Entrée dans la Pléiade, adaptations graphiques de 1984, climat ambiant, le créateur de Big Brother est à n'en pas douter une tête d 'affiche incontournable de cette fin d'année si particulière.
"Sentinelle vigilante, il fut contre tous les Duce, Caudillo, Führer et Petit Père des peuples qui ont ensanglanté le XXe siècle, toujours précis pour les fustiger en observateur engagé, attentif au viol des foules par toutes les propagandes, y compris celles propagées par les élites qui prétendent s’y opposer. Ses écrits, politiques ou plus personnels, n’ont jamais la sécheresse de la théorie. Ils naissent de ce qu’il a vécu : la guerre d’Espagne ou l’extrême pauvreté." Telerama
Enrique Rodriguez Ramirez est professeur d'Histoire de l'Art à l'université du Pays Basque (où Altarriba a enseigné la littérature française). A S3 ans, il est à l'apogée de sa carrière.
Sur le point de devenir le chef de son champ de recherches, en proie aux rivalités académiques, il dirige un groupe d'étude intitulé: "Chair souffrante, la représentation du supplice dans la peinture occidentale." Bruegel, Grünewald, Goya, Rops, Dix, Grosz, Ensor, Munch, Bacon sont ses compagnons de rêverie et la matière de son travail.
Mais sa vraie passion, dans laquelle il s'investit à plein, est plus radicale : l'assassinat considéré comme un des Beaux-Arts. Enrique profite des congrès, concours, jurys, pour commettre des meurtres sans mobile, sans autre visée qu'esthétique. Chacun constitue une performance, inspirée d'une technique picturale particulière. Ils jalonnent une impeccable carrière d'artiste-assassin jamais inquiété par les autorités. Or, voici que cet homme au dessus de tout soupçon se trouve impliqué dans le meurtre d'un de ses principaux rivaux, inspiré d'un des Caprichos , la suite de gravures de Goya. Meurtre qu'il n'a bien sûr pas commis. Une partie difficile s'engage pour le serial-killer, dont l'imposant cursus de 34 morts doit impérativement être protégé des curiosités de la loi...
Après Moi, assassin, Grand Prix de la Critique ACBD 2015, le duo Altarriba-Keko poursuit sa « Trilogie du Moi » avec Moi, fou. Où le premier livre s'intéressait à l'imposture morale et artistique, celui-ci se penche sur l'imposture scientifique.
Angel Molinos, docteur en psychologie et écrivain, basé à Vitoria comme le héros de Moi, assassin, travaille pour l'Observatoire des Troubles Mentaux (OTRAMENT), un centre de recherche affilié aux Laboratoires Pfizing de Houston, qui suit l'évolution des maladies mentales et teste de nouvelles molécules sur des patients affectés de symptomatologie atypique. La mission d'Angel est d'identifier de nouveaux profils « pathologisables » afin de créer des maladies inédites et d'aider Pfizing à élargir sa gamme de produits. Un jeu d'enfant pour un psychologue aux velléités littéraires. Il travaille actuellement sur le « syndrome de Thersite » (l'effroi de sa propre laideur) et le « syndrome de la Marâtre » définissant ceux qui se pensent les plus beaux.
Récemment, les nuits d'Angel sont hantées de cauchemars terrifiants, qu'il consigne dans son « cahier de rêves » dans l'espoir de découvrir leur signification. Un message de son frère lui annonçant l'expulsion de leurs parents de la maison familiale aggrave les choses. Angel doit retourner dans son village natal, que des soupçons d'homosexualité l'ont obligé à quitter à l'âge 16 ans, trente-huit ans plus tôt. Il retrouve son père Alzheimer et renoue avec l'homme qui l'a initié à l'homoérotisme, devenu curé de la paroisse.
Angel comprend que son métier est lié à ce trauma de jeunesse. Il crée des catégories d'« anormalité mentale » pour se venger de l'étiquette homosexuelle qui a bouleversé sa vie. Revenu à Vitoria, il décide de rallier la cause de son collègue Narciso Fuencisla, qui veut dénoncer les pratiques d'OTRAMENT. Mais Narciso a disparu sans laisser de trace.
La main coupée dans un gant de cuir noir qu'Angel trouve devant sa porte n'arrange pas son état. Ses employeurs auraient-ils décidé de se débarrasser de lui ? L'inventeur de fausses folies serait-il en train de devenir fou lui-même ?
