre, petit affluent de la Loire. Il écrit ces instants où le jeu des ombres et de la lumière au-dessus de l 'eau, la beauté des saules et des peupliers, le roucoulement de la rivière sur les galets, les pieds dans le courant et les rires heureux s'éternisent en nous.
Michèle Lesbre
« Au terme de bien des années, je m'étais détachée de la vie que j'avais menée dans la ville, comme nous découpons aux ciseaux une partie de paysage ou d'un portrait de groupe. Navrée du dégât que j'avais ainsi causé à l'image que je laissais derrière moi, et ne sachant trop ce qu'allait devenir le fragment découpé, je m'installai dans le provisoire, en un lieu où je ne connaissais personne dans le voisinage, où les noms de rue, les odeurs, les vues et les visages m'étaient inconnus, dans un appartement sommairement agencé où j'allais poser ma vie pour un temps. »Une femme s'installe en banlieue londonienne près de la rivière Lea, sans trop savoir pourquoi ni pour combien de temps. Elle arpente et explore les franges de la cité tentaculaire, ses marges, les berges des affluents oubliés. Seule, elle observe, se remémore, et, en un dialogue avec le paysage qui l'entoure, décrit ces non-lieux, ces présences, parfois en négatif, de caractères et d'émotions que l'eau traverse. Elle noue parfois des liens avec des personnages singuliers et attachants, évoque son père, un enfant, qui, pas davantage qu'elle, ne seront nommés mais sont tous liés à l'eau vive, à ses enchantements comme à sa mélancolie, à ses secrets comme à sa sauvagerie. Glanant çà et là objets de rebut ou de hasard, attentive aux détails des vies depuis la fenêtre de son appartement ou de celle d'une rame de métro aérien, la narratrice compose en parallèle un univers intime de notations et de symboles. Appareil photo en main, à la première personne, elle entraîne aussi le lecteur au gré des méandres de ses souvenirs, sur les rives des quatre coins du monde. En suivant le cours du Rhin de son enfance, du fleuve Saint-Laurent, du Gange ou d'un ruisseau presque desséché à Tel Aviv, c'est par la finesse d'une langue aussi précise que limpide, ses images poignantes et son regard poétique qu'Esther Kinsky parvient à tisser le fil conducteur de cette envoûtante pérégrination entre rêve et réalité. D'une rare qualité littéraire, ce récit subtil, scandé en brefs chapitres, est pour chacun une invitation au ralentissement et à la contemplation du monde qui nous entoure.
J'aime m'abandonner à l'emprise de ce texte, à la force de cette écriture et de cette femme dont la solitude aventureuse me happe
Michèle Lesbre
Exploration des derniers grands espaces américains, ce recueil rempli d'aubes enflammées, de rivières brillantes et de canyons radieux invite à la méditation. Mais la beauté incomparable de l'Ouest sauvage ne peut faire oublier sa fragilité. Dans les pas d'Henry David Thoreau, Abbey dénonce avec passion les coups portés à notre patrimoine naturel au nom du progrès, du profit ou de la sécurité, et se déchaîne contre la cupidité humaine.
Avec En descendant la rivière, nous retrouvons l'Edward Abbey poète et provocateur à son meilleur, au moment où nous avons le plus besoin de lui.
En descendant la rivière est un vertige, une chevauchée aquatique à laquelle se joignent quelques fous de ses amis et sa jeune fille. C'est une ode à la nature, un manifeste pour sa sauvegarde, une histoire d'amour fou pour la vie et les bonheurs dangereux.
Michèle Lesbre
Des sources en Forêt-Noire à son delta en mer Noire, Claudio Magris descend le fleuve. En touriste : il visite les paysages et les maisons, s'arrête, à Vienne, devant un simple escalier de bois. En érudit : il découvre les sites majeurs, les rites de la Mitteleuropa ; il croise, semble-t-il, Kafka, Canetti, Lukacs, Joseph Roth..., de passage, eux aussi. En homme : il s'émeut, s'émerveille, s'interroge. Sous la plume d'un grand écrivain, le voyage au gré du fleuve devient aussi une grande fresque des siècles passés.
Relire le sublime texte de Magris m'entraine en un temps où la littérature et les eaux du fleuve baignaient une autre Europe.
Michèle Lesbre
Coffret de deux volumes vendus ensemble, réunissant des réimpressions récentes des premières éditions (1947, 1950)
Je pense à Chateaubriand évoquant l’étang de Combourg de son enfance, et à sa fidélité à ce minuscule paysage qu’il évoque avec tendresse, lui ce grand voyageur, dont j’aime relire les mémoires, la langue magnifique qui était la sienne.
Michèle Lesbre