Cette histoire de multinationales découpant nos vies et nos psychés pour optimiser leurs profits pourrait se dérouler n'importe où, mais ses tonalités politiques ajoutent un volet au portrait sans concession de son Espagne contemporaine qu'Altarriba trace de livre en livre. Et la mystérieuse ville basque de Vitoria, au centre de sa « Trilogie du Moi », devient pour lui ce que Dublin fut pour Joyce ou Providence pour Lovecraft, le lieu mythique d'où sourdent toutes les peurs, tous les fantasmes, toutes les hantises qui habitent ses héros.
Adrián Cuadrado est conseiller en communication du Parti Démocratique Populaire, force dominante de l'échiquier politique espagnol vouée à la corruption, aux magouilles financières, aux coups tordus, à la manipulation des consciences et des suffrages. Roi du storytelling, Adrián est l'un de ces spin doctors chargés de produire la lumière qui illuminera le meilleur profil d'un candidat, en fera un produit désirable pour les électeurs. Menteur par vocation, par profession et par nécessité conjugale, il est l'heureux détenteur d'une double vie, entre son épouse et ses deux enfants à Vitoria, et sa maîtresse torride à Madrid. Pour l'heure, sa mission est de faire entrer dans le grand bain national le jeune élu local Javier Morodo, dont l'homosexualité assumée offrira un gaywashing au Parti, trop longtemps accusé d'homophobie. Tâche élémentaire pour Adrián, que vient compliquer la découverte inopinée de trois têtes coupées de conseillers municipaux artistement conservées dans des bonbonnes en cristal. Qui est derrière ces meurtres baroques ? Quel lien les rattache à une opération autour des palais en ruine qui constellent la cité basque ? Soudain, la vie d'Adrián l'imposteur se détraque, menaçant de faire mentir sa devise, selon laquelle « le menteur est un dieu dont le verbe crée des mondes ».
Avec ce tome ultime, la très sombre « Trilogie du Moi » acquiert sa dimension finale. Celle d'une ode lovecraftienne à la ville où l'auteur vit depuis des décennies, où tous les fils se nouent, toutes les trajectoires se recoupent, tous les conflits se terminent (mal le plus souvent) pour tracer le portrait d'une Vitoria noire, gothique, mythique. Celle aussi, majestueuse, d'une cathédrale de papier dédiée à nos modernités perturbées.
Trouver sa voie, envers et contre tous, même au-delà du possible.
Paris, 1848. Rachel a un don. Elle peut lire à travers le temps, les lieux, les gens et leurs histoires. Elle rêve de provoquer chez ses semblables une ouverture vers de nouveaux horizons. Sorcière pour les uns, phénomène de foire pour les autres, elle s'épuise et peine à trouver sa place. Un jour, elle disparaît sans laisser de traces...
Bien des années plus tard, Liv, metteure en scène de théâtre, et Virginia, photographe, croisent le chemin de Rachel au coeur de leur démarche artistique. Rachel aurait-elle enfin trouvé sa voie par le biais d'une sororité créative défiant les lois de la raison ?
Vendre du bonehur familial sur les réseaux sociaux a fait de Mélanie une femme comblée. Epoux modèle, enfants parfaits, abondance matérielle sont la vitrine que ses fans plébiscitent à loisir.
Mais jusqu'où peut on exposer sa vie et ses proches ?
«On arrivait à Miradour par une mauvaise route à peine goudronnée qui montait en tournant. La pente était si raide que la vieille voiture de Madeleine tombait fréquemment en panne au milieu de la côte. Il n'y avait alors d'autre solution que d'aller chercher une paire de boeufs à la ferme la plus proche.» Dans ce conte d'un été lointain, tout est vrai et tout est allègrement réinventé. D'êtres chéris, Florence Delay a fait des personnages et cousu ensemble des scènes éparses du passé pour ne pas les perdre.
Un coin secret de champignons. Un tracteur en boîte de nuit. Une vierge phosphorescente. Un concert fantôme. Des chemins de sable qui serpentent entre les pins jusqu'à l'océan.
L'envie de partir et le besoin de rester...
Presqu'îles, ce sont des tranches de vie saisies au vol, tour à tour tragiques ou cocasses qui, à travers les portraits de personnages attachés de gré ou de force à un lieu, les landes du Médoc, parlent de la vie telle qu'elle est, que ce soit là ou ailleurs. Au fur et à mesure que ces textes courts se répondent et s'assemblent, un monde prend forme. Celui de celles et de ceux dont on ne parle pas forcément, que l'on ne voit pas toujours.
Sans pathos, au plus près de son sujet, Yan Lespoux dessine un archipel de solitudes qui touche à l'universel.
Perdu dans un quartier inconnu de Jérusalem, le narrateur se félicite - à la vue de tous les ultra-orthodoxes qu'il croise - que ses arrière-grandsparents aient quitté leur shtetl ukrainien pour atterrir à Paris. Tout l'énerve dans ce voyage que lui a offert son neveu à l'occasion de ses cinquante ans. À commencer par le fait qu'il soit organisé, alors que, célibataire endurci, il n'aime rien tant que le calme de sa petite librairie de Bar-sur-Aube.
Mais Robert Stobetzky n'a pas planté là son groupe par pur désir de tranquillité : il croit avoir reconnu, dans la silhouette familière d'une femme suivant un prêtre en soutane, celle avec qui, l'été 1969, il a vécu trois semaines de bonheur intense et qui est restée l'amour de sa vie. Vingt-six ans plus tard, il comprend, à la violence de sa propre réaction, qu'il ne s'est jamais remis de leur rupture aussi soudaine que brutale : un beau matin, Madeleine avait quitté le petit appartement sous les toits parisiens en lui enjoignant de ne pas chercher à la revoir.
Le jeune orphelin de onze ans qu'il était - ses parents sont morts de la grippe en 1956 - a eu beaucoup de mal à surmonter ce nouvel abandon. C'est alors qu'il a décidé de quitter Paris et sa thèse sur Louise Labé pour s'installer en Champagne. Errant dans Jérusalem, il se remémore ses années de solitude, éclairées par la lecture et la révélation de la musique. Lui qui n'avait pas osé avouer à Madeleine sa méconnaissance des artistes figurant sur les pochettes des disques qu'elle lui avait fait découvrir est foudroyé par la Suite en do mineur de Bach, entendue par hasard à la radio. Il décide d'apprendre le violoncelle et sa rencontre avec Johann Chauchat, devenu son professeur, illuminera un temps ses journées...
Au fil de ses déambulations loin du groupe, cet homme au mitan de sa vie voit ce voyage touristique qu'il n'a pas choisi se transformer en une longue remontée de sa propre existence. Sans doute lui fallait-il le fantôme de Madeleine, entrevu dans cette ville toute pétrie de passé, pour qu'il accepte ce retour en arrière.
Jean Mattern, subtil instrumentiste d'un fascinant monologue où alternent ironie, allégresse et chagrin, écrit un très beau livre sur la perte.
Jean Seghers est inquiet : sa station-service a été déclarée en faillite. Son veilleur de nuit-mécanicien lui réclame ses indemnités et, de surcroît, il craint que sa femme entretienne une liaison avec le président du Tribunal de commerce.
Alors, il va employer les grands moyens.
José-Luis Munuera signe une superbe adaptation cette nouvelle de Melville, tant au niveau de la construction du récit, que du dessin qui est époustouflant!
Vous pourriez passer à côté, mais "je préfèrerai pas"
« Cher journal, Lundi, j'ai grelotté sous une averse ; mercredi, mon fils a mangé les pions du jeu de dames ; jeudi, ô joyeux lendemain de fête ; puis ménage de printemps, journée sans ménagement, dimanche en famille... Enfin seul. Pour enchanter les jours d'humeur noire ou accueillir les premiers flocons, il y a toujours un potage. En bon amoureux des soupes, j'en mitonne toute l'année. Du bouillon vaporeux pour avoir les idées claires au velouté pour faire revenir l'être aimé, il est aussi une soupe pour épater sa grand-tante ou célébrer la foire aux vins, un gaspacho à boire par une chaude nuit d'été, et le mouliné du soir de la déclaration d'impôts. Ainsi, en passant les moments de vie à la mandoline, les jours s'écoulent agréablement. » Tombé très jeune dans la marmite, Julien Ponceblanc, petit-fils de boulanger et de viticulteur, cultive depuis toujours le goût des bonnes et belles choses. Il est le créateur de GreenShoot, une marque de soupes de qualité, incontournable en France. Le Journal d'un amoureux des soupes est son quatrième ouvrage. Il y traduit d'une manière inédite, singulière et raffinée sa passion pour ce mets commun, qu'il nous invite à redécouvrir en dégustant 60 billets d'humeur et autant de recettes savoureuses.
Amaia Salazar, détachée de la Police forale de Navarre, suit une formation de profileuse au siège du FBI dans le cadre d'un échange avec Europol. L'intuition singulière et la perspicacité dont elle fait preuve conduisent l'agent Dupree à l'intégrer à son équipe, lancée sur les traces d'un tueur en série recherché pour plusieurs meurtres de familles entières. Alors que l'ouragan Katrina dévaste le sud des États-Unis, l'étau se resserre autour de celui qu'ils ont surnommé le Compositeur. La Nouvelle-Orléans, dévastée et engloutie par les eaux, est un cadre idéal pour ce tueur insaisissable qui frappe toujours à la faveur de grandes catastrophes naturelles.
L'association du réalisme cru de scènes apocalyptiques en Louisiane, de rituels vaudous des bayous et de souvenirs terrifiants de l'enfance basque d'Amaia constitue un mélange ensorcelant et d'une rare puissance romanesque.
Eté 1875, Berthe Morisot et son époux se retirent à la campagne. A eux calme et repos. C'est compter sans l'appétit de vivre et la curiosité qui animent l'artiste à l'affut du lieu et des gens du cru, formidable
source d'inspiration. Une Berthe Morisot libre et inattendue, dont l'énergie ne vous quittera plus
Un matin, Clara, la trentenaire vaillante, fiable, prévisible, raisonnable, ne peut tout simplement plus avancer
Une digue cède et c'est l'effondrement
Avec précision, grâce et transparence, Gaelle Josse nous invite à la reconquête d'une existence en lambeaux 'il faut courir vers son désir sans regret et sourire à ce qui nous porte et nous réjouit"
Lisbonne, été 1968.
Depuis 40 ans, le Portugal vit sous la dictature de Salazar.
Mais, pour celui qui décide de fermer les yeux, la douceur de vivre est possible sur les bords du Tage. C'est le choix de Fernando Pais, médecin à la patientèle aisée. Tournant la page d'une jeunesse militante tourmentée, le quadragénaire a décidé de mettre de la légèreté dans sa vie et de la frivolité dans ses amours.
Un jour où il rend visite à un patient au siège de la police politique, Fernando prend la défense d'un gamin venu narguer l'agent en faction. Mais entre le ? ic et le médecin, le gosse ne fait pas de distinguo. Et si le révolutionnaire en culottes courtes avait vu juste ? Si la légèreté de Fernando était coupable ?
Le médecin ne le sait pas encore, mais cette rencontre fera basculer sa vie...
Au bord du bayou Attoyac, le corps d'un homme noir, venu de Chicago, est retrouvé. Cause présumée de la mort: noyade après un passage à tabac. Motif de l'agression selon les autorités locales: le vol. Mais pourquoi alors a-t-on retrouvé son portefeuille sur lui? Et pourquoi deux jours plus tard, au bord du même bayou, et juste derrière le café de Geneva Sweet, le cadavre d'une fille blanche est-il découvert? Dans ce Texas où Noirs et Blancs ne fréquentent pas les mêmes bars et où les suprémacistes blancs font recette, le Ranger noir Darren Mathews n'est pas particulièrement le bienvenu. Surtout quand il décide d'interférer dans l'enquête du shérif local. Darren ne connaît que trop bien ce coin de terre, et, malgré son attachement indéfectible à ce pays, il sait qu'il lui faudra mener seul sa quête pour la vérité et la justice. Un suspense aux accents de blues, doublé d'une réflexion toute en nuances sur les racines, les tensions raciales et les discriminations au sein même des communautés.
Après 20 ans sur des tournages de films et de séries, Benoît Cohen se sent vidé. L'enthousiasme s'est échappé. L'envie d'arrêter l'écriture et de poser un temps la caméra s'est tout entière emparée de lui. En 2015, cela fait un an qu'il réside à New-York et, pour se nourrir de la richesse de la métropole, il décide de devenir chauffeur de taxi. Dans une école du Queens, il apprend les ficelles du métier, fait la rencontre de ses futurs collègues (tous précaires, tous migrants...) et affronte le labyrinthe administratif qui mène à la licence de Taxi driver. Au volant de l'emblématique Yellow Cab, il arpente big Apple, observe les visages de ses milliers de passagers, discute... et fait régulièrement face aux préjugés qui entourent sa nouvelle profession. Ceux qui entraînent les clients, les flics et la ville entière à le considérer aléatoirement avec passivité, gentillesse ou agressivité...
Benoît Cohen voulait écrire un film. Pourtant, la matière qu'il extrait de cette expérience sociale le marque profondément et l'amène à emprunter des chemins insoupçonnés. Le projet se transforme en roman autobiographique intercalé de réflexions sur le processus créatif. D'abord édité chez Flammarion, il prend dorénavant la forme d'une sublime bande dessinée grâce à Chabouté. Une aventure sensible, profondément humaine, devenue livre au graphisme époustouflant qui rend un vibrant hommage à la plus célèbre des cités américaines